Par Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier
Avec les hausses de taux rapides imposées par les banques centrales, les coûts du crédit ont explosé. Logiquement, l’immobilier souffre, surtout là où le resserrement monétaire a commencé le plus tôt et le plus fort : aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et dans les pays nordiques.
Ainsi, aux Etats-Unis, le sentiment des constructeurs (l’indice NAHB) est-il au plus bas depuis la Grande Récession – période Covid exceptée. Les mises en chantier de constructions individuelles en décembre se sont élevées à près de 1,4 million, un niveau certes encore proche de la moyenne de long terme, mais en fort recul par rapport au pic atteint en avril à 1,8 million. Sur les derniers mois, le rythme de la glissade est similaire à celui de 2006-2008, où l’immobilier américain avait été le déclencheur d’une dépression d’ampleur historique.
Signe du sérieux de la crise, la rareté des nouveaux logements disponibles ne soutient pas les prix. Au contraire, les prix nominaux s’ajustent à la baisse eux aussi, pesant sur la capacité de consommation des ménages propriétaires. Ainsi, alors que la moyenne à long terme de l’évolution mensuelle des prix se situe autour de 0,4% (indice composite Case-Shiller avec ajustement saisonnier), les prix s’effondrent-ils de 1,35% en septembre, et chutent encore de 0,5% en octobre. Si l’on corrige de l’inflation globale, qui de son côté galope, les prix en termes ‘’réels’’ sont en recul encore plus marqué.
Heureusement, cette similarité avec la Grande Récession ne suggère pas que les mêmes conséquences soient à redouter, pour plusieurs raisons.
Premièrement, l’endettement immobilier des ménages américains est bien moindre qu’à l’époque, de l’ordre de 9% de leur patrimoine actuellement contre environ 12% en 2006, voire près de 15% en 2008. Et les banques, après des réformes de grande ampleur après la crise de 2008, sont nettement mieux capitalisées aujourd’hui.
En outre, toute baisse de l’immobilier n’est pas forcément d’ampleur systémique, même lorsqu’une bulle se dégonfle. Une illustration récente venant de la Chine l’atteste. Après avoir connu une période excessivement faste de plusieurs années, l’immobilier est entré en crise profonde depuis au moins deux ans. Un immense développeur local, Evergrande Group, se débat contre la faillite comme beaucoup d’autres. Des particuliers se retournent contre des promoteurs. Pourtant, le pays ploie mais ne rompt pas. Il est vrai aussi que la mainmise de l’Etat en Chine est sans comparaison. Le secteur est soutenu à bout de bras, y compris par la loi, qui a récemment assoupli les limites d’endettement des promoteurs. Mais la dépression de 2008 a montré que même les Américains n’hésitaient pas non plus à recourir à l’aide de l’Etat pour sauver les institutions stratégiques du domaine immobilier. Comme la banque, le secteur est trop stratégique pour être livré à lui-même en cas de grave difficulté. Ce qui, à partir d’un certain seuil, protège gratuitement – ou plutôt aux frais de l’Etat, qui s’y retrouve in fine – les épargnants, les propriétaires et les entreprises du secteur.
Les répercussions des tensions américaines ne seront toutefois pas neutres en termes d’emploi, de consommation de biens d’équipement, de confiance des ménages et de rénovation énergétique. La Fed y serait sensible si la crise s’aggravait. Cela constitue même un rempart contre une hausse excessive des taux d’intérêts.
Pour le moment, le sujet n’est cependant pas jugé suffisamment préoccupant pour que la Fed y consacre le cœur de ses interventions. Mais si cela arrivait, l’attitude la Fed se ferait certainement plus accommodante, ce qui après des moments tendus, serait probablement salué par les marchés. A l’inverse, si ce moment n’arrivait pas, c’est que les tensions actuelles ne se seraient pas transformées en crise profonde. Ce que les marchés, de façon plus placide, apprécieraient également !
Rédaction achevée le 23.01.2023
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