La criminalité financière et la fraude constituent des risques pour lesquels les dirigeants d’entreprise sont le plus souvent peu outillés. Ils vont hésiter à tirer toutes les conséquences de telles situations, car les impératifs du marché et la réputation de l’entreprise y posent une chape de plomb. Les poursuites en justice qui devraient frapper le fraudeur ou son organisation ne sont pas systématiquement engagées, ni les conséquences tirées en termes d’organisation ou de contrôle interne.
Pourquoi le réviseur ne va-t-il pas systématiquement rechercher les cas de fraude ?
Les auditeurs externes, de par leurs missions légales ou contractuelles, sont souvent exposés aux conséquences de la criminalité financière. La mission du réviseur ne comporte pas la recherche systématique d’irrégularités, de malversations, de cas de fraudes ou de violations de la loi. En effet, il est matériellement impossible pour le réviseur de vérifier toutes les opérations comptables au titre d’un exercice. Toutefois, la norme d’audit suisse 240 prévoit des diligences précises en cas de fraude pour en déterminer l’impact sur les comptes d’une part ou l’évaluation des risques de fraude par le biais de discussion avec les membres de l’équipe de révision et des entretiens avec la gouvernance de l’entreprise d’autre part. Toutes les irrégularités découvertes sont systématiquement communiquées à la plus haute autorité de l’entreprise, conseil d’administration et assemblée générales inclus au regard des articles 728 b et c CO.
A qui appartient la responsabilité d’agir ?
La responsabilité première pour la prévention et la détection des fraudes incombe aux personnes constituant la direction de l’entreprise. Il faut développer une culture d’entreprise prônant l’éthique et l’honnêteté et mettre en place un système de contrôle interne adéquat, réduisant le risque de non détection doublé d’une surveillance effective de la direction.
Quel est le meilleur environnement pour une fraude ?
Les entreprises ayant une faible culture de contrôle ou des procédures anciennes, les sociétés avec de grandes difficultés pour boucler l’année, en perte ou voulant obtenir un prêt, les filiales éloignées de leurs bases, les start-up devant maximiser leurs résultats après s’être vendues, les gérants cumulant tous les pouvoirs et disposant de la signature individuelle, les chefs-comptables sur-occupés ou ne prenant jamais de congés annuels, les employés disposant des batchs de paiement à distance et pouvant accéder aux opérations comptables ou même le grand patron dont personne »finalement » ne contrôle les frais de mission constituent un terreau favorable à la fraude.
En quoi consiste la fraude en matière financière ?
Quelques exemples de détournements
Les détournements d’actifs à l’échelle d’une entreprise, d’une filiale ou d’un groupe sont des exemples fréquents. Ainsi, un comptable disposant des codes de paiements et de la possibilité de commander et se faire livrer de la marchandise a-t-il pu détourner des centaines de milliers de francs en matériel informatique revendus sur un site commercial en ligne. Le gérant d’une filiale disposant d’une grande liberté d’action a pu utiliser à son profit les actifs d’une société: bijoux, meubles, art, voyages d’agrément, restaurants, clubs, assurance-vie et responsabilité personnelle, véhicules, factures créanciers fictives et doubles paiement des fournisseurs. Le chef comptable d’une autre société a créé des employés fictifs ou procédé à des versements de bonus fictifs sur son propre compte personnel.
Les dirigeants d’entreprise ou cadres attendus au tournant
Les dirigeants d’entreprise sont très exposés à l’appréciation à priori ou postérieure de leurs frais de mission. Si il est vrai que des abus sont relevés dans la nature des défraiements de certains (cadeaux d’un montant extravagant, hôtels et vols intercontinentaux »top du top », voyages au profit de membres de la famille, d’ami(e)s ou d’animaux de compagnie), leur appartenance à une société publique ou étatique peut voir de simple négligences ou erreurs de bonne foi constituer la matière à une mise à pied.
Jean-Philippe Keil
Expert Réviseur Agréé