Photo Guillaume Hodouin © WTW
Par Guillaume Hodouin directeur prévoyance chez WTW
La prévoyance professionnelle joue un rôle clé dans la sécurité financière des employés à l’approche de la retraite et durant toute leur carrière. Avec un marché du travail en constante évolution, les défis démographiques et des considérations politiques changeantes, l’avenir de la prévoyance professionnelle se joue dès aujourd’hui.
Depuis quelques temps, la prévoyance professionnelle polarise les débats. Nous pourrions nous réjouir de l’intérêt porté à cet important pilier social mais, d’un autre côté, les argumentations avancées sur son futur souhaité engendrent des points de vue divergents chez les acteurs de la prévoyance et provoquent une confusion auprès des assurés.
D’un point de vue social et législatif, la prévoyance professionnelle fait partie intégrante du système des trois piliers, un système qui a fait ses preuves, qui fonctionne et qu’un grand nombre de pays nous envie. Cependant, l’environnement politique et le cadre législatif influencent considérablement l’avenir de ce système. Les récentes réformes et propositions visant à renforcer la pérennité du système des retraites, notamment sur l’âge de la retraite et le niveau des rentes de retraite, suscitent un débat entre les différents groupes d’assurés, actifs ou rentiers. Globalement, la qualité de l’offre de prévoyance suisse vis-à-vis d’autres pays industrialisés est en baisse ces dernières années[1] et certaines leçons devraient en être tirées.
L’avenir devra tenir compte de l’entrée de nouvelles générations sur le marché du travail. La génération Y accorde une importance croissante à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. La génération Z, qui fait ses premiers pas dans le monde professionnel, recherche quant à elle, plus de flexibilité et de mobilité. Suivra la génération Alpha, qui aura des défis importants à relever. Adapter la prévoyance professionnelle pour répondre aux nouvelles attentes de ces générations devient impératif pour maintenir un financement adéquat du système social.
Le financement est au cœur de la prévoyance professionnelle. Une question clé est de savoir si les travailleurs cotisent suffisamment pour garantir une retraite confortable. L’allongement de l’espérance de vie met en lumière le besoin d’une planification financière rigoureuse pour éviter les lacunes de retraite et palier aux coûts grandissants des soins de santé. Le futur demande une révision des taux de cotisation et aussi des approches de gestion de la fortune pour garantir la solidité du système. La rente de retraite complètement garantie pourraient aussi être challengé avec un concept de rente variable, permettant un meilleur équilibre entre actifs et rentiers.
De plus, une plus grande souplesse du système de prévoyance permettrait de rencontrer les besoins propres à chaque assuré et offrir une meilleure transition entre le marché du travail et la retraite. Cela permettrait aussi à chacun de mieux planifier une sortie ordonnée du monde du travail, voire de continuer à y participer, à son rythme. Comme tout événement clé de la vie ; naissance, premier travail, mariage…, il est certain qu’il faut (re) mieux gérer nos attentes. La question fondamentale est de savoir de quel montant avons-nous besoin (à partir d’un âge de retraite fixe) selon chaque situation individuelle.
De plus, une plus grande souplesse du système de prévoyance permettrait de rencontrer les besoins propres à chaque assuré et offrir une meilleure transition entre le marché du travail et la retraite. Cela permettrait aussi à chacun de mieux planifier une sortie ordonnée du monde du travail, voire de continuer à y participer, à son rythme. Comme tout événement clé de la vie ; études, premier travail, vie familiale et retraite, il conviendrait de mieux gérer planification et attentes. La question fondamentale est de savoir de quel montant avons-nous besoin (versus choisir un âge de retraite fixe) selon chaque situation individuelle.
Dans un avenir tourné vers l’assuré, nous pourrions imaginer une plus grande place à l’éducation financière préparant l’assuré. Une plus grande diligence des acteurs de la prévoyance offrant une information coordonnée entre les trois piliers, standardisée dans sa communication et sa présentation est également nécessaire. Le certificat annuel de prévoyance reste encore aujourd’hui un élément de communication d’une efficience relative. Le futur pourrait être fait d’une flexibilité et d’une individualisation accrue grâce à une éducation renforcée offerte dès le début de la carrière, voire en amont.
Ainsi, si une compréhension solide des concepts de prévoyance est essentielle pour que la population puisse prendre des décisions éclairées, la réalité sur le terrain reste que le cadre législatif continue de complexifier la prévoyance comme le montrent les nouvelles réformes. Les initiatives éducatives pour démystifier les aspects complexes de la prévoyance joueraient un rôle crucial dans la préservation du système. Mais elles sont seulement possibles dans un système transparent, juste, adapté aux nouvelles réalités sociétales et familiales. Les ressources éducatives doivent donc être adaptées aux nouvelles générations pour renforcer la littératie financière.
Une partie de la solution viendra des outils technologiques disponibles facilitant la visualisation des projections de retraite et la prise de décision dans un champ d’application idéalement plus large que la prévoyance professionnelle seule. A ceci s’ajoute la prise de conscience croissante de l’importance de faire des choix plus durables, ce qui est intimement lié à la prévoyance professionnelle ; une retraite de qualité dans un milieu de vie durable. Mais qu’en est-il du rôle de la prévoyance professionnelle en Suisse et ailleurs pour adopter des stratégies d’investissement responsables ? La réponse viendra peut-être du cadre législatif, mais c’est certainement une opportunité d’intéresser plus d’assurés à la prévoyance en liant ces concepts ; chercher un sens à nos actions et contribuer positivement à l’avenir de nos sociétés.
La prévoyance au sens large est au centre des grands principes sociaux, protégeant tous les individus. L’organisation collective de celle-ci améliore sa solidarité, mais dans un futur proche une plus grande flexibilisation et individualisation est souhaité afin de remettre l’assuré au cœur de la prévoyance. Le succès des prochaines réformes devrait passer par un renforcement de l’inclusivité de tous les assurés dans la prévoyance, incluant peut-être de redonner une voie active aux rentiers tout en les faisant participer plus activement à celle-ci. Un système fort, simplifié, flexible, plus centralisé dans son approche et porté par une éducation financière plus appuyée permettra d’améliorer la confiance des assurés afin d’en garantir son financement. La Suisse reste très bien positionnée, avec des bases solides, qui font l’envie de plusieurs ; ne commettons pas l’erreur d’étouffer le système par des règles complexes et techniques et misons sur une meilleure transparence, éducation et gouvernance.
[1] Etude Mercer CFA Institute Global Pension Index positionne la Suisse en douzième place sur 44 pays analysés