Laurence Sallaz co-fondatrice avec Laura Quintero du New Sight Magazine, une nouvelle publication genevoise spécialisée dans le monde de la mode, de la beauté et de l’événementiel
Monde Economique: Vous êtes plutôt connue comme conseillère en image et Make-up artiste et non comme une femme de presse ; qu’est-ce qui vous a poussé à créer une nouvelle publication ?
Laurence Sallaz : Cela fait déjà des années que j’écris pour la presse spécialisée dans le domaine de la beauté et du conseil en image sur la France et la Suisse. Ce qui m’a poussé à créer ce magazine c’est ma volonté de porter un autre regard sur cet univers, afin d’apporter un plus aux lecteurs. En effet suite à une étude de marché que nous avons réalisé auprès de 38’000 personnes, où nous leur avons demandé ce qu’elles pensaient de la presse, nous avons constaté que bon nombre d’entre elles éprouvaient de moins en moins de plaisir à lire les magazines traitant de ces thématiques. A l’origine de cela on trouve une culture du politiquement correcte poussée à l’extrême. A force de pratiquer la langue de bois. Le contenu de plusieurs publications est devenu insipide et peu instructif pour le lecteur. A côté de cela il y a la dictature de la tendance imposée ou unique qui ne reflète nullement toute la diversité existante en matière de créativité artistique en suisse. Certains lecteurs supportent de moins en moins ce matraquage publicitaire qui vise à orienter leurs décisions d’achat. Pour finir le contenu de certains magazines spécialisés dans les domaines de la mode et de l’esthétique est tellement technique, qu’il devient inaccessible en termes de financement pour le plus grand nombre.
Monde Economique Il est de notoriété publique que la presse écrite a du mal à trouver un modèle économique viable. Ne pensez-vous pas avoir pris un risque en lançant ce nouveau magazine ?
Laurence Sallaz : Oui c’est vrai, actuellement de plus en plus de médias sont confrontés à des problèmes de rentabilité. A l’origine de cette situation qui a déjà provoqué la faillite ou la disparition de plusieurs supports de presse il y a différentes explications. Tout d’abord comme nous venons de le voir précédemment les lecteurs sont devenus de plus en plus exigeants, ils ne veulent payer que pour du contenu andragogique à forte valeur ajoutée. C’est pour cela que nous allons prodiguer nos conseils avec des mots simples. Ensuite il y a la concurrence des réseaux sociaux et d’internet qui en un clic et à peu de frais, peuvent booster la visibilité d’un annonceur sur le plan local et international. Par ailleurs avec la crise, la publicité de prestige a tendance à disparaître au profit de la communication utile et virale. Les actionnaires des grandes entreprises refusent d’investir dans des campagnes publicitaires coûteuses aux retombées incertaines. Le monde a changé et nombreux sont les médias qui n’ont pas su anticiper tous ces changements qui tous les jours impactent notre paysage économique local. La preuve en est beaucoup de médias ne jurent que par les grandes marques propriétés de puissantes multinationales, en faisant complètement abstraction que ces dernières pouvaient quitter la Suisse à la suite d’un changement de législation fiscale ou une délocalisation. Trop souvent certains oublient qu’à la base du succès de l’économie suisse il y a de petits entrepreneurs ou artisans qui ont su prendre des risques. Grâce à leur culture de la qualité de service et à leur capacité à anticiper les besoins du marché, ils ont su séduire les consommateurs du monde entier.
Monde Economique : Vous avez décidé de porter un regard critique sur le monde de la mode, de la beauté et de l’événementiel. Pensez-vous que ceci vous facilitera la tâche pour vous faire accepter dans le milieu que vous avez ciblé ?
Laurence Sallaz : Je ne sais pas si la ligne éditoriale que nous avons choisie va nous faciliter la tâche ou pas, seul la fidélité de nos futurs lecteurs nous le dira. Pour nous le plus important c’est la qualité de l’information que nous allons diffuser et l’authenticité des valeurs que nous entendons promouvoir. Aujourd’hui les consommateurs ou les lecteurs en ont assez qu’on les prenne pour des pigeons. Ils veulent évoluer dans un monde réel à l’abri de toute forme de manipulation malsaine, ou de fausses croyances. Ces fausses croyances qui font croire à notre jeunesse que pour réussir, point n’est besoin de travailler ou de cultiver un talent. Il suffit d’être beau, d’accéder au statut de stars sur les réseaux sociaux, de vivre comme un milliardaire et de fréquenter la jetset enfin la jetset « sans argent ». Pas étonnant que depuis peu, le surendettement des jeunes connaisse une croissance fulgurante dans notre pays.
Nos jeunes vivent au-dessus de leurs moyens et évoluent dans un monde d’utopie et de promesses notamment dans le domaine de la mode, beauté.
Monde Economique : Beaucoup de magazines se sont complètement détournés de la fonction conseil, au profit d’un style plus tape à l’œil. Avez-vous l’intention de créer une rubrique conseil afin d’informer votre lectorat ?
Laurence Sallaz : Certes il faut des visuels mais avec des vrais conseils. Le consommateur doit pouvoir décider de ses achats en connaissance de cause. C’est pour cela que nous allons décrypter en détail les nouvelles tendances, le style de chaque créateur, les matières utilisées par lui ainsi que ces processus de fabrication. Ainsi nous pensons participer au développement du concept de consommateur acteur. C’est-à-dire un homme ou une femme capable d’évaluer l’impact environnemental, social et économique de ses achats. A travers « New Sight Magazine », nous envisageons de redonner la parole à la Suisse qui se lève tôt, la Suisse qui travaille. En disant cela je pense à tous ces artisans et créateurs habiles qui de par leur talent et leur sens du travail bien fait contribuent au rayonnement de notre pays à travers le monde. Beaucoup d’entre eux méritent d’être connus et d’être soutenus dans leurs projets. Nous entendons régulièrement braquer un projecteur sur ceux dont le parcours de vie est le plus touchant et aura valeur d’exemple pour la jeunesse.
Monde Economique : Pour remplir une telle mission et être éligible au statut d’observatoire des tendances. Il vous faudra couvrir un maximum d’évents. Est-il de vos intentions d’embaucher ?
Laurence Sallaz : Comme toute entreprise nous voulons pouvoir nous développer afin de pouvoir embaucher, car nous ne sommes pas là pour faire du bénévolat. Cependant, pour rester fidèle à nos convictions nous entendons rester une petite structure de dix personnes maximum. Au sein de cette structure nous allons accueillir des hommes et des femmes de tous âges issus de tous les milieux, convaincus de l’utilité de l’échange intergénérationnel. Nous voulons une équipe soudée bâtie autour de valeurs comme le partage et la transmission. Selon moi il n’est pas normal que les seniors, gardiens du patrimoine immatériel de la nation soient systématiquement discriminés dans notre société. Ils ont le droit de pouvoir travailler jusqu’à l’âge de la retraite. Nous voulons grâce à ce magazine porter attention à des artistes méconnus et en émergence afin de promouvoir le Swiss made. Ceci sera pour nous la plus grande des satisfactions. Nous souhaitons aussi que nos lecteurs se reconnaissent dans nos pages, car pour moi c’est en étant en parfaite symbiose avec eux que nous pourrons affronter avec succès l’ensemble des défis qui nous attendent.