L’enfant qui a commis une erreur aura fortement tendance à vouloir la camoufler, de peur de subir les foudres de ses parents, éducateurs et autres personnes dont il dépend. En fonction de son caractère et, surtout, de son encadrement, il aura une propension plus ou moins forte à agir de la sorte.
Ces phénomènes font partie intégrante de certaines cultures, particulièrement sous nos latitudes, et on pourrait naturellement disserter longtemps et abondamment sur cette question. Ces réactions d’enfant sont en général sans grande conséquence à ce stade, si ce n’est qu’elles finissent par prendre d’autres dimensions, autrement plus importantes, à l’âge adulte et, surtout, lorsqu’elles touchent au fonctionnement des institutions.
Dans un monde où l’obsession des processus et, d’une manière générale, la tendance lourde à la mécanisation pèsent de tout leur poids sur le fonctionnement des entreprises, la culture de l’erreur est très loin d’évoluer dans le bon sens. Attention, dangers multiples !
En effet, dans le prolongement des processus rigides et mécanisés se trouve en général la menace de sanctions qui, dans une économie où la sécurité de l’emploi tend à s’éroder, prennent une dimension écrasante pour les collaborateurs et cadres de l’entreprise. Le corollaire de cette tendance est la peur, par définition une composante extrêmement dangereuse pour diverses raisons.
La première consiste en un déficit d’envie d’entreprendre. Une personne bloquée par la peur de faire une erreur évitera soigneusement de laisser libre cours à sa créativité, privant ainsi l’entreprise de sa force de proposition et d’amélioration. À l’instar du tennisman qui, pour jouer à son plus haut niveau, doit jouer relâché, une personne en entreprise doit se sentir libre d’essayer, quitte à commettre des erreurs de parcours pour autant, bien entendu que l’on ne se situe pas dans la zone de la négligence.
La peur aura ici une influence particulièrement néfaste sur les performances de l’entreprise, surtout si elle est couplée à une tendance malheureusement très répandue consistant à couper les têtes qui dépassent. De la même façon, si les processus visent à aligner les collaborateurs sur une seule ligne dans un but d’uniformiser à l’extrême la chaîne de production et en misant sur une mécanisation totale du travail au travers d’une observation aveugle des règles, le message sera clairement perçu par les collaborateurs comme un encouragement à arrêter de réfléchir.
Paradoxalement, c’est justement de cette façon que les erreurs vont se multiplier. Dans un monde où la vitesse de réaction et la sophistication des outils ne cessent d’augmenter, l’absence de libre arbitre devient un réel problème. À chaque événement qui sort de l’ordinaire, l’organisation va trébucher et c’est en fin de compte, outre le fait que les erreurs vont provoquer des coûts directs, le client qui va en subir les conséquences et, de la sorte, perdre confiance dans l’entreprise.
L’autre danger majeur résultant de la peur revient précisément au thème clé de cet article. Dans un tel climat, toute personne commettant une erreur aura tendance à vouloir l’étouffer. À l’instar d’une petite plaie qui, bien soignée, laissera rapidement place au souvenir, celle qui est laissée en plan peut dégénérer en gangrène et provoquer l’amputation du membre, voire carrément le décès du sujet. Ramené au niveau de l’entreprise, de petites erreurs non traitées peuvent prendre progressivement des proportions telles qu’elles finissent par mettre en danger l’institution.
Combien d’affaires qui défrayent la chronique et qui provoquent des réactions de type « mais comment cela a-t-il pu arriver ? » sont-elles dues à ce phénomène ? Certainement un nombre non négligeable. Lorsque règne la culture de la menace, les erreurs même bénignes peuvent devenir de véritables bombes aux conséquences majeures pour l’entreprise.
Il est donc vital de créer une saine culture de l’erreur, et cela commence bien entendu au sommet de la hiérarchie. Si le comité de direction fonctionne sur un mode de respect mutuel et de tolérance, il pourra faire régner un climat analogue au sein de l’entreprise. Une approche habile et équilibrée de cet élément clé permettra de toucher simultanément la gestion du risque et la création de performance, sans compter qu’elle aura également un effet bénéfique sur les coûts, en évitant des rotations massives de personnel en perte de motivation. Rappelons-nous que l’erreur est humaine !