Interview Madame Corinne Sauge: La question n’est pas de « résister » aux délocalisations, mais de jouer sur ses atouts"

31 août 2016

Interview Madame Corinne Sauge: La question n’est pas de « résister » aux délocalisations, mais de jouer sur ses atouts"

Interview Mme Corinne Sauge – Présidente du CeRFI

Monde Economique Ces dernières années, les entreprises européennes se sont ruées vers la délocalisation de leurs services informatiques. Pensez-vous que nos entreprises ont eu raison de tirer profit de cette opportunité? Si oui, quels sont les risques auxquels elles sont aujourd’hui confrontées?

Corinne Sauge Certaines entreprises ont tiré parti de la délocalisation, d’autres sont restées sur leur « faim » et sont revenues en arrière, principalement à cause de la qualité, et, par voie de conséquence, d’une certaine altération de la productivité de leurs employés qui ne pouvaient plus compter sur un support (Service Desk) digne de ce nom ou sur des développements efficients.

Si une part d’externalisation semble inévitable, il est toutefois important pour les entreprises de faire attention à ne pas perdre la « connexion » avec le terrain, avec celles et ceux qui « font tourner » les processus et qui sont en contact permanent avec les besoins des clients.

Pour le CeRFI, la question n’est pas de « résister » aux délocalisations, mais de jouer sur ses atouts, ceux liés à sa capacité à former et déléguer des ressources locales de proximité, à haute valeur ajoutée, tournées vers le service client.

Quant aux risques, ils sont très variés : perte de qualité des services rendus, sous-estimation des coûts de mise en œuvre et dépassement des délais de mise en place. Quant au retour arrière, il est souvent mal maitrisé, voire non prévu. Les risques encourus par des délocalisations dans des pays soumis à des politiques, voire des règlementations instables ou contraires à certains principes de l’entreprise, sont également courants.

Au-delà de ces aspects, j’aimerais attirer l’attention sur ce qui me paraît être un point fondamental : la perte de nos emplois et du savoir-faire qu’ils représentent. J’ai envie de croire en la responsabilité sociale des entreprises suisses. Je pense que cette responsabilité se situe au-delà du simple « appât du gain », mais je dois avouer que je me sens quelque fois un peu idéaliste…

Monde Economique Si on prend le cas de l’Inde qui bénéficie d’une main d’œuvre très qualifiée et de salaires extrêmement bas, sur quoi une entreprise telle que le CeRFI peut-elle miser pour rester compétitive?

Corinne Sauge Une entreprise comme CeRFI peut miser sur la qualité de ses prestations. Dans nos métiers, le support en informatique, la formation ainsi que le développement de logiciels, partager les connaissances est primordial. Or, cette activité particulière ne peut pas être standardisée. La « connaissance » du client, de son environnement de travail, de sa manière de travailler, de ses processus, de ses spécificités, est intimement liée au capital humain, nos collaboratrices et nos collaborateurs.

Monde Economique Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a publié l’année dernière un rapport qui fait état d’un manque de personnel qualifié en informatique. Pour combler cette pénurie, la délégation d’informaticiens, telle que vous la pratiquez depuis plusieurs années, peut-elle être une alternative viable ?

Corinne Sauge Oui, d’autant plus que le CeRFI a toujours beaucoup investi dans la formation continue de ses ressources. Depuis ses débuts (1998), le CeRFI a formé plus de 200 personnes au métier de chargé de support en informatique, lequel requiert autant de compétences sociales que techniques, son rôle étant de participer à l’amélioration de la productivité des utilisateurs. Nos formations sont adaptées aux innovations et à l’évolution constante des métiers de l’informatique. Axer notre cursus de formation interne sur le « monde réel des entreprises » est notre façon de répondre au manque d’informaticiens qualifiés.

Monde Economique Compte tenu des contraintes budgétaires des utilisateurs, le cabinet d’étude de marchés IDC prévoit que c’est surtout le « Cloud Computing » qui va s’imposer ces prochaines années en tant qu’alternative économique. Nos PME sont-elles préparées à ce virage?

Corinne Sauge Oui, si l’on résout la problématique du lieu d’hébergement des données. En effet, allez dire à un patron de PME, que ses données seront stockées quelque part « dans les nuages » ! Avantage donc aux sociétés qui proposeront de telles solutions dans des « nuages » aux couleurs helvétiques… L’ère du cloud s’annonce aussi inévitable que la révolution numérique de la fin du XXème siècle et que la déferlante d’objets mobiles toujours en cours.

Monde Economique Entre fusion, acquisition et révolution numérique, votre secteur d’activité est aujourd’hui en pleine mutation. Quel avenir pour les sociétés de service en informatique?

Corinne Sauge Il devrait être « rose » puisque les entreprises sont sans cesse à la recherche de nouveaux professionnels qualifiés pour répondre aux évolutions des technologies. Mais, les sociétés de service doivent mettre en place d’importants moyens de formation continue de leurs collaborateurs, afin de pouvoir « former, déformer et reformer » leurs spécialistes sur de nouveaux sujets et les rendre prêts pour tout nouveau défi. Autre élément clé au CeRFI : des tarifs raisonnables et le focus sur nos métiers de base en informatique : le support, le développement (solutions Dynamics CRM, SharePoint et WinDev) et la formation.

 

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