L’effet Trump, comme partout ailleurs dans le monde, a également eu un impact énorme sur la façon dont les affaires sont menées en Iran. En dépit de la mise en œuvre du Plan d’action global commun (PAGC)[1] et de la conformité ultérieure de toutes les parties à ses articles, les activités économiques étrangères en Iran sont devenues moins euphoriques et plus prudentes ces derniers mois. Les entreprises européennes, et en particulier les entreprises suisses, appliquent maintenant davantage la stratégie «wait and see», même si le plein potentiel de l’économie iranienne est très important et ce, alors même que les concurrents asiatiques et, dans certains cas, les concurrents américains avancent avec beaucoup moins d’inquiétude.

Ce sont la peur des éléments inconnus de l’effet Trump et les punitions américaines antérieures infligées à des banques et d’autres entreprises, qui créent maintenant un déséquilibre entre le désir de faire des affaires en Iran et le risque légal d’enchevêtrement avec le gouvernement des États-Unis. En fait, l’administration Obama a signé le PAGC en sachant très bien que les entreprises européennes ne s’engageraient, avec prudence avec leurs homologues iraniens, qu’une fois qu’elles auraient lu le texte dans son intégralité, pleinement conscientes du risque juridique encore existant, alors que le risque opérationnel allait dépendre de la future administration Clinton et de la conformité iranienne aux termes du PAGC. L’élection inattendue de Trump a rejeté cette hypothèse avec, de plus, une imprévisibilité et une approche grandiloquente, de sorte que le risque légal et opérationnel est encore plus élevé que la pilule empoisonnée envisagée par Obama.

Toutefois, l’Iran n’attend pas ni ne peut attendre que les Européens se décident. Avec une population jeune et en croissance de plus de 80 millions de personnes et nécessitant une croissance économique minimale de 6 % par an pour assurer la stabilité politique, cette main-d’œuvre hautement entrepreneuriale et techniquement instruite s’engage à trouver d’autres façons d’assurer des liens commerciaux et économiques avec le monde extérieur. Pourtant, du point de vue du secteur privé iranien, les défis de la croissance économique ne sont pas le manque d’enthousiasme des entreprises européennes ou, en l’occurrence, l’imprévisibilité des derniers tweets de la Maison Blanche, mais plutôt des défis internes qui étouffent la croissance et le développement économique au sein même de l’Iran.

Comme le montrent clairement les récents débats sur les élections présidentielles, le leadership iranien est encore incertain sur la façon de permettre au secteur privé de devenir le moteur de la croissance de l’économie. En devenant accro à la libre circulation du pétrole, l’État est devenu le principal obstacle à la croissance parce qu’il manipule les fondamentaux du marché et parce qu’il arrose de subventions les entreprises publiques sous-performantes qui sont en concurrence avec le secteur privé. Bref, une économie qui ressemble plus à la RDA avant l’effondrement du mur de Berlin, fortement subventionnée et mal gérée.

La croissance de la corruption endémique à tous les niveaux de l’économie, les politiques environnementales désastreuses et le chômage sont le talon d’Achille de l’économie iranienne pour les années à venir. Ce sont de loin les problèmes les plus urgents pour toute entreprise suisse qui envisage de travailler sur ce marché, car ils présentent un risque opérationnel à tous les niveaux. Cela dit, l’Iran représente peut-être l’un des derniers marchés qui pourraient offrir une croissance à deux chiffres avec des marges très élevées. Un potentiel que très peu de PDG pourraient ignorer, peu importe ce que la future politique de Trump ou l’élection de Rohani pourrait apporter.

Sharif Nezam-Mafi, Président de la Chambre de Commerce Iran-Suisse

[1]Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) en Anglais.