Eléna Fedorova : A force de travail et de persévérance j’ai appris à la chanter avec aisance

9 août 2016

Eléna Fedorova : A force de travail et de persévérance j’ai appris à la chanter avec aisance

Interview d’Eléna Fédorova, cantatrice et professeur de chant à Pully.

Monde Economique : Le chant Lyrique est une activité artistique encore très peu connue du grand public. Comment expliquez-vous cela?

Eléna Fédorova : Je pense que pour répondre à une telle question un peu de pédagogie s’avère nécessaire. L’art Lyrique c’est l’ensemble des techniques vocales utilisées par les chanteuses et les chanteurs d’opéra pour donner vie à une œuvre sur scène. Un opéra par définition est une pièce de théâtre interprétée par des artistes qui chantent. Contrairement aux chanteurs de comédies musicales ils n’utilisent pas de micro. C’est pour cela qu’ils doivent avoir une grande maîtrise des techniques vocales. Car c’est grâce à ces techniques qu’ils vont arriver à amplifier leurs voix afin de se faire entendre du public et lui communiquer des émotions. L’opéra est un genre théâtral qui a vu le jour au XVIIe siècle à Florence en Italie. Il permet d’interpréter aussi bien des comédies (opéra buffa) que des tragédies (opéra seria). Un opéra est toujours interprété dans un lieu bénéficiant d’une bonne acoustique, en présence d’un orchestre installé dans une fosse en dessous de la scène. L’opéra est né de la volonté de certains musiciens et intellectuels de remettre au goût du jour, le musical et le théâtre de la Grèce antique en vue de les marier. Contrairement à une idée reçue l’opéra n’est pas un art qui est réservé aux élites, tout le monde peut y avoir accès. Ce côté élitiste qui lui colle à la peau vient du fait que, l’opéra est un genre musical qui ne se laisse pas apprivoiser facilement. Pour l’apprécier, il faut un minimum de culture générale. C’est la condition sine qua non, pour juger de la qualité d’une interprétation et la savourer. Le succès du festival d’Opéra d’Avenches ici en Suisse est la preuve que ce genre musical ne risque pas de sombrer sitôt dans l’oubli. Chaque année depuis 1995, des dizaines de milliers de spectateurs viennent découvrir les plus grands succès du répertoire lyrique comme La Flûte enchantée, Aïda, La Traviata…

Monde Economique : On dit que le chant Lyrique est un art qui nécessite la maîtrise de plusieurs talents. Quelles sont les différentes disciplines artistiques qui sont indissociables de la panoplie de la chanteuse lyrique ?

Eléna Fédorova : Même si une belle voix est un don de Dieu, le statut de chanteur lyrique ne relève pas de l’inné mais de l’acquis. C’est le résultat d’un long travail qui commence à partir de l’âge de dix-huit ans. Pourquoi dix-huit ans, tout simplement parce c’est à cet âge que les adolescents acquièrent leur identité vocale définitive. Le chanteur d’opéra qui aspire à vivre de son art doit connaître son registre vocal. En général on classe les voix humaines dans six registres. Chez les femmes le registre vocal va de la soprano (plus aigüe) au contralto (plus grave) en passant par la mezzo-soprano (au centre). Chez les hommes on trouve des ténors (plus aigüe), des barytons (au centre), et des basses (plus graves), avec une particularité et non des moindres le contre-ténor qui arrivent à imiter les voix de femmes. Ensuite sous la direction d’un professeur de chant l’apprenti chanteur va apprendre à amplifier sa voix en se servant de son corps comme une caisse de résonance. Ce résultat est obtenu par le contrôle du diaphragme, ce muscle sous les poumons qui permet de contrôler le débit du souffle. Le film « Le Maître de musique » de Gérard Corbiau sorti en 1988, illustre parfaitement toute la rigueur de cet entrainement. En sus du chant, l’apprentissage de la musique est indispensable pour être un bon chanteur lyrique. Ce dernier devra assister régulièrement à des représentations d’opéra afin de se familiariser avec les sonorités de l’opéra. L’opéra étant un théâtre, un futur chanteur ou une future chanteuse lyrique devra se former à la comédie afin de répondre au mieux aux attentes du metteur en scène et d’optimiser sa capacité à chanter en mouvement et dans toutes les positions, assis sur une balançoire couché etc.,,

Monde Economique : Vous êtes un pur produit de l’opéra russe. En quoi l’école russe se distingue de ses consœurs allemande, italienne et française ?

Eléna Fédorova : N’ayant pas été formée en Europe, c’est une question à laquelle je pourrai difficilement répondre. En général les voix slaves ont la réputation d’être beaucoup plus puissante que les voix européennes, mais là encore tout est question de point de vue. Tout ce que je puis dire de ma formation en Russie c’est que j’en suis très fière. Imaginez mon émotion quand mon diplôme de l’académie des arts de Voroniej, a été reconnu comme un master en art vocale ici en Suisse. Pour moi ce diplôme qui me permet aujourd’hui d’enseigner et de superviser la formation d’apprentis chanteurs en tant que maîtresse de chant, est la preuve que l’académie qui m’a formée est un haut lieu de rigueur d’exigence et d’ouverture. Dans cette académie l’improvisation ou l’à peu près ne sont pas de mise. Dès leur arrivée les élèves étudient quantité de disciplines comme l’histoire de la musique, de l’art, de la littérature et du théâtre, qui feront d’eux de véritables professionnels. A cela s’ajoute la découverte du solfège, la pratique d’un instrument et l’analyse musicale cette discipline indispensable à la compréhension d’un auteur de ses influences et de son style, afin de le restituer dans toute sa vérité lors d’une interprétation.

Monde Economique : Toutes les cantatrices ont un répertoire préféré. Quels sont les œuvres que vous aimez interpréter ?

Eléna Fédorova : J’adore chanter le bel canto. Le vrai c’est-à-dire celui apparu au XVIII ème en Italie. Ce répertoire a la caractéristique de mettre le chant en avant. On y utilise point la force ce qui compte c’est la longueur du souffle, la beauté du timbre, la souplesse. Les auteurs dont j’affectionne les œuvres sont Bellini, Donizetti etc…Quand j’en parle je suscite toujours la curiosité, mais pour moi mon intérêt pour ce musical est tout à fait normal. En Russie quand nous découvrons l’art lyrique nous commençons toujours par l’art lyrique italien. Les pédagogues russes évitent d’initier immédiatement les jeunes chanteurs d’art lyrique au répertoire national, à cause de son côté lourd difficile et du caractère ardu de sa prononciation. Pour ma part en tant que russe j’ai une affection particulière pour la musique de mon pays. J’adore chanter en russe. A force de travail et de persévérance j’ai appris à chanter avec aisance Rachmaninov et Tchaïkovski, mes composteurs préférés.

Monde Economique : Accompagnée de votre pianiste, vous avez décidé de proposer des récitals privés à travers toute la Suisse. Est-ce pour vous une manière de mettre cet art à la portée de tous ?

Eléna Fédorova : Ma vocation première en tant que chanteuse lyrique c’est de faire rêver, or aujourd’hui nous évoluons dans une société où les Hommes ne rêvent plus. L’esprit de compétition dans lequel ils évoluent tous les jours a fini par leur dessécher le cœur, et endormir leur sensibilité. A travers ma voix j’ai envie de faire en sorte que les hommes et les femmes qui m’écoutent oublient leurs soucis le temps d’un co
ncert afin de redécouvrir la joie de vivre. Trop souvent dans notre société nous oublions que « La musique adoucit les mœurs »

 

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