Le management est une relation qui se produit toujours dans un contexte institutionnel entre des personnes. Ces trois éléments sont donc à prendre en compte dans le management. Si cela paraît être une évidence, nombre de difficultés sont dues au fait que ces dimensions ne sont pas dissociées et interfèrent dans l’esprit des protagonistes.
Le contexte institutionnel, (une entreprise par exemple), définit le « projet institué ». C’est la mission à réaliser par l’équipe, la performance à atteindre et dont le résultat s’exprime à la fois en terme de réussir ou échouer, dans l’absolu, c’est-à-dire indépendamment de tout autre facteur, et en terme de gagner ou perdre, relativement, par exemple en lien avec un concurrent. La réussite ne garantit pas le gain, et l’échec n’est pas toujours synonyme de perte, le bénéfice des leçons tirées pouvant parfois être beaucoup plus élevé que le déficit financier immédiat.
La prise en charge de cette dimension organisationnelle se fait par l’intermédiaire des rôles. Ils définissent clairement ce que chacun a à faire pour garantir à la fois la réussite par le truchement des actions à mener, et le gain généré par la satisfaction des attentes du client.
De la même manière que pour le projet institué, le raisonnement réussite vs échec et gain vs perte peut être appliqué aux rôles. Indépendamment les uns des autres, le manager et le collaborateur peuvent réussir ou échouer, gagner ou perdre.
Parallèlement, il existe au niveau du positionnement des personnes dans leur rôle trois orientations relatives. Supérieure, (mon rôle est plus important que le tien), paire (quoique différent en matière de responsabilités, chaque rôle revêt la même importance), et inférieure.
Dans la relation hiérarchique, l’attendu du rôle de dirigeant est qu’il soit actif, (élaboration de la stratégie ou de la tactique, suivant le niveau de responsabilité), tandis que celui de l’exécutant se doit d’être réactif (mise en œuvre des actions définies). Cette vision induit un rapport de position haute pour le manager et place le collaborateur en position basse. La résultante directe est que la perception des conséquences de la réussite ou de l’échec est différente pour chacun. Tout se passe comme si, en cas de naufrage du navire, le capitaine avait plus de risques de se noyer que le mousse.
Au niveau des personnes, les mêmes types d’enjeux sont présents. Ils se situent sur un plan psychologique et s’expriment en terme d’être reconnu et accepté ou dénié et rejeter (J’ai échoué dans mon rôle de …, je me suis fait licencier, je ne vaux rien, ou j’ai réussi, j’ai eu une promotion, je suis un pro). A l’instar de la dimension instituée par les rôles, cette expression est elle aussi soit absolue (Je suis le meilleur) soit relative, (je suis meilleur que …). Elle est vécue par la personne de manière beaucoup plus intense parce qu’elle se rapporte à l’ontologie. Les enjeux sont existentiels. Pour autant, ils génèrent de la même manière que les enjeux institués, trois positions relatives (supérieure, équivalente et inférieure).
L’impact des enjeux existentiels est plus important et plus insidieux que celui des enjeux institutionnels. D’une part parce que contrairement à ces derniers, ils sont la plupart du temps invisibles. Et d’autre part car il est aisé de comprendre que pour Jacques, penser qu’il est meilleur que Paul dans son geste professionnel n’aura pas la même incidence, à la fois sur les personnes, la relation et la mission, que penser qu’il a inconditionnellement plus de valeur que son collègue.
Favoriser la compétition, cela revient à renforcer la vision de hiérarchisation des valeurs, tant celles des rôles que celles des personnes. Pour l’entreprise, confrontée quotidiennement à une concurrence agressive, le défi est donc d’intervenir au bon niveau pour en atténuer les effets. Le manager se doit d’être en mesure de différencier ces enjeux pour agir sur le groupe dans le but de maintenir une cohésion nécessaire à la performance. S’il n’intervient que sur les rôles, il déshumanisera son management, s’il n’intervient qu’au niveau des personnes, il désorganisera l’équipe. Et s’il se trompe de diagnostic, il fera les deux en même temps….