Monde Economique Selon certains experts, dans le secteur informatique il est de plus en plus difficile de gagner des parts de marché en Europe sur la base d’une croissance purement interne. La création du groupe T2I confirme-t-elle cette analyse ?
Claude-Michel Salamin : Le secteur informatique est tel qu’aujourd’hui, toutes les sociétés sont équipées de solutions informatiques pour leurs besoins fondamentaux (ERP métier, logiciel comptable, etc.). Sur ce marché la croissance interne est difficile car la concurrence est forte. En effet, pour gagner en parts de marché, il faut intervenir au moment du renouvellement de la solution informatique, ce qui arrive en moyenne tous les 5 à 10 ans, et remplacer la solution concurrente déjà installée. Or, les entreprises sont souvent réfractaires aux changements de ce type d’outils car ils impactent les activités courantes et sont souvent connectés entre eux. Vu sous cet angle, il est donc juste d’affirmer qu’une croissance externe par le rachat d’une société dotée de sa propre solution permet d’augmenter rapidement son portefeuille clients.
Toutefois, cette vision est partielle car avec l’évolution des technologies, les réponses possibles aux besoins des entreprises s’élargissent, il existe de nombreux créneaux où le marché est encore vierge. Cibler ces secteurs de niche, avec des solutions répondant aux préoccupations de nos clients permet également une forte croissance par du développement interne.
Monde Economique Récemment vous disiez dans une interview, que ce regroupement vous permettra de proposer des services beaucoup plus ciblés sur certains marchés comme la France. Quelles sont les nouveaux métiers ou expertises dont pourront bientôt bénéficier vos clients français ?
Claude-Michel Salamin : Effectivement, la création du Groupe T2i a permis d’élargir notre marché en proposant par exemple en Suisse des solutions de dématérialisation dédiées au marché de l’immobilier. Inversement, nos clients français peuvent bénéficier de notre expertise RH avec l’arrivée de notre SIRH innovant qui conjugue mobilité, réseaux sociaux, décentralisation et dématérialisation des processus RH.
Au-delà de cette dimension, ce regroupement a permis un enrichissement dans la manière d’appréhender l’évolution de notre offre et le développement produits. Alors que le marché suisse est plus facilement demandeur de solutions globales, le marché français recherche depuis longtemps des solutions bien ciblées et répondant à un besoin très précis. Aujourd’hui, la mixité des équipes et des cultures nous permet d’avoir ces deux approches dans les deux pays, ce qui enrichit largement notre démarche d’innovation vis-à-vis de nos clients.
Monde Economique Ces dernières années nombreuses sont les fusions de sociétés qui ont échoué à cause d’une absence de culture commune entre les différentes entités regroupées. Quelles sont les dispositions que vous avez prises pour éviter ce risque ?
Claude-Michel Salamin : A l’image de notre société, il est vrai qu’il n’est pas facile de faire cohabiter différentes cultures et je ne vous cache pas que tout n’a pas été simple, mais nous aimons les défis ! Toutefois, cette fusion ne s’est pas faite en 6 mois et notre démarche entrepreneuriale qui a démarré il y a plus de 3 ans nous a permis d’anticiper ce risque.
La première mesure prise a été d’impliquer activement les collaborateurs à l’élaboration du projet. Ainsi, une vingtaine d’employés de toutes les sociétés ont participé aux réflexions, échanges et ont construit la nouvelle organisation. Ce groupe de travail a permis de renforcer l’adhésion des collaborateurs à ce projet d’envergure.
De plus, l’organisation transverse imaginée, trans-sociétés et transfrontalière, a fortement contribué à la création d’une culture commune. Nos équipes, multi-sites et multi-pays, collaborent au quotidien ce qui permet d’avoir une vue unique et un seul esprit d’entreprise.
Finalement, nous avons fait un effort conséquent en termes de communication. Chaque individu a eu la possibilité de se positionner et de s’exprimer face aux changements, ce qui a évité bon nombre de frustrations. De plus, cette fusion a offert à la majorité de nos collaborateurs des perspectives d’évolution de carrière intéressante qui a également contribué à la réussite de ce projet.
Monde Economique Plusieurs SSII installées sur les différents marchés que vous convoitez en Europe, ont dû ouvrir des unités de recherche et de production dans des pays comme le Maroc afin de réduire leurs coûts de production. Pensez-vous pouvoir rester compétitifs face à ces concurrents ?
Claude-Michel Salamin : Nous avons depuis 2010 une équipe de production Offshore basée au Vietnam. Cette équipe complète notre force de production en Europe. Notre motivation première était de compenser les difficultés que nous rencontrions à recruter du fait du manque de développeurs sur le marché de l’emploi. Monter une équipe de développeurs de même force en termes de nombre et de compétences aurait été tout simplement impossible dans un délai raisonnable.
Pour répondre à votre question, nous pensons donc que notre organisation et plus particulièrement nos équipes de production, locales et offshore qui collaborent quotidiennement, nous permettent parfaitement de rester compétitifs sur notre marché.
Monde Economique On dit qu’il faut beaucoup de temps pour finaliser un regroupement d’entreprises. Après un an d’existence pensez-vous que les différentes composantes du Groupe T2I sont fins prêtes pour partir à la conquête de l’Union européenne ?
Claude-Michel Salamin : A l’heure actuelle, nous ne sommes pas totalement prêts pour adresser de nouveaux pays. Il est important de finaliser notre regroupement d’entreprises. Notre planification prévoyait une phase de mise en œuvre de janvier 2014 à septembre 2015, nous sommes aujourd’hui très satisfaits de constater que nous respectons nos délais. Cela ne veut pas dire que tout est parfait mais nous travaillons depuis plus d’un an avec succès sur la mise en place de cette organisation au travers de procédures et processus communs.
Passé cette phase de mise en œuvre, il faudra continuer à cimenter et consolider cette nouvelle structure en avançant progressivement étape par étape.
Nous avons toutefois déjà posé quelques briques de réflexion sur l’élargissement de notre activité vers de nouveaux marchés francophones comme la Belgique et le Luxembourg. La démarche sera portée différemment en fonction de nos unités d’affaires avec toujours comme stratégie d’étendre la distribution de nos solutions et services sur l’ensemble du territoire où nous sommes actuellement présents et d’élargir notre activité vers de nouveaux pays francophones.
Pour plus d’information: www.groupe-t2i.com
Interview réalisée par Thierry Dime