Par Yunus Duque*
La Banque nationale suisse (BNS) a augmenté son taux directeur de −0,75 à −0,25 % le 16 juin dernier, puis à +0,5 % le 22 septembre. Après plus de 10 ans de baisses consécutives, ces premières hausses ne seront pas les dernières. Quelles conséquences tirer de cette hausse cumulée de +1,25 % en quelques mois sur les logements ?
Les locataires ont pu bénéficier de baisses de loyers successives ces dernières années pendant que le taux de référence diminuait. Une étude de l’ASLOCA montre pourtant qu’entre 2005 et 2021, les loyers ont augmenté de 22,1 %. Les prochaines augmentations des taux directeurs auront une incidence importante sur le taux hypothécaire de référence. Ce n’est donc plus qu’une question de temps jusqu’à ce que la prochaine hausse de loyers soit annoncée.
N.B. : Le taux de référence se base sur un relevé trimestriel auprès des banques dont les créances hypothécaires libellées en francs suisses excèdent 300 millions de francs. Il est établi par la Banque nationale pour le compte de la Confédération.
Le taux SWAP reflète le taux de refinancement des banques sur les marchés internationaux de capitaux. Les taux hypothécaires fixes résultent de ce taux auquel s’ajoute la marge de l’établissement financier. Encore proche des 0 % en début de cette année, le SWAP à 10 ans a dépassé le cap des 2,11 % le 21 septembre dernier. Les taux bloqués surtout sur les durées longues (8, 10 ou 15 ans) ont ainsi subi une augmentation de plus de 2 % depuis le début de l’année 2022, et les taux fixes à 10 ans ont dépassé les 3 %. Ces hausses vont réduire l’aptitude des propriétaires à effectuer des amortissements extraordinaires dans le futur. C’est pourquoi il est encore plus important que par le passé de faire le bon choix en optant pour un amortissement indirect qui offre des possibilités de rendement supérieur à l’inflation.
Depuis 2009, le SARON (Swiss Average Rate Overnight), qui est basé sur les taux d’intérêt du marché monétaire suisse établis durant la nuit, est calculé et publié chaque jour par SIX (Bourse suisse) et remplace l’ancien LIBOR. À ce jour, le taux SARON est toujours plus avantageux qu’un taux fixe à long terme et se situe aux alentours de 1 %, marge bancaire comprise. En 1990, le taux moyen à 3 mois du LIBOR atteignait subitement un pic à plus de 10,04 % et la moyenne annuelle, hors marge bancaire, était de 8,95 % !
Imaginons un appartement de 4-5pièces dont le prix d’achat serait de 1,2 million CHF et la dette de 1 million CHF. Pour un taux SARON à 1 %, les intérêts seraient de 10 000 CHF par an, contre 30 000 CHF pour un taux fixe à 3 % bloqué à 10 ans. Dans le cas où le taux SARON viendrait à prendre l’ascenseur après 3 ans, les clients opteraient rapidement pour un taux bloqué. On peut estimer qu’il se situerait alors aux alentours de 5 % pour un taux fixe à 7 ans.
Les économies effectuées grâce au SARON sur les premières années pourraient ainsi s’avérer être nettement moins attrayantes que prévu. Dans un tel cas, la perte globale sur 10 ans serait la suivante :
• Économies sur 3 ans (SARON à 1 % vs taux fixe bloqué sur 10 ans à 3 %) : 60 000 CHF (20 000 CHF × 3 ans)
• Coûts supplémentaires sur 7 ans (taux fixe bloqué sur 7 ans à 5 % vs taux fixe à 3 %) : 140 000 CHF (20 000 CHF × 7 ans)
• Perte globale pour le client sur 10 ans : 80 000 CHF.
N.B. : Ce calcul ne tient pas compte de l’impact fiscal.
Le SARON reste donc un outil intéressant pour tout client apte à supporter une hausse importante des taux ou prêt à effectuer un amortissement extraordinaire conséquent si nécessaire.
Certaines banques proposent jusqu’à 6 mois d’intérêts gratuits à leurs futurs clients. Avez-vous déjà vu une banque offrir de l’argent à fonds perdu sans qu’elle s’y retrouve ? On voit même des courtiers offrir des cadeaux en cas de conclusion d’une affaire et pousser les intéressés à signer rapidement sans prendre le temps de la réflexion – peut-on se permettre de signer le projet d’une vie à la va-vite ? Soyons sérieux : on ne peut pas se limiter à trouver les meilleurs taux hypothécaires ou un amortissement quelconque pour nos clients.
Une analyse de financement hypothécaire va nettement plus loin et comprend : la comparaison de la valorisation du bien par différents établissements de financement, car le montant des fonds propres requis peut varier très fortement ; le type d’amortissement, qui aura un impact important sur le capital, car il permet de réduire sa dette au moment de la retraite ; l’analyse de prévoyance et de patrimoine qui tient compte des couvertures en cas d’invalidité et de décès – ne plus être solvable en cas de coup dur ou à la retraite signifie purement et simplement la vente « forcée » du bien (comme dans les années 1990-1996 lors de la dernière crise immobilière en Suisse, même si on vous expliquera que cela ne peut plus arriver) ; et pour terminer, l’analyse fiscale, aussi en lien avec des travaux de rénovation ou d’amélioration énergétique.
Analyser les conditions dans leur ensemble et démarrer les négociations une année avant l’échéance d’un taux fixe pour les clients déjà propriétaires sont donc les meilleurs conseils que l’on puisse vous apporter.
* à propos de l’auteur
Yunus Duque,
Manager d’équipe pour FCG
Cabinet de conseils – Châtel St-Denis
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