Par le gérant d’actifs italien Eurizon Asset Management.
Jusqu’à présent, l’année 2023 a agréablement surpris. Elle avait difficilement débuté sous l’emprise de l’inflation et la hausse des taux et devait aboutir à une récession mondiale. Après neuf mois, les marchés sont (presque) tous dans le vert, l’inflation a diminué de moitié depuis un an et l’économie mondiale est toujours en expansion.
Il constitue à présent l’hypothèse privilégiée par les marchés et, pour bien terminer l’année, il devra être confirmé. Confirmer est plus difficile que surprendre, mais les conditions sont réunies pour ce faire.
La première confirmation doit venir de l’inflation. La partie facile de la décrue – liée à la baisse des prix des matières premières, qui s’est toutefois essoufflée depuis quelques mois – est derrière nous. En effet, le prix du pétrole remonte dernièrement sous l’effet des réductions de production. Il ne s’agit cependant pas d’une nouvelle flambée inflationniste due à une demande excédentaire ; les prix des métaux industriels sont en effet à leurs plus bas de l’année. Le renchérissement de l’énergie est toutefois susceptible de ralentir la baisse de l’inflation, mais pas de l’inverser.
Jusqu’à présent, l’économie mondiale a mieux résisté que prévu au choc inflationniste et à la hausse subséquente des taux d’intérêt. L’activité économique s’est modérée après les excès de 2021/2022, mais la récession redoutée (que beaucoup prédisaient) ne s’est matérialisée dans aucune région.
La croissance de l’économie américaine demeure stable. Le marché du travail n’affiche plus la croissance excessive de 2022, mais il continue de créer des emplois, ce qui conjointement à l’augmentation des salaires réels résultant de la baisse de l’inflation, soutient la consommation.
En revanche, des signes de ralentissement apparaissent dans la zone euro où la consommation souffre d’une inflation encore élevée, tandis que le redémarrage poussif de la Chine pèse sur les échanges commerciaux.
Au cours des derniers mois de l’année, nous guetterons la confirmation des signes de stabilisation de l’activité manufacturière au niveau mondial, ce qui permettrait au cycle économique de maintenir une trajectoire d’expansion stable, évitant un ralentissement brutal. Les mesures de relance modérées décidées par la Chine et le niveau désormais très bas des stocks dans l’industrie, qui présage d’une probable reprise de la production, fournissent des indications rassurantes à cet égard.
Cependant, depuis quelques mois déjà, les anticipations concernant le point d’arrivée des taux d’intérêt s’établissent à 5,5 % pour la Fed et à 4,5 % pour la BCE, des niveaux qui ont été atteints avec les dernières décisions. Cela conforte le sentiment que les taux obligataires à court et moyen terme sont très intéressants en tant que flux de coupons à faible volatilité.
Le point d’interrogation concerne toutefois le niveau d’équilibre des taux de la Fed et de la BCE entre 2024 et 2025, une fois le combat contre l’inflation achevé. La solidité de la croissance économique a conduit les investisseurs à penser que les taux de la Fed et de la BCE pourraient rester à des niveaux élevés pendant une longue période, puis tomber à « seulement » 4 % aux États-Unis et 3 % dans la zone euro. Ceci explique la hausse actuelle des taux à long terme qui, jusqu’à il y a quelques semaines, reposaient sur l’hypothèse la BCE.
Jusqu’à ce que les anticipations à cet égard se stabilisent, les taux à long terme pourraient rester volatils. Dans une perspective à moyen terme, cependant, les niveaux actuels des taux d’intérêt à long terme semblent attrayants, en particulier ceux offerts par les titres réels, désormais supérieurs à 2 % pour les États-Unis et l’Italie, et à nouveau positifs également pour l’Allemagne.
Le crédit pourrait continuer à offrir des opportunités intéressantes dans un contexte de stabilisation des taux souverains, quoique volatile, même si les taux de la Fed et de la BCE devaient rester à des niveaux élevés plus longtemps que prévu. Le scénario défavorable que le crédit doit éviter est celui d’un ralentissement brutal de l’économie, une hypothèse actuellement non étayée par les données.
Au sein de l’univers du crédit, nous continuons de privilégier le segment Investment Grade, attrayant en termes de rendement à l’échéance et de spread et naturellement moins volatile que la dette High Yield et émergente, bien que ces deux segments soient intéressants en termes de valorisation.
Les actions ont été la véritable surprise par rapport aux prévisions du consensus du début d’année. Les cours se sont inscrits à la hausse sur tous les marchés, malgré le recul des bénéfices. En conséquence, les valorisations sont désormais moins intéressantes qu’au début de l’année.
En outre, la remontée des taux à long terme a freiné les marchés actions, qui s’interrogent sur la viabilité de taux durablement élevés. La volatilité des actions engendrée par les marchés obligataires constitue, la plupart du temps, un motif de stabilisation des taux et, en fin de compte, une occasion de reprise des marchés actions. Cette fois encore, cela pourrait se vérifier.
Le fléchissement du billet vert au premier semestre a reflété l’émergence du scénario de sortie en douceur de la crise de l’inflation, avec pour corollaire l’anticipation d’une posture moins agressive des banques centrales (de la Fed en particulier) et la moindre propension au repli vers les monnaies refuges, comme le dollar, en période d’incertitude.
À partir de juillet, cependant, la vigueur de l’économie américaine, en termes absolus et par rapport aux autres économies, s’ajoutant aux questionnements quant à la viabilité de taux durablement élevés, a ravivé la quête de dollars. Face à l’euro le mouvement a été rapide, la parité passant de 1,13 à 1,05.
Tant que la question des taux et de l’imbrication des marchés obligataires et des marchés actions ne sera pas résolue, il est probable que le dollar restera fort, en attendant des signes plus manifestes de stabilisation de l’activité manufacturière et du commerce international, sans lesquels le différentiel de croissance entre la zone euro et les États-Unis risque de s’amplifier.
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