L’avenir de la titrisation et des actifs tokenisés

10 décembre 2023

L’avenir de la titrisation et des actifs tokenisés

Par  Felice Guggioli, Solution Center – Senior Advisor, REYL Lugano

La titrisation par le biais de jetons (« tokens ») est un processus destiné à créer des titres financiers numériques négociables sur une blockchain, qui gagne du terrain dans le secteur bancaire depuis quelques années.

Qu’est-ce que la titrisation?

La titrisation est un processus qui consiste à convertir des droits contractuels en titres négociables, et qui permet de regrouper les effets juridiques d’un régime contractuel défini à des tiers qui ne sont pas à l’origine impliqués dans la construction juridique sous-jacente.

Généralement liée à des exemples bien connus tels que les titres adossés à des actifs ou à des créances hypothécaires, la technique de titrisation joue un rôle beaucoup plus important et fondamental sur les marchés financiers. Dans la mesure où il s’agit simplement d’un reconditionnement de créances en titres négociables, elle peut être appliquée à tout accord juridique valide et exécutoire sous-jacent. Une obligation standard est un exemple de titrisation dans lequel la relation débiteur-créancier sous-jacente est titrisée en billet.

Droit-valeur et jeton?

Avant la matérialisation des technologies numériques comme la blockchain, la titrisation était principalement mise en œuvre au moyen de certificats de sécurité dématérialisés, dotés d’un code ISIN, et généralement conservés auprès de dépositaires communs (EUROCLEAR, etc.). 

Un nouveau véhicule de titrisation est disponible aujourd’hui, le jeton (« token »), et un nouveau type de titre a été créé, le « droit-valeur ». 

Comment ? Les conditions contractuelles liées à l’objet contractuel concerné de la titrisation sont « traduites » en codes de programmation contenus dans des contrats numériques (les « Smart Contracts ») qui sont enregistrés sur une blockchain et accessibles à une adresse spécifique.

Que sont une blockchain et un contrat intelligent? 

Une blockchain est essentiellement un nouveau type de registre : un registre décentralisé distribué numériquement qui existe sur un réseau informatique et facilite l’enregistrement des transactions. Lorsque de nouvelles données sont ajoutées à un réseau, un nouveau bloc est créé et ajouté de façon permanente à la chaîne. Tous les nœuds de la blockchain sont ensuite mis à jour pour refléter le changement. Cela signifie que le système n’est pas soumis à un seul point de contrôle ou de défaillance.

Les Smart Contracts (« contrats intelligents ») peuvent être définis comme des programmes logiciels qui sont exécutés automatiquement lorsque des conditions spécifiques sont remplies, comme les conditions convenues entre un acheteur et un vendeur. Les Smart Contracts sont établis en code sur une blockchain. Les informations contenues dans les Smart Contracts et enregistrées sur la blockchain (Ethereum) représentent le registre sous-jacent au nouveau titre tokenisé.

La Suisse a introduit les droits-valeurs en tant que nouvelle catégorie de titres conformément au Code suisse des obligations (art. 973) et a promulgué en 2021 la Loi fédérale sur l’adaptation du droit fédéral aux développements de la technologie des registres électroniques distribués (projet de loi DLT).

Les jetons diffèrent des crypto-monnaies dans la mesure où ils représentent une créance à l’encontre de l’émetteur, contrairement aux crypto-monnaies.

Avantages de la titrisation par le biais de jetons

•       Économies de coûts opérationnels : particulièrement utiles pour les classes d’actifs dont la gestion ou l’émission tend à être très manuelle et donc sujette aux erreurs, notamment les obligations, les titres adossés à des actifs et les sukuk (l’alternative islamique à un titre obligataire, plus précisément un titre basé sur des actifs conforme à la charia), etc.

•       Liquidité : facilité de négociation qui permet une tarification plus efficace.

•       Transparence : toutes les transactions sont enregistrées sur blockchain.

•      Démocratisation de l’accès : les prestataires de services peuvent accorder l’accès à un plus large éventail d’investisseurs en abaissant la taille minimale des investissements et en réduisant les coûts de transaction. En rationalisant les processus manuels intensifs sur le plan opérationnel, le service aux petits investisseurs peut devenir économiquement attractif.

•       Sécurité : la nature infalsifiable du registre blockchain peut réduire le risque de fraude et faciliter l’application des politiques de lutte contre le blanchiment d’argent.

Actifs tokenisés et marché tokenisé

La tokenisation permet à presque n’importe quel actif du monde réel et effet juridique provenant de relations commerciales d’avoir une représentation numérique sur une blockchain. Ce formidable potentiel de transformation devrait exercer une forte influence sur l’économie, l’innovation et l’environnement social. Une nouvelle terminologie entre en jeu, « marché tokénisé » opérant dans une « économie tokénisée ». D’après le Forum économique mondial, le marché tokénisé devrait enregistrer une croissance de 10 % et atteindre environ USD 24 000 milliards d’actifs financiers en 2027.

Les secteurs bancaire et financier sont l’un des nombreux segments économiques touchés par la tokenisation. La santé, le commerce de détail/le e-commerce, les services publics, l’énergie et les services aux collectivités figurent également parmi les secteurs les plus profondément influencés.

Dans le sillage de la voie tracée par les autorités suisses, nous pouvons nous attendre à voir davantage d’actifs tokenisés et négociés sur des marchés basés sur la blockchain. REYL Intesa Sanpaolo a récemment été nommé structurateur et arrangeur d’un certificat basé sur un registre conforme à la charia.

 

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