Analyse « The Globe » rédigé de manière mensuelle par Eurizon
De nombreux signes à moyen terme laissent entrevoir un ralentissement progressif de l’inflation dans un contexte d’essoufflement de la croissance. Mais dans l’immédiat, la solidité des données macroéconomiques incite les banques centrales à poursuivre le resserrement de leurs politiques monétaires, tandis que l’inflation continue de baisser relativement lentement. D’autre part, le redémarrage de l’économie chinoise se confirme.
Après trois mois de chute verticale, le rythme de baisse de l’inflation américaine a ralenti en janvier, retenant à nouveau l’attention des investisseurs. Est-ce la fin de la désinflation ? Ou est-ce que tout se passe comme prévu ? Tout se déroule comme prévu, cependant, les phénomènes économiques évoluent rarement de façon linéaire et se caractérisent par une alternance de hauts et de bas indésirables.
En ce qui concerne l’inflation aux États-Unis, on peut considérer que la première phase de repli, celle liée à la baisse des matières premières, est achevée. Le niveau actuel de l’inflation, 6,4 % en glissement annuel, comporte une composante sous-jacente encore élevée (5,6 % en variation annuelle) et des composantes non sous-jacentes, tels que l’alimentation et l’énergie, dont la baisse a déjà été significative. Jusqu’à présent, le processus de désinflation a été alimenté par l’inflation non sous-jacente et le plus dur commence maintenant : la composante sous-jacente doit prendre le relais.
La situation est à peu près similaire dans la zone euro, mais l’inflation y a atteint son pic plus récemment et part d’un niveau plus élevé qu’aux États-Unis. Le taux d’inflation actuel, 8,5 % en glissement annuel, intègre déjà le retournement de l’inflation non sous-jacente tandis que les composantes sous-jacentes n’ont pas encore atteint leur pic en variation annuelle (5,2 % actuellement).
La résilience de l’activité économique entrave tout recul rapide de l’inflation sous-jacente, malgré le resserrement monétaire promptement mis en œuvre en 2022.
En effet, les données macroéconomiques ont surpris par leur vigueur, ce qui a non seulement écarté l’hypothèse d’un ralentissement brutal de l’économie mondiale, mais a également mis en exergue l’excès d’activité économique, perceptible en particulier dans la situation de surchauffe des indicateurs du marché du travail. Le taux de chômage est au plus bas aux États-Unis (3,4 % en janvier) et dans la zone euro (6,6 %, selon le dernier chiffre disponible), bien en dessous des niveaux d’avant la crise sanitaire et en-deçà des plus bas des cycles précédents.
Au moins trois facteurs contribuent à la solidité de la croissance économique : d’une part, États-Unis l’impact des mesures de relance budgétaire adoptées entre 2020 et 2021 est encore fort. Deuxièmement, le tour de vis monétaire a été important, mais aussi très rapide et ses effets sur le cycle économique ne sont pas encore fait sentir. Enfin, le redémarrage de l’activité en Chine, qui a suivi l’abandon de la politique zéro Covid, soutient l’économie mondiale.
La lente décrue de l’inflation conjuguée à l’exubérance du marché de l’emploi ne permettent pas aux banques centrales de mettre fin au relèvement de leurs taux d’intérêt. Fin 2022, les marchés anticipaient la fin du resserrement des politiques monétaires de la Fed et de la BCE au premier trimestre 2023, tablant sur un niveau final des taux directeurs de 5 % aux États-Unis et de 3,5 % en zone euro.
Ces dernières semaines, ces anticipations ont été revues à la hausse et l’échéance a été repoussée. Actuellement, le niveau final attendu des taux de la Fed se situe entre 5,25 % et 5,50 % et serait atteint entre juin et juillet. Le taux directeur de la BCE devrait quant à lui s’établir entre 3,5 % et 3,75 % à la fin de l’été.
Dans ce contexte, les échéances courtes des courbes de taux ont à nouveau connu un ajustement à la hausse au cours des dernières semaines, entraînant partiellement dans leur sillage les taux des échéances plus éloignées.
L’inversion des courbes obligataires demeure toutefois très marquée, ce qui témoigne de la confiance des investisseurs dans la capacité des banques centrales à contenir l’inflation et à ramener l’activité économique sur un rythme de croissance plus durable.
La réévaluation en cours des anticipations de politique monétaire ne représente cependant pas une répétition du scénario de 2022, mais son achèvement. En outre, après le fort ajustement de l’an dernier, les marchés obligataires recèlent davantage d’opportunités que de risques.
Les rendements réels des titres indexés sur l’inflation sont redevenus positifs aux États-Unis et dans la zone euro ; outre une diversification nécessaire et hors incidence de la volatilité à court terme, ces titres offrent une opportunité intéressante de rémunération réelle des portefeuilles.
Au niveau des taux nominaux, malgré l’inversion marquée des courbes, les titres d’échéance longue assurent une marge de protection des portefeuilles importante en cas de résurgence du risque de ralentissement brutal de l’économie.
Les échéances courtes et intermédiaires, aux niveaux actuels des taux à terme, sont en mesure de surmonter une nouvelle réévaluation de la politique monétaire, ce qui représente une différence notable par rapport à l’année dernière, lorsque les taux des coupons étaient nuls, voire négatifs.
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