Interview de Cédric Borboën – Président & Fondateur du FOROM-Forum Economique Romand
Le Monde Economique : Déjà malmené depuis l’avènement de la crise sanitaire actuelle, les professionnels du secteur de l’événementiel sont aujourd’hui au fond du précipice. L’année est-elle perdue ?
Cédric Borboën: De mon point de vue, je ne pense pas. Il est vrai que pour les professionnels de l’événementiel, le coup est dur, surtout pour les événements organisés une fois par année. Même si cette année est difficile, l’année prochaine risque de l’être encore davantage. Il sera nécessaire pour tous les organisateurs et organisatrices d’événements de revoir leur business model, de mettre en place des solutions assurant la visibilité des partenaires & sponsors et de trouver un nouvel équilibre financier pour assurer la pérennité des évènements. Il faudra se réinventer et penser différemment pour combler les éventuels manques de liquidités et de financements prévus via les partenaires & sponsors en 2021. Pour les rassurer et compter sur leur soutien l’année prochaine, des solutions concrètes devront leur être proposées en lien avec leur visibilité, car les invitations VIP destinés à leurs clients ne suffiront plus. Nous devrons nous rapprocher d’eux et de leurs attentes, quel que soit leur domaine d’activités, et leur apporter notre soutien pour que le partenariat puisse plus que jamais se convertir en opportunités d’affaires.
Notre modèle doit changer, à l’image des championnats sportifs par exemple. Nous devrons trouver un meilleur équilibre entre les entrées des spectatrices et spectateurs, les sponsors et partenaires et une troisième catégorie qui reste à trouver. Si les droits TV en sont une, les droits “digitaux” en sont peut-être un autre, mais cela ne suffira pas à assurer la solidité financière de l’événement.
Le Monde Economique : Certains clients ont annulé leurs manifestations, d’autres sont en stand-by et attendent de voir comment les choses vont évoluer. Quelles marges de manœuvre les professionnels du secteur disposent-ils encore pour éviter des faillites en cascade ?
Cédric Borboën: Nous n’avons actuellement pas beaucoup de marge de manoeuvre pour éviter le pire… La seule marge tangible pour les événements à venir, serait que la situation sanitaire s’améliore drastiquement pour qu’un maximum d’événements puissent avoir lieu après l’été. L’autre marge de manoeuvre tiendra à une transformation complète d’un événement sous la forme présentielle à digitale, avec les outils que nous connaissons comme le live streaming ou TV. Cependant, toutes les entités organisatrices n’ont pas forcément la possibilité, ni les moyens de les mettre en oeuvre.
Le Monde Economique : L’événementiel apparaît d’ores et déjà comme l’un des secteurs les plus touchés par les conséquences économiques de l’épidémie dues au coronavirus. Finalement, cette crise n’est-elle pas l’opportunité de mettre de l’ordre dans un secteur qui compte un peu trop d’acteurs ?
Cédric Borboën: “Mettre de l’ordre” est une expression un peu forte. Je dirais que certains événements sont plus susceptibles de souffrir de la situation que d’autres, notamment en raison de leurs sources de financement ou de leur modèle d’organisation. Je pense par exemple aux événements qui s’appuient en grande partie sur le bénévolat, de la direction et des équipes; la situation risque d’être difficile. Il faudra absolument renforcer et professionnaliser les structures pour que les partenaires & sponsors puissent trouver le moyen de quantifier le retour sur investissement. C’est pour ma part l’élément le plus important et la clé du futur des organisatrices et organisateurs d’événements.
Le Monde Economique Un nombre considérable d’inconnues obligent à une grande modestie, en matière de projections. Comment se présente la 15ème édition du Forum Économique Romand ?
Cédric Borboën: Pendant cette période de confinement, nous avons réalisé un très important travail d’adaptation, avec comme priorité absolue de protéger la santé de toutes les parties prenantes de nos événements, à savoir le personnel, les partenaires et prestataires de services avec leurs équipes et bien entendu les participant-e-s. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les normes sanitaires en vigueur de l’OFSP et avons construit un concept d’hygiène et de sécurité sérieux et complet. Nous avons adopté la charte Social Attitude que nous avons développée avec ma deuxième société Global Events Sàrl, active dans la conception et l’organisation d’événements d’envergure tels que le Rallye International du Valais, l’International Chablais Hockey Trophy, les Business Hours de l’Économie Romande ainsi que les Championnats du Monde Cyclisme Route UCI 2020 Aigle Martigny dont nous avons été mandatés pour l’organisation.
La charte Sociale Attitude est un document de référence en matière d’organisation d’événements culturels, sportifs, économiques et de réseautage dans un contexte de crise sanitaire afin de protéger la santé et de garantir la sécurité de toutes les parties prenantes qui s’engagent formellement à respecter les règles et les valeurs définies, ainsi que de guider leur attitude et comportement durant l’évènement.
Elle s’articule sur 3 mots clés : Sécurité, Respect et Convivialité.
En tant qu’organisateurs d’événements, notamment ceux qui auront lieu cet été ou dès septembre, nous nous devons de poursuivre notre activité et de démarrer la communication comme si notre événement allait avoir lieu, même si les prévisions sanitaires sur la seconde partie de l’année sont encore incertaines mais plutôt encourageantes. Nous devons aller de l’avant, en prenant bien sur toutes les dispositions possibles pour assurer la sécurité sanitaire sur le lieu de nos évènements.
A un peu plus de quatre mois de notre 15e édition du FOROM-Forum Economique Romand, qui aura lieu le 24 septembre 2020, nous sommes plutôt confiants sur sa tenue au SwissTech Convention Center avec qui nous collaborons étroitement. Nous suivons de près les autorisations et mesures applicables à ce moment-là.
Le Monde Economique : Si certains n’ont d’autres alternatives que les annulations, d’autres par contre préfèrent pivoter leurs services. C’est ainsi que les Business Hours que vous organisez habituellement en présentiel se sont temporairement transformés en Virtual Business Hours. Ce nouveau format rencontre-t-il un succès ?
Cédric Borboën: Nous rencontrons un joli succès avec nos éditions virtuelles des Business Hours de l’économie romande. Nous remarquons que notre réseau ressent maintenant le besoin de recréer les liens sociaux dans leurs activités professionnelles. Ces événements de réseautage virtuels représentent une solution pour pallier ce manque avant de pouvoir renouer contact en présentiel. Dès juillet, nous espérons pouvoir relancer nos évènements de réseautage, dans une ambiance conviviale sur les terrasses, avec toutes les protections sanitaires, et encore une fois pour autant que l’on nous en donne la possibilité et l’autorisation.
Le Monde Economique A quoi faut-il s’attendre pour le futur de l’événementiel ?
Cédric Borboën: En résumé, beaucoup de choses devrons changer comme je l’ai mentionné plus haut, mais le contact en présentiel est et restera primordial dans ses relations d’affaires. Je suis persuadé que nous devons maintenir les évènements, mais sous une forme plus sécuritaire. En tant qu organisateurs d’événements, notre rôle est de rassurer, de protéger la santé des participants et des équipes, avec des mesures sérieuses.
Interview réalisée par Thierry Dime