Par Mohammed Abdelaziz BENKAMLA – Maitre de Conférences, Université d’Oran 2 – Algérie
La crise sanitaire de la covid-19 suscite beaucoup d’interrogation en matière du nouveau modèle économique de demain. Plusieurs chercheurs et experts s’intéressent par l’analyse des répercussions de cette crise sur le court et moyen terme. L’objectif capital est d’instaurer non seulement, de nouvelles règles économiques et financières, à partir des leçons retenues, mais également, de mettre en place d’un plan d’urgence à déclencher en cas de crise. Ce plan portera des démarches à suivre par l’Etat.
Cette crise problématique a imposé une nouvelle conjoncture et qui pousse les gouvernants à revoir leurs méthodes de direction et surtout l’option gestion des crises, pour éviter tout un dysfonctionnement à l’avenir.
Une crise est toujours considérée comme un test de l’état de l’économie locale. Ce test permet de mesurer les degrés de fragilité ou de solidité de chaque économie après des années de mutations et d’action.
Les insuffisances constatées durant la crise ont prouvé la nécessité de redéfinir les paramètres de fonctionnement de l’économie. Par ailleurs, le suivi et l’analyse des impacts de la crise sanitaire ont permis de tirer des leçons, quelques soit la taille de l’économie et ses caractéristiques.
Afin d’éviter tout un dysfonctionnement dans le futur et l’effondrement du système économique national, des leçons ont été tirées et regroupées en dix points à savoir :
L’arrêt total ou partiel de l’activité économique, dû aux mesures de confinement, a fragilisé la situation financière de plusieurs ménages et d’entreprises, allant jusqu’à la faillite d’un plus grand nombre d’entre-elles. En revanche, les ménages et les entreprises qui ont survécu de cette tragédie, sont ceux qui ont une solidité financière grâce à l’épargne financière ou non financière.
L’épargne financière représente tout un capital mis en réserve pour affronter les situations sombres, comme la détention des livrets A, des actions et des obligations pour les ménages et la constitution des réserves facultatives, les amortissements et les RIA (résultats en instance d’affectation) pour les entreprises.
Par ailleurs, l’épargne non financière est un placement à long terme en immobilier, afin de tirer un revenu locatif (rente stable).
L’encouragement de l’épargne dans toutes ses formes est une nécessité pour la constitution d’une manne financière capable d’assurer la survie des ménages et des entreprises en cas de situation difficile.
On entend par la digitalisation la dématérialisation de l’activité et l’utilisation des moyens numériques de haute technologie. Alors, devant l’incapacité d’assurer l’activité économique durant la crise sanitaire, le recours à des instruments digitaux a connu un succès sans précédent et qui était une solution pour la continuité de l’activité économique, tels que le travail à distance, le paiement électronique des factures, la médecine à distance, commerce en ligne, enseignement en ligne, signature des contrats en ligne,…
La digitalisation de l’économie nationale est un atout pour le bon fonctionnement de l’ensemble des activités et quelques soit leur nature. Pour cela, il est nécessaire d’accélérer la digitalisation de l’économie et d’assurer la transformation des structures économiques, tout en accompagnant les entreprises pour investir dans ce choix.
La crise de la covid19 a causé l’effondrement des secteurs d’activité tout entier, à l’exception de ceux qui ont pris leurs précautions, notamment avec des souscriptions à des assurances contre des pertes d’activité.
Dans ce sens, la mise en place d’une assurance-pandémie contre les pertes d’activité ou la fermeture administrative et l’incitation à la souscription permettent d’éviter la faillite des firmes.
La fermeture des espaces aériens, les confinements longs et successifs, l’arrêt des activités surtout en Chine et le manque de certains produits essentiels pour des activités, ont remis en cause le modèle économique, suivi à partir des années 1990, basé sur la délocalisation et le recours à l’importation. Pour cela, l’indépendance industrielle doit être figurée dans la nouvelle politique générale des pays pour faire face aux pénuries à cause des crises ou des conflits.
La dépendance industrielle fragilise l’état des économies à long terme et plonge les pays dans une obscurité économique et politique.
La flexibilité économique se mesure par la capacité de se transformer et de s’adapter à chaque changement ou perturbation. La souplesse des textes juridiques, la formation continue du personnel, l’initiative privée, la levée des contraintes économiques, l’accompagnement permanent de l’Etat et de ses structures législatives et exécutives permettent de garantir la flexibilité des agents économiques et faire face aux mutations et aux crises.
De plus, la généralisation de la politique d’investissement 50/50 permet la diversification du portefeuille financier des entreprises. L’adage dit : « il ne faut pas mettre les œufs dans le même panier ».
Avec la crise de la covid19, le secteur touristique a spécialement souffert. Dans ce cas, l’investissement 50/50 assure la compensation des activités en cas d’arrêt l’une d’elle.
Un autre enseignement qui s’ajoute aux leçons tirées de la crise de la covid19, est l’investissement en R&D. Cette crise nous a montré à quel point certains groupes, qui ont investi dans la recherche durant de longues années, ont pu tirer des profits de cette crise. L’exemple parfait est le succès des laboratoires Fizzer et Moderna durant cette crise sanitaire.
La diversification de l’économie nationale conduit à l’autosuffisance et la satisfaction de tous les besoins. Alors, L’agriculture, l’industrie, le commerce et les services sont tous nécessaires au fonctionnement de l’économie. Donc, la meilleure architecture de l’économie nationale est celle qui pourra intégrer tous les secteurs d’activité dans une stratégie globale de développement.
Par ailleurs, la coopération régionale a prouvé ses avantages durant la crise de la covid19 et le meilleur exemple est celui de l’achat groupé des vaccins par l’Union Européenne ou la coopération sanitaire entre les Etats membres de l’UE, la France et l’Allemagne comme exemple.
En cas de crise les banques sont appelées à accompagner convenablement les ménages et les entreprises, afin d’éviter les cessations de paiement. Alors, il est nécessaire que cet accompagnement sera généralisé pour toucher toute la société (ménages, entreprises, collectivités locales…) en assouplissant les conditions d’accès aux crédits ou en aménageant les remboursements des crédits pour le maintien de l’activité économique sans pression.
L’endettement public est un fardeau qui entrave le déploiement d’autres interventions publiques, en cas de crise, par peur de surendettement.
Durant la crise sanitaire, les interventions des Etats étaient vitales pour assurer la survie des ménages et des entreprises. Mais ces interventions ont été conditionnées par les niveaux précédents de l’endettement publics.
De plus, cette crise a provoqué un arrêt de l’activité économique et le non perception des impôts et des taxes nécessaires au remboursement des services de la dette contractée ultérieurement, ce qui a poussé certains Etats à rééchelonner leurs dettes.
La prise en charge des salaires par l’Etat, la prise en charge des loyers et des charges fixes des entreprises et la nationalisation des groupes sont des modes d’intervention publique durant la crise. A cet effet, Tous les Etats sont appelés à réduire les niveaux d’endettement pour une bonne santé financière globale dans l’avenir et qui permettent une intervention plus étendue en cas de crise.
Dans ses récentes publications, Tobias Adrian (2020), considère que la maitrise de la crise de la covid19 passe par l’intervention des banques centrales pour assurer une certaine stabilité. Cette idée a été aussi défendue par Fabio M. Natalucci (2020).
Dans un sens très large, la stabilité économique ne se réalise qu’à partir de la stabilité des marchés financiers à court et moyen terme. Cette stabilité serait le résultat d’une bonne maitrise de tous les risques que peut affronter le système financier.
Le déclenchement des mesures urgentes d’intervention des banques centrales telles que la BCE et la Réserve Fédérale a prouvé son efficacité, tout en évitant l’effondrement du système financier mondial.
Pour conclure, les actions menées par les gouvernants, durant la crise de la covid19, ont donné un avantage à la stabilité des systèmes économiques et financiers des pays développés. Ces actions ont favorisé l’émergence de nouvelles réflexions et des enseignements pour revoir l’architecture des économies et mettre en place de nouvelles politiques financières et économiques adaptables à des crises pareilles.
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