Photo Jean-Sylvain Perrig © lemania pension hub
Par Jean-Sylvain Perrig, Président de la Commission de placement chez lemania pension hub
L’année 2022 se montre bien cruelle avec les investisseurs. Le premier semestre s’est révélé catastrophique. L’ensemble des classes d’actifs ont délivré des performances en format rouge vif. Le dégonflement de la bulle obligataire fut spectaculaire, grâce à une remontée inédite de l’inflation, que nos banquiers centraux n’avaient pas vu venir. Si l’on ajoute à cela une guerre sur le sol européen, qui fait craindre une pénurie énergétique d’ampleur, et la sécheresse dans notre hémisphère Nord, conséquence du changement climatique, nous avons de bonnes raisons de broyer du noir.
A la fin du mois de juin, les investisseurs se sont ainsi retrouvés au bord de la crise de nerfs, coincés entre des banques centrales moins généreuses en liquidités et une économie mondiale sur le chemin de la récession.
Cependant, ils ont réussi à se calmer à l’arrivée de l’été. Il semble que les anticipations inflationnistes aient passé leur pic aux Etats-Unis et dans les pays occidentaux. Les banquiers centraux font face à une tâche dantesque, puisqu’il leur faut demeurer crédibles, alors qu’il est aujourd’hui impossible de monter les taux au-dessus de l’inflation. Le stock de la dette publique ne le permet pas. Ainsi, malgré des politiques monétaires moins accommodantes, les taux réels[1] demeurent négatifs. Et cette situation devrait perdurer.
Même notre Banque nationale suisse (BNS) a surpris au mois de juin. Elle a relevé son taux de référence d’un demi pour cent à -0.25%, de manière totalement inattendue, sans attendre la Banque centrale européenne (BCE). Dans un contexte de pressions inflationnistes importantes, la force du franc ne fait plus peur à nos banquiers centraux, au contraire, c’est une bénédiction. La devise helvétique s’est ainsi considérablement renforcée. La tendance à l’appréciation du franc à long terme est bien en place.
La démographie déclinante de l’Occident, l’innovation technologique ainsi que la globalisation semblaient nous condamner, au mieux, à une croissance économique modérée, accompagnée d’une inflation faible, voire nulle. La déflation nous menaçait. C’est ce que l’on croyait avant la pandémie. Depuis la pandémie, suivie de la guerre, les fondamentaux sont les mêmes, mais les flux de capitaux sont alloués de manière différente.
La globalisation a redistribué les richesses autour de la planète : elle a permis à de nombreux pays émergents de sortir une partie significative de leur population de l’extrême pauvreté, particulièrement en Asie. Cependant, elle a aussi concentré les richesses dans les pays développés, où une partie de la classe moyenne s’est paupérisée. Cela permet aujourd’hui aux populistes de tous bords d’avoir du succès dans les urnes, car de nombreux citoyens se sentent menacés économiquement et dans leurs valeurs. La perspective de devoir passer l’hiver dans le froid pour économiser l’énergie, alors que l’on vient de sortir d’une période de crise sanitaire pénible, devrait encore favoriser les politiciens qui promettent de « raser gratis ». Pour éviter cela dans la mesure du possible, il faudra aider les ménages les plus pauvres, l’austérité budgétaire ne sera pas au programme.
Nous sommes maintenant engagés dans une course contre la montre. Pour les entreprises, il s’agit de doubler les lignes de production, et/ou de les rapatrier (onshoring). Cela permet à la fois de diminuer le risque de perturbations de la production, et de réduire son empreinte CO2. Ces considérations devraient entraîner des dépenses d’investissement importantes pour les années à venir, dans le but de rapprocher et d’automatiser les chaînes de production.
Pour les Etats, il s’agit également d’investir. Il faut rénover les infrastructures, les adapter, assurer l’approvisionnement énergétique, notamment grâce au renouvelable. En Europe, il s’agit d’une urgence absolue avec la guerre en Ukraine et l’accélération du réchauffement climatique.
Pour les Européens, dans le contexte de la construction européenne et des contraintes budgétaires de Maastricht, il faudra faire preuve de créativité : certaines dépenses pourront être comptabilisées comme investissement et d’autres, probablement, budgétées au niveau européen. Le stock élevé de la dette publique ne devrait ainsi pas être un obstacle. Aux Etats-Unis, il n’y a pas de problèmes d’approvisionnement énergétique à court terme. Cependant, comme on l’a vu avec le dernier volet du plan Biden, l’« Inflation Reduction Act », le désir de moderniser et de verdir les infrastructures américaines est également présent.
Ainsi, le réchauffement climatique, la guerre, la pandémie et les tensions commerciales poussent Etats et gouvernements à revoir leur modèle de fonctionnement sur un plan énergétique, environnemental et commercial. C’est un monde qu’il faut construire.
Le passage de la « mondialisation low cost », comme certains l’appellent, à une « glocalisation » verte devrait entraîner une vague d’investissements sans précédent dans la décennie à venir. Le manque de main-d’œuvre, la rareté des matières premières et les difficultés à acheminer les marchandises exercent une pression haussière sur les prix. Il ne s’agit pas d’un épiphénomène.
Le temps de la main-d’œuvre bon marché semble révolu, maintenant que la Chine ne joue plus le rôle de réservoir pour celle-ci. Puisque nous avons sous-investi dans le secteur de l’énergie, il faudra accepter de la payer plus cher. Ces deux éléments – main-d’œuvre et énergie – ont agi comme des forces déflationnistes par le passé, ils contribueront au renchérissement dans les années futures. Il faudra du temps pour nous adapter à cette nouvelle réalité. Nous vivons un changement de régime.
Les marchés financiers sont nerveux. Après trois années consécutives de hausses, la brusque remontée des taux a également mis de la pression sur les actifs risqués.
Dans ce contexte décrit plus haut, les taux vont poursuivre leur hausse. Cependant, ce processus prend du temps, il s’étale sur des années, et en « escalier ». On peut illustrer cela avec le taux à dix ans du gouvernement suisse : Il a fallu deux décennies pour passer de 4.1%, au début du siècle à -0.6% à la fin de 2019. Depuis le niveau de 0% à la fin de l’année 2021, il est possible d’imaginer un retour à 4% dans vingt ans. Rien d’extraordinaire. Cela signifie que ces prochaines années, les performances obligataires vont demeurer, au mieux, faibles.
Dans un environnement d’un ajustement haussier des taux étalé dans le temps, les actions offrent de meilleures perspectives. Les entreprises peuvent répercuter sur leurs prix de vente les hausses de prix qu’elles subissent. Les bénéfices s’ajustent.
Le rendement du marché suisse (SPI)[2] ne fut que de 4.8% annualisé sur les vingt dernières années, en dessous de sa moyenne à long terme de 7.7% par an[3] de 1926 à 2021. Contrairement aux obligations, nous ne sortons pas d’une bulle. A l’exception de quelques poches de cherté, les actions ont des valorisations inférieures à leur moyenne depuis le début du siècle.
Dans un contexte de prévoyance, avec un horizon temps long, il est primordial de choisir une solution qui permette de préserver son pouvoir d’achat à la retraite. Les solutions d’investissement qui proposent une majorité de placements en obligations ne permettent pas d’atteindre cet objectif. Il faut privilégier un budget de risque maximum en fonction de son horizon temps.
C’est lorsque l’humanité est confrontée à des crises d’ampleur, comme le XXe siècle en a connu, que l’innovation est à son paroxysme. Le futur est incertain, nous ne sommes jamais à l’abri de la stupidité de certains dirigeants avides de pouvoir ou de grandes catastrophes naturelles. Cependant, nous avons tendance à sous-estimer la créativité de l’humanité. Louis Chevrolet disait : « Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu : des chevaux plus rapides. »
Il est vrai que les actions connaissent d’amples variations de cours, c’est, entre autres, pour cela que l’on est mieux rémunéré sur le long terme. Cette rémunération supplémentaire permet, sur la durée, de préserver le pouvoir d’achat des sommes cotisées. Il est fondamental de se le rappeler lorsque l’on choisit une solution pour son deuxième pilier ou son libre passage.
[1] Le taux réel est le taux nominal – le taux de l’inflation. Si le résultat est inférieur à zéro, le pouvoir d’achat de la monnaie diminue
[2] SPI : Swiss Performance Index
[3] Source Pictet AM, dividendes réinvestis
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