Vérifiant une nouvelle fois l’adage, le BTP est le secteur qui recrute le plus en sortie de crise. Pour Eiffage, par exemple, la politique RH revêt une importance stratégique pour le développement du groupe… Et joue un rôle majeur en matière d’insertion professionnelle et d’ascenseur social.
« Quand le bâtiment va, tout va ». Cette phrase, devenue proverbiale, est née en 1850 dans la bouche de Martin Nadaud, un maçon devenu député socialiste de la Creuse, lors d’un discours à la Chambre. La France du XIXe siècle est alors en pleine effervescence constructive, la capitale se modernise… Et cette formule pose la construction comme principal moteur de la croissance, capable d’entraîner le reste de l’économie. L’adage a traversé les années et s’est notamment vérifié avec l’effort de reconstruction d’après-guerre et l’édification de grands ensembles, notamment en région parisienne pour faire face à une démographie galopante. Dans les années 1970, la construction représentait ainsi 13 % de la richesse nationale.
Depuis, avec la baisse du volume de construction de logements neufs (360.000 en moyenne depuis les années 1980, contre 500.000 dans les années 1970), le poids du secteur dans la valeur ajoutée s’est réduit, pour représenter aujourd’hui 5 % du PIB. Ce chiffre est toutefois trompeur et donne une idée réductrice des effets d’entraînement du secteur… Car une partie de la croissance et de la richesse créée par la construction se retrouve aujourd’hui dans l’industrie, qui produit les modules préfabriqués, assemblés ensuite par les professionnels du bâtiment. Si l’on considère l’investissement dans la construction dans son ensemble, on constate que sans ce secteur, la croissance ne peut pas vraiment changer de braquet, et que l’adage reste donc toujours d’actualité.
Il se vérifie d’ailleurs à nouveau aujourd’hui, à l’heure où les économies européenne et française semblent sortir de la crise liée à la pandémie, même si les conséquences de la guerre en Ukraine sur les approvisionnements en matières premières laissent planer des incertitudes. D’après la Fédération française du bâtiment (FFB) Grand-Paris Ile-de-France, le secteur du bâtiment, boosté notamment par les grands projets comme le Grand Paris Express ou les Jeux Olympiques 2024, pourrait ainsi créer 10.000 postes par an dans la région parisienne jusqu’en 2026.
Plus globalement, si la production dans le secteur reste globalement inférieure à l’avant-crise, les carnets de commandes des entreprises sont pleins (pour cinq mois et demi en moyenne selon la FFB), ce qui incite les chefs d’entreprise à recruter. Derrière les chiffres impressionnants de l’emploi en France (648.200 créations en 2021 selon l’Insee), la construction apparaît une nouvelle fois comme une locomotive. L’emploi salarié privé hors intérim dans le secteur est déjà supérieur de 4,5 % à son niveau de fin 2019, contre une moyenne de 1,5 % pour l’ensemble du privé. Dans le BTP, qui représente environ 1,5 million de postes, 65.000 nouveaux emplois (hors intérim) ont été créés en 2021 par rapport à la situation d’avant-crise.
Parmi les entreprises qui profitent de ce regain d’activité pour embaucher, figurent en particulier les majors du secteur et notamment le groupe Eiffage. Celui-ci a connu une bonne dynamique en 2021, l’activité se hissant même à un niveau historique, portée par les infrastructures et par l’international. Une année « intense, ponctuée de belles réussites », avec des « chiffres de bien meilleure qualité que ceux que j’avais anticipés il y a un an », a précisé Benoît de Ruffray le PDG d’Eiffage, lors de la présentation des résultats du groupe. Eiffage a ainsi enregistré en 2021 une croissance de son chiffre d’affaires de 14,7 %, à 18,7 milliards d’euros. L’activité a même dépassé de 3,2 % son niveau de 2019, « pourtant déjà historiquement haut », tout comme le bénéfice net (777 M€), qui progresse de 7,2 % par rapport à 2019.
La croissance a été particulièrement marquée à l’international (+ 16,9 % sur un an) et notamment en Europe (+ 20,7 %) grâce au dynamisme du marché des infrastructures de transport en Allemagne et à la montée en puissance de la ligne à grande vitesse HS2, au Royaume-Uni. Eiffage Génie Civil a également lancé le contrat en conception-construction du tronçon autoroutier de l’E18 en Norvège Le poumon de l’activité reste la branche infrastructures, qui progresse de 14,2 % à 6,84 milliards d’euros (+ 6,2 % par rapport à 2019), notamment en France où elle a été portée par les projets du Grand Paris Express et du parc éolien offshore au large de Saint-Nazaire. « Ce succès se retrouve sur l’ensemble des métiers », se félicite Benoît de Ruffray : + 8,6 % par rapport à 2020 (- 5,7 % par rapport à 2019) pour la route, + 15,0 % (+ 7,2 %) pour le génie civil et + 4,6 % (+ 17,1 %) pour le métal. Sur ces bases solides, Eiffage se dit « confiant » pour la suite, anticipant « une nouvelle augmentation des résultats en 2022 ».
Le groupe vivant, selon son PDG, une « accélération du développement » de son activité, les besoins en main d’œuvre sont grands. Eiffage prévoit ainsi plus de 8.000 recrutements en Europe en 2022. « Recruter, intégrer, former, faire évoluer, fidéliser et féminiser » : tels sont les principaux enjeux de la politique de ressources humaines du groupe selon son PDG.
Lieu d’insertion professionnelle et d’ascenseur social par excellence, le BTP recrute une grande variété de profils pour des métiers auxquels il est possible de se former quel que soit son niveau d’études, son expérience professionnelle ou son âge. Eiffage s’est ainsi mis depuis longtemps en ordre de marche pour répondre aux clauses sociales prévues dans les marchés publics, et va même souvent au-delà des exigences contractuelles ou réglementaires.
Cet engagement se traduit aujourd’hui à grande échelle sur les chantiers du Grand Paris Express (GPE), le futur grand métro de la région Ile-de-France. La Société du Grand Paris (SGP) intègre en effet dans ses marchés des clauses de responsabilité sociale : au moins 10 % du volume horaire du chantier doit être réservé à des personnes en insertion. Au total, 15 millions d’heures d’insertion, réalisées par des personnes éloignées de l’emploi, sont prévues sur 13 ans. A fin 2021, plus de 2.600 personnes en insertion sont déjà intervenues sur les chantiers, réalisant plus de 2,5 millions d’heures cumulées.
Ainsi, sur le méga-chantier du lot 1 de la ligne 16 du métro, entre Saint-Denis et Aulnay-sous-Bois, piloté par Eiffage Génie Civil, 500.000 heures de travail sont réservées à des publics en insertion professionnelle – demandeurs d’emploi depuis plus d’un an, bénéficiaires du RSA, jeunes de moins de 26 ans sans qualification… « Nous mettons un point d’honneur à participer à cet effort de solidarité nationale, en accueillant des collaborateurs qui ne sont pas tous déjà formés au BTP, mais qui, pour 30 % d’entre eux, resteront ensuite chez nous en CDI », explique ainsi Guillaume Sauvé, président d’Eiffage Génie Civil et d’Eiffage Métal.
Sur les chantiers du GPE, Eiffage recrute notamment ses collaborateurs sous le statut de contrat à durée indéterminée de chantiers (CDIC), afin de pouvoir les transférer par la suite sur d’autres chantiers où des postes sont vacants. Des CDIC qui pourront ensuite se transformer en CDI selon les cas. Le groupe emploie également un nombre important d’intérimaires de moins de deux ans. « Travailler chez nous leur donne l’opportunité d’une première expérience, qui peut elle-même déboucher sur un CDIC, voire un CDI », souligne Guillaume Sauvé.
Cette intégration permanente de nouveaux collaborateurs crée des besoins importants et constants en formation. Le groupe dispose pour cela de plusieurs centres de formation « métiers » et de l’Université Eiffage pour les métiers transverses. Au total, 5.000 formations différentes sont proposées. En 2021, la formation représente 2,48 % de la masse salariale du groupe Eiffage en France, contre 1,85 % en 2020, avec au total près de 900.000 heures de formation effectuées. Plus de 5.600 formations ont ainsi été suivies en 2021 (contre 3.900 en 2020 et 1.500 en 2019).
« Toute personne qui arrive chez Eiffage doit avoir réalisé, au bout de trente jours et selon son emploi, un certain nombre de formations obligatoires, son chef étant garant de cette progression initiale, explique Guillaume Sauvé. Ensuite ce collaborateur dispose d’un an pour poursuivre un parcours normé, qui est vérifié au premier entretien annuel ».
« Sur le GPE, que ce soit pour le terrassement ou le génie civil, nous avons accompagné plus de 1.500 collaborateurs grâce à des formations, et en avons embauché plus de 1.000 », précise Imed Ben Fredj directeur des supports opérationnels chez Eiffage Infrastructure. « En fin de circuit, nous les avons reformés – avec un diplôme à la clé – pour un métier qu’ils pourraient intégrer sur place afin de trouver du travail dans les entreprises locales ».
Cette logique de formation et de qualification permet de concevoir de véritables parcours professionnels au sein du groupe. Les collaborateurs qui ont fait la preuve de leur maîtrise professionnelle et de leurs aptitudes managériales sont ainsi appelés à progresser dans la hiérarchie opérationnelle des chantiers. « J’ai plusieurs exemples en tête d’excellents éléments ayant « grimpé » par tous les postes depuis la base : compagnon, chef d’équipe, grutier, chef de chantier », précise ainsi Guillaume Sauvé. D’autres profils peuvent poursuivre leur activité technique sur les chantiers bien plus longtemps qu’auparavant, grâce à la réduction de la pénibilité et à l’utilisation de robots porteurs de charges… L’innovation étant ici clairement au service de l’humain.
Crédit photo d’illustration : https://www.flickr.com/photos/jmenj/ – Jeanne Menjoulet, Creative Commons
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