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Raphaël Leveau. Associé Berney Associés
Avec une économie solide et diversifiée, la Suisse attire de nombreux investisseurs locaux et internationaux intéressés par l’achat d’entreprises. Cependant, le processus d’acquisition, tout comme le processus de vente, peuvent être complexes, nécessitant une évaluation précise, une préparation minutieuse et une négociation habile. De plus, avec une grande proportion de PME en Suisse, la question de la succession est de plus en plus pertinente, ce qui peut conduire à une augmentation des ventes d’entreprises. Cependant, malgré l’attrait du marché suisse, la vente d’une entreprise reste un défi pour de nombreux propriétaires d’entreprise. Entretien avec Raphaël Leveau. Associé chez Berney Associés
Monde Economique: Comment décririez-vous l’état actuel du marché des ventes d’entreprises en Suisse ?
Raphaël Leveau: Le marché actuel est, depuis la crise du Covid-19, caractérisé par une demande plus forte en recherche d’acquisition de sociétés, contre une offre (de sociétés à vendre) plus timide, ou du moins peu explicite, plus discrète. La volonté de donner un nouvel élan à sa carrière pour l’investisseur privé, ou encore l’accès à de la dette (d’acquisition) bon marché pour les investisseurs professionnels et sociétés acquéreuses jusqu’à il y a quelques mois, tout comme l’attrait de la Suisse, ont eu un effet positif sur le nombre de transactions d’achats et de cessions d’entreprise ces deux dernières années. Il est probable que l’environnement de marché que nous connaissons actuellement ait un impact négatif sur le volume de transactions à moyen terme, mais cela pourrait à priori moins se ressentir dans le segment des petites et moyennes entreprises ; segment prédominant en Suisse, et particulièrement en Suisse Romande.
Monde Economique: Quels sont les facteurs clés que les entrepreneurs devraient prendre en compte lorsqu’ils envisagent de vendre une entreprise ?
Raphaël Leveau: L‘un des premiers facteurs à prendre en compte, c’est son état de préparation à une éventuelle vente. En effet, plus le propriétaire sera préparé sur un certain nombre de paramètres, tels que la notion de transition opérationnelle de son rôle de gestion au sein de son organisation, ou encore sa fiscalité personnelle et la structuration de son patrimoine ; plus ce dernier pourra être réactif, ou proactif, pour une cession « saine » et maîtrisée de sa société.
L’état du marché, ainsi que la situation financière de la société, sont également des facteurs importants à considérer lors de ces réflexions. En effet, il peut parfois être opportun d’anticiper quelque peu (voire retarder !) la cession de son outil de travail en fonction d’un éventuel « momentum » que l’on observe sur le marché, comme par exemple la consolidation d’un secteur ou l’autre par certains acteurs du marché (groupes en recherche de croissance ou fonds d’investissement) ; tendance que nous avons par exemple particulièrement observée dernièrement, dans le domaine des soins et du médical. Un autre facteur, et pas des moindres, est la préparation « psychologique » à une éventuelle vente de sa structure. Nous avons vu trop de cas où le cédant souhaitait passer le flambeau, mais avait complètement sous-estimé les facteurs émotionnels liés à ce passage ; étape qui signifie la fin d’un chapitre, sans nécessairement avoir réfléchi au chapitre suivant.
Monde Economique: Pouvez-vous partager une réussite récente où Berney Associés a aidé un client à naviguer avec succès dans le processus d’achat ou de vente d’une entreprise ?
Raphaël Leveau: Nous avons tout récemment accompagné les propriétaires pour la cession intégrale de leurs différentes sociétés dans le domaine médical, tout en souhaitant continuer à oeuvrer dans ce domaine qui les passionnait. Nous avons initié un processus de vente, qui s’est ensuite orienté sur une cession partielle du capital avec l’opportunité de développer le modèle d’affaires sur une autre échelle et avec des objectifs enthousiasmants, tout en ayant en parallèle sécurisé la cession future de leur détention actionnariale. Partis d’un « simple » objectif de cession du capital, nous avons fait évoluer la transaction sur une structure qui n’avait pas nécessairement été imaginée lors de nos premières rencontres, mais dont la finalité semble correspondre aux attentes de toutes les parties, avec qui nous continuons à collaborer. Ce n’est bien entendu pas tous les jours que les transactions évoluent de cette manière au fil du processus.
Monde Economique: Comment Berney Associés aide-t-elle ses clients à évaluer la juste valeur d’une entreprise qu’ils envisagent d’acheter ou de vendre ?
Raphaël Leveau: Nous procédons à une analyse de valorisation de la société sur la base de méthodes reconnues, auxquelles nous ajoutons notre « grain de sel » qui n’est autre que notre expérience dans le domaine transactionnel. En effet, la valorisation d’une société ne se limite pas à une simple application de méthodes d’évaluation, mais intègre également des facteurs spécifiques à l’industrie et à la société évaluée (santé et dynamisme du domaine d’activité, rentabilité du modèle d’affaires, facilité de la transition opérationnelles par le propriétaire, état des relations avec les « stakeholders », typologie de la transaction envisagée, etc.); facteurs qui permettront de mieux appréhender la notion de « prix », qui peut sensiblement diverger de la « juste valeur ». Nous bénéficions également d’un bon aperçu des prix de transactions qui s’effectuent sur le marché, notamment au niveau des opérations que nous chapeautons. Notre expérience « 360 degrés », liée à nos différentes casquettes et notamment nos rôles d’administrateurs de sociétés dont certaines réalisent ponctuellement des opérations d’achats et de cessions, nous permet également de voir le processus d’analyse de valeur, respectivement de prix, sous différents angles et points de vue.
Monde Economique: Quel rôle joue le réseau d’investisseurs locaux et internationaux de Berney Associés dans le processus d’achat et de vente d’entreprises ?
Raphaël Leveau: Notre réseau d’investisseurs fait partie intégrante de notre valeur ajoutée lors de notre accompagnement pour une acquisition d’entreprise, la structuration d’un financement, ou la transmission, car nous sommes en contact permanent avec des investisseurs de tout profil ; de l’investisseur privé au groupe en croissance, en passant par les fonds de private equity ; en Suisse, ou à l’étranger notamment par le biais du réseau international auquel nous sommes affiliés. L’une des clés de notre métier de conseil en fusions-acquisitions est certes de pouvoir apporter un accompagnement technique et de négociation à nos clients, mais également d’avoir la capacité d’identifier les contreparties potentielles adéquates, avec lesquelles nous bénéficions potentiellement d’un contact déjà existant.
Monde Economique: Comment voyez-vous l’évolution du rôle du conseiller en fusions-acquisitions à l’ère de l’intelligence artificielle? Et quelles perspectives pour Berney Associés ?
Raphaël Leveau: Nous sommes en effet en train de travailler sur les opportunités que nous offre l’Intelligence Artificielle, et cela de manière transversale pour tous les métiers et prestations de services de notre groupe. Dans le cadre du métier de fusions-acquisitions, l’Intelligence Artificielle va par exemple permettre de traiter de manière différente les tâches à plus faible valeur ajoutée, telles que le traitement des données, tout en permettant de se focaliser sur les aspects à plus haute valeur ajoutée.
A titre d’exemple, la préparation de la documentation de vente (mémorandum d’information), ou encore la première compilation d’analyses de documents lors de la phase de « due diligence » (i.e. audit d’acquisition), pourraient en partie être traitées par une utilisation adéquate de l’intelligence artificielle, ce qui nécessite néanmoins de développer un apprentissage spécifique pour s’assurer de la qualité et de la robustesse de l’analyse et des éventuelles recommandations ; ne serait-ce que pour des questions de responsabilités. Ces analyses seront ensuite très utiles aux autres phases du processus qui nous semblent plus difficile à remplacer ; qui font notamment appel à l’expertise et surtout à l’expérience du terrain, tels que les aspects liés à la négociation des conditions de la transaction et la « sécurisation » de divers aspects (garanties, fiscalité, etc.). Utilisé en tant qu’outil de performance, l’Intelligence Artificielle nous permettra d’optimiser le temps passé sur des phases d’analyses spécifiques associées à un travail répétitif.
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