Des taux durablement élevés ? 

1 novembre 2023

Des taux durablement élevés ? 

 « The Globe » rédigées par le gérant d’actifs italien Eurizon Asset Management

Si le débat entre atterrissage en douceur et atterrissage brutal avait dominé les marchés avant l’été, le premier scénario l’emportant sur le second, la question du maintien de « taux durablement élevés » constitue désormais le thème clé. 

La flambée d’inflation est en train de se dissiper, mais toutes les braises ne sont pas encore éteintes. Les banques centrales ne s’aventurent pas à annoncer la fin du resserrement monétaire, mais elles observent bel et bien une pause. Les données macroéconomiques demeurent étonnamment robustes, en particulier aux États- Unis, ce qui incite les marchés à croire, à tort ou à raison, que les taux des banques centrales resteront à leurs niveaux (élevés) actuels plus longtemps que prévu au début de l’été. Examinons ces chiffres de plus près. 

Par rapport aux sommets de 2022, la baisse de l’inflation a été significative, s’établissant à environ 4 % en variation annuelle, mais elle se situe toujours au-dessus des objectifs déclarés par la Fed et la BCE. Selon les estimations du consensus des économistes, elle devrait retomber aux alentours de 2 % à la fin 2024. Néanmoins, la hausse du prix du pétrole, qui s’est amorcée en juin en raison des réductions de la production, peut ralentir le processus de désinflation sans toutefois le remettre en cause, dès lors que les autres matières premières ne se renchérissent pas. Dans l’hypothèse de « taux durablement élevés », l’inflation tarderait à se rapprocher de l’objectif de 2 %. 

Le maintien de « taux durablement élevés » ne signifie pas pour autant que ceux-ci vont encore augmenter. Certes, ni la Fed ni la BCE n’ont officiellement annoncé la fin du resserrement de leur politique monétaire, mais elles marquent à l’évidence une pause. En outre, les contrats à terme sur le marché monétaire reflètent implicitement depuis plusieurs mois l’hypothèse selon laquelle le taux de 5,5 % pour les Fed Funds et de 4,5 % pour les opérations de refinancement de la BCE pourraient être les niveaux maximums du cycle haussier. Les investisseurs tentent désormais de déterminer ce que pourrait être le niveau d’équilibre des taux lorsque les banques centrales assoupliront les conditions monétaires, vraisemblablement à partir du second semestre 2024. 

Depuis l’été, le niveau d’équilibre durable indiqué par les marchés a sensiblement augmenté et se situe actuellement, d’après les contrats à terme sur le marché monétaire, entre 4 % et 4,5 % pour les États-Unis et entre 3 % et 3,5 % pour la zone euro. Ces chiffres associés au contexte de « taux durablement élevés » sont à l’origine de la hausse des parties longues des courbes, dont l’inversion marquée reflétait des anticipations de futures baisses des taux, désormais largement réajustées. 

Cela conforte le sentiment que les taux obligataires à court et moyen terme sont très intéressants en tant que flux de coupons à faible volatilité. Les courbes n’étant plus inversées, les parties longues deviennent également plus intéressantes en termes de valorisations. 

L’Italie figure parmi les pays à surveiller, son spread ayant augmenté de 160 à 200 points de base entre août et mi-octobre. L’élargissement est en partie dû au ralentissement de l’activité économique dans la zone euro, qui a creusé les spreads de la plupart des pays par rapport à l’Allemagne, ainsi qu’à la révision à la hausse des objectifs de déficit pour l’année en cours et celles à venir, une décision qui devra à présent passer sous les fourches caudines de la Commission européenne et des agences de notation. À 200 points de base, le spread de l’Italie peut être considéré comme attrayant, mais pas extrême, se situant à mi-chemin entre le niveau d’excès d’optimisme,(historiquement autour de 100 points de base), et celui d’excès de pessimisme (entre 250 et 300 points de base) qui a procuré les opportunités de surpondération les plus intéressantes. 

À ces niveaux, les obligations d’État italiennes permettent d’augmenter le rendement attendu de la poche des investissements obligataires en euros. Cependant, parmi les émetteurs à spread, nous préférons les obligations d’entreprises Investment Grade qui offrent, dans l’ensemble, des rendements à l’échéance similaires à ceux de l’Italie avec une plus grande diversification des émetteurs (et par conséquent un risque moindre). 

Les marchés actions ont été la bonne surprise de 2023, bénéficiant de la résilience de la croissance économique qui a évité le ralentissement brutal tant redouté. Cependant, depuis que le thème des « taux durablement élevés » a pris le pas sur le débat entre atterrissage en douceur et atterrissage brutal, les actions ont marqué une pause et fait l’objet de prises de bénéfices. 

La correction actuelle n’est pas liée à des facteurs propres au marché boursier, mais est le reflet de la nouvelle phase de normalisation des taux d’intérêt. Alors que les taux obligataires repartent à la hausse, le rendement des actions (le rendement des bénéfices des entreprises) augmente également dans la même mesure, ce qui maintient inchangée la prime de risque offerte par les actions. Une telle correction doit être considérée comme saine, car elle résorbe les excès techniques qui s’étaient accumulés, et pourrait être mise à profit, dans le cadre d’une approche à contre-courant, pour renforcer les positions. Le scénario défavorable à éviter, pour les marchés actions, est le ralentissement brutal de l’économie, une hypothèse actuellement non étayée par les données, en particulier en ce qui concerne les États-Unis, qui déterminent in fine l’évolution du cycle mondial. 

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