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Marco Colucci est un artisan d’art dans l’univers de l’encadrement d’œuvres, transformant le bois, une matière à la fois ordinaire et noble, en cadres qui protègent et subliment les œuvres. Avec une pratique de plus de 25 ans dédiée au milieu artistique, Marco a développé un savoir-faire personnel dans la manipulation du bois. Il utilise des techniques variées comme la gravure, la peinture et la dorure pour créer des cadres qui transcendent leur rôle utilitaire pour devenir des pièces artistiques à part entière. Sa maîtrise ne se limite pas à la création de cadres esthétiques ; il possède également une profonde compréhension de l’interaction entre l’œuvre, le cadre et l’environnement dans lequel ils coexistent. Marco Colucci joue avec les dimensions, les couleurs et les profondeurs, influençant subtilement la perception d’une œuvre d’art. Au cœur de son métier, Marco Colucci allie l’artisanat traditionnel à une sensibilité artistique contemporaine. Rencontre
Monde Economique: On dit généralement que chaque passion a son point de départ. Qu’est-ce qui vous a initialement attiré vers ce métier d’encadreur d’art ?
Marco Colucci : Je pense que ma passion pour les œuvres d’art a été certainement le principal moteur. Cette fascination pour l’art s’est transformée en une curiosité pour tout ce qui contribue à sa présentation et à sa conservation. L’encadrement d’art, pour moi, est bien plus qu’une protection physique pour les œuvres ; c’est une extension de l’art lui-même.
Au fil des ans, mon approche en tant qu’encadreur a évolué pour devenir une véritable expression artistique. Chaque cadre que je crée est pensé pour s’intégrer parfaitement avec l’œuvre qu’il entoure, en mettant en valeur sa beauté et en respectant son intégrité. Pour moi, chaque cadre est une œuvre en soi, conçue avec la même passion et le même dévouement que les artistes mettent dans leurs créations. En encadrant une œuvre d’art, je me sens connecté à l’histoire de l’art, participant modestement à sa préservation et à sa célébration pour les générations futures.
Monde Economique: Quelle place l’Ecole de Florence occupe-t-elle dans votre parcours ?
Marco Colucci: L’École de Florence a joué un rôle crucial dans mon développement professionnel, en particulier dans ma spécialisation en restauration de tableaux. Après mon apprentissage initial en tant qu’encadreur doreur, j’ai ressenti le besoin d’approfondir mes compétences et de comprendre davantage l’art dans son ensemble. L’École de Florence, avec son riche héritage artistique et sa réputation en matière de conservation d’œuvres d’art, m’a offert l’opportunité idéale pour cela. Là, j’ai appris les techniques délicates et les principes fondamentaux de la restauration de peintures, ce qui m’a permis de développer une appréciation plus profonde pour la conservation de l’art. Cette expérience a enrichi mon approche de l’encadrement, me donnant une perspective plus complète sur la manière dont un cadre peut et doit interagir avec l’œuvre qu’il entoure. Et dans ma pratique actuelle, les leçons apprises à l’École de Florence sont omniprésentes.
Monde Economique: Chaque œuvre d’art nécessite une attention particulière. Quelles sont les considérations particulières que vous prenez en compte lors de l’encadrement d’œuvres à surface fragile ou de peintures montées sur châssis ?
Marco Colucci. L’encadrement d’œuvres d’art, en particulier celles à surfaces fragiles ou montées sur châssis, est un exercice délicat qui exige une grande attention et un savoir-faire spécifique. Avant de commencer le processus d’encadrement, je procède à une évaluation minutieuse de l’état de conservation de l’œuvre. Cela implique de prendre en compte non seulement la nature des matériaux utilisés dans l’œuvre elle-même, mais aussi son âge, son histoire et les conditions dans lesquelles elle a été conservée jusqu’à présent. Ces facteurs influencent directement le choix des matériaux et des techniques d’encadrement à utiliser. Par exemple, une œuvre ancienne ou particulièrement délicate nécessite des matériaux qui offrent un soutien optimal tout en minimisant tout risque de dommage ou de dégradation supplémentaire.
En outre, les particularités liées au style de l’époque de l’œuvre sont également primordiales dans mes considérations. Chaque période artistique a ses propres caractéristiques et sensibilités, qui doivent être respectées et reflétées dans le cadre. Par exemple, encadrer une peinture de la Renaissance exige une approche différente de celle nécessaire pour une œuvre moderne ou contemporaine. Les choix de design, de couleur, de texture et même de technique de dorure doivent harmoniser l’œuvre avec son cadre. J’essaye toujours de créer un équilibre où le cadre et l’œuvre coexistent, chacun mettant en valeur l’autre.
Monde Economique: Le montage flottant est une technique intéressante. En quoi est-il particulièrement bénéfique pour certaines œuvres, et comment cela affecte-t-il la perception visuelle de l’œuvre ?
Marco Colucci: Le montage flottant est une technique d’encadrement que je trouve particulièrement bénéfique pour certaines œuvres d’art, en raison de sa capacité à préserver l’intégrité et à améliorer la présentation visuelle de l’œuvre. L’utilisation de charnières en papier japonais, qui ont un pH neutre, est un choix délibéré dans cette technique. Cette méthode de montage est idéale pour la conservation à long terme des œuvres, car elle réduit les risques d’acidité et de détérioration qui peuvent survenir avec d’autres matériaux. En outre, le montage flottant permet à l’œuvre de ‘respirer’, en assurant une circulation d’air adéquate autour de l’œuvre.
Sur le plan esthétique, le montage flottant offre une expérience visuelle unique et enrichissante. En suspendant l’œuvre d’art dans le cadre, sans couvrir les bords, cette technique permet une appréciation complète de l’œuvre dans son intégralité. Cette approche révèle la beauté esthétique et, dans certains cas, les imperfections de l’œuvre, offrant une lecture plus authentique et complète.
Monde Economique: Quel rôle joue le Ph neutre dans les matériaux que vous utilisez et pourquoi est-ce si important pour la conservation des œuvres d’art ?
Marco Colucci: L’utilisation de matériaux à pH neutre est fondamentale dans le processus d’encadrement, surtout pour les œuvres sur papier. Le pH neutre dans les matériaux de conservation signifie qu’ils sont exempts d’acidité, ce qui est crucial pour prévenir la détérioration des œuvres au fil du temps. L’acidité présente dans certains matériaux, en particulier ceux qui sont plus anciens ou de qualité inférieure, peut causer une dégradation significative de l’œuvre d’art, y compris le jaunissement, la fragilisation et la décoloration du papier. En choisissant des matériaux à pH neutre pour l’encadrement et le montage, je m’assure que l’intégrité de l’œuvre est maintenue, protégeant ainsi l’œuvre d’art contre les réactions chimiques nocives qui peuvent survenir avec le temps. Cela est particulièrement important pour les œuvres d’art de valeur historique ou celles qui sont destinées à être conservées pour de longues périodes.
Monde Economique: Votre fils vous a récemment rejoint et semble suivre vos pas. Ressentez-vous de la fierté de le voir trouver sa voie, ou êtes-vous soulagé de voir la relève assurée ?
Marco Colucci: Voir mon fils rejoindre mon atelier et suivre mes pas dans ce métier de l’encadrement d’œuvres d’art est une source de grande fierté pour moi. Cela représente bien plus qu’une simple transmission de compétences ; c’est le partage d’une passion, d’un héritage artistique et artisanal. C’est un plaisir de le voir développer son propre style et sa propre approche, tout en respectant les traditions et les normes élevées que j’ai établies au fil des années. Cela va au-delà de la simple fierté ; c’est le sentiment d’avoir réussi à transmettre un amour et un respect pour l’art qui m’a animé tout au long de ma carrière.
Interview réalisée en partenariat avec HARSCH HH
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