Les déconfitures de ces dernières années ont mis sous les feux des projecteurs les grands cabinets d’audit. En dehors des cas de complicité manifeste, les vérifications des comptes auxquels ils procèdent doivent permettre de certifier de leur bonne tenue. Mais sont-ils pour autant les garants absolus de la santé de l’entreprise et de sa pérennité ?
Le rapport de l’organe de révision sert à attester de la bonne tenue des comptes. Il stipule, dans sa formulation : « Selon notre appréciation, la comptabilité et les comptes annuels … sont conformes à la loi suisse et aux statuts ». Son opinion devrait donc permettre de rassurer sur l’exactitude des comptes présentés. Mais attention, il s’agit des comptes de l’exercice écoulé, pas des comptes futurs. Nous vivons à une époque de changements extrêmement rapides, et ce qui était vrai hier ne le sera pas forcément demain. Des investissements peuvent donc subitement se retrouver valoir nettement moins que ce qu’ils ont été payés, que ce soit des immobilisations industrielles ou encore à plus forte raison des participations. En outre, même si la substance des actifs est conservée, les bénéfices d’hier ne sont pas forcément la garantie de ceux de demain. L’auditeur ne donne aucun avis sur les budgets et sa mission n’est pas de se prononcer sur la stratégie de l’entreprise. C’est une responsabilité qui incombe au conseil d’administration, voire aux actionnaires, et sa vérification par un organe indépendant n’est habituellement pas prévue. Pourtant, rien n’interdit de demander ponctuellement à un tiers de procéder à un diagnostic, tel un check-up médical.
Il existe en effet un écart de temps entre le moment d’un mauvais choix stratégique et son impact dans les comptes. A ce moment, il est parfois déjà bien tard pour agir. Il convient donc d’identifier suffisamment tôt les symptômes d’une dérive pour pouvoir corriger la trajectoire pendant qu’il est encore temps. Bien souvent, ces symptômes ne se manifestent pas au premier abord en termes financiers. A ce moment, ils risquent donc d’être imperceptibles pour l’auditeur lors de son travail de révision des comptes annuels. Et quand bien même ce dernier pourrait avoir des doutes sur la stratégie de l’entreprise, il n’a de faire-valoir pour les relever que lorsque leur impact dans les comptes a été constaté. C’est donc la vision « après l’accident ».
Outre un diagnostic d’entreprise ponctuel demandé à un tiers neutre, d’autres mesures, d’ordre interne, devraient aussi permettre d’éviter des dérives. On parle beaucoup de gouvernement d’entreprise. Ce terme désigne l’ensemble des principes qui, tout en maintenant la capacité de décision et l’efficacité, vise à instaurer au sommet de l’entreprise un rapport équilibré entre les tâches de direction et de contrôle, dans la transparence. Leur mise en place devrait notamment éviter la maîtrise des décisions par un individu dominant, la passivité de certains organes de la société ou la faiblesse d’un conseil d’administration.