Monde Economique Webster University Geneva a été l’hôte jeudi 4 mai au matin d’une conférence* sur le thème « Doing Business in Iran ». Quel est le but de Webster University Geneva avec l’organisation d’un tel événement ?
Clementina Acedo Cette conférence s’inscrit dans un cycle de conférences de la Walker School of Business and Technology. Nous avons précédemment organisé des événements sur plusieurs thèmes ayant trait à la pratique des affaires. Nous avons été par exemple l’hôte de conférences sur les nouvelles routes de la soie, la finance comportementale, le business à Cuba, ou encore le futur de l’industrie pétrolière. Notre premier objectif est le transfert scientifique. Il s’agit de rendre audible par le monde des affaires les travaux de recherche de nos professeurs. Nous cherchons à faire profiter les dirigeants des sociétés de l’arc lémanique des derniers développements de la pensée managériale. Mais il s’agit aussi d’offrir un lieu de débats. Ainsi, les multiples contacts que nos professeurs ont développés dans les milieux économiques permettent d’attirer dans nos locaux les dirigeants les plus actifs sur les sujets d’actualité que nous couvrons dans ces manifestations.
Monde Economique Quels sont les facteurs clés du succès pour faire du business en Iran ?
Dominique Jolly Il y a d’abord un volet culturel. Les dirigeants d’entreprises étrangères doivent comprendre l’état d’esprit iranien – pour surmonter les paradoxes et les obstacles culturels. L’Iran est une mosaïque. Il faut apprendre à composer avec des frontières floues entre public et privé. Il ne faut pas oublier non plus le poids de la supervision idéologique ni que les principes de la Sharia encadrent le système légal même si l’on peut relever une modernisation des mentalités.
Les dirigeants étrangers doivent également créer des réseaux de relations et utiliser un partenaire approprié – non seulement pour être introduit au bon niveau auprès des autorités publiques, mais aussi pour une bonne compréhension de la réglementation locale. Il faut de la patience ; il faut accepter de consacrer du temps à la négociation. L’Iran a une culture relationnelle. L’Iran est un pays très centralisé où le gouvernement dispose d’un fort pouvoir. Il faut se rappeler aussi que le secteur pétrolier et gazier est aux mains de l’Etat alors que la pétrochimie est plutôt privée ; dans ces domaines, les besoins en nouvelles technologies existent.
L’appel à des conseils juridiques – notamment pour vérifier si l’activité proposée est assujettie aux sanctions américaines – est également critique. L’Iran a un corps législatif et réglementaire plutôt dense. Le besoin de vérifications adaptées fait aussi partie des nécessités pour s’assurer de la réputation et de la fiabilité du partenaire.
Enfin, compte tenu du manque de trésorerie disponible dans le pays, les investisseurs étrangers doivent pouvoir bénéficier d’un financement. Le secteur des services financiers en Iran reste d’une taille limitée. Et la situation n’est pas facilitée par un rial très volatile. Il va falloir, là aussi, s’ouvrir. Les Allemands l’ont bien compris ; les banques allemandes pourraient bientôt financer des projets iraniens.
Monde Economique Quel est l’impact des récentes élections sur les perspectives économiques avec l’étranger ?
Dominique Jolly Les élections de mai 2017 ont confirmé Hassan Rohani, 68 ans, comme Président de la République islamique d’Iran. Il a été confortablement réélu avec 57 % des suffrages face au conservateur Ebrahim Raisi. C’est un soulagement pour une bonne partie de la société iranienne et pour les observateurs étrangers. Hassan Rohani n’était pourtant pas soutenu par le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, défenseur d’une ligne dure. La bonne nouvelle est que, réélu pour quatre ans, il va pouvoir poursuivre sa politique d’ouverture sur l’étranger. Il veut, selon ses propres termes, « ouvrir la voie de l’entente avec le monde ».
Cette élection montre que le peuple iranien soutient sa politique de changement. Il faut voir bien sûr le rôle des jeunes dans cette élection. Les moins de 30 ans représenteraient 60 % de la population. C’est une génération moderne, connectée, ayant soif de liberté. Ils veulent sortir de leur isolement et sont avides de s’ouvrir sur l’extérieur sans pour autant trahir les valeurs du pays. Rohani porte ainsi les espoirs de la société iranienne. Nous sortons aussi rassurés de ces élections, parce que c’est un profil modéré qui pourrait se trouver à peser sur la succession à venir du Guide suprême. Finalement, le monde économique a beaucoup de raisons de se satisfaire de cette élection.
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