Photo © Sophie Spierer & Jeremy Spierer
A la tête de la société Aprotec, dont elle a repris le flambeau à la suite de son père en 2015, Anne-Sophie Dunand-Blaesi déborde d’énergie et de projets. Un travail acharné, un caractère enjoué et positif, ainsi qu’un style de management fondé sur l’écoute, l’ont conduite à renforcer la prospérité d’une entreprise fondée en 1958 par son grand-père.
Pétillante, lumineuse et débordante d’énergie. A même pas 40 ans, Anne-Sophie Dunand-Blaesi est, depuis 2015, à la tête d’Aprotec, une entreprise leader dans le domaine de l’éclairage de secours et de sécurité. Mais attention : basée à Carouge et forte de près de 80 employés, Aprotec n’est, pour elle, pas n’importe quelle entreprise. Son père avant-elle, l’a longtemps dirigée et son grand-père l’a fondée. C’est donc une entreprise familiale, avec toute la force de connotation que le mot famille peut avoir chez les Blaesi : les valeurs, un socle solide, la confiance, un tremplin aussi.
Pour Anne-Sophie, c’est en effet dans sa famille, qui l’a tant nourrie enfant, qu’elle a puisé cette incroyable et si communicative énergie, qu’elle qualifie volontiers de positive. « Nos parents nous ont inculquées à mes deux sœurs et moi, de nombreuses valeurs qui nous ont fondées, se souvient la jeune directrice. Le travail et le sport évidemment, mais aussi la curiosité de découvrir sans cesse de nouvelles choses, sans oublier le courage d’affronter l’échec quand il se présente ».
Le résultat, c’est qu’Aprotec, sous la houlette de « Blaesi fille », s’inscrit dans la continuité de ce que son grand-père et son père ont construit. Avec bien sûr des inflexions notables rendues nécessaires par l’évolution de l’époque, comme l’indispensable mise à jour de l’informatique de l’entreprise, ou alors liées à ses valeurs personnelles, comme un très fort engagement en faveur de la responsabilité sociale et environnementale. « Mon père s’impliquait déjà en ce sens même si on n’appelait pas encore cela comme ça, observe-t-elle. Mais j’ai imprimé une marque bien plus forte car je fais partie de cette génération très sensibilisée à cette question qui s’interroge sans cesse sur le monde qu’elle va laisser à ses enfants ».
Et puis, la « patte » d’Anne-Sophie Dunand-Blaesi, c’est surtout un style de management plus horizontal. Travaillant avec un comité de Direction, son bureau est toujours grand ouvert et il est loisible à tout collaborateur de venir y rapporter ses idées. « Je suis à l’écoute de mes équipes et les informations me remontent plus facilement, constate-t-elle. C’est un choix que j’ai fait d’emblée et que je ne regrette pas du tout même si, en plus des idées, de nombreux problèmes franchissent la porte de mon bureau. Mais c’est important pour moi car cela me permet de grandir avec mes équipes. »
Les équipes quant à elles, y trouvent également leur compte. « C’est en les impliquant dans le management de l’entreprise et en leur déléguant des responsabilités aussi, qu’elles parviennent à trouver du sens dans ce qu’elles font ».
Étonnamment, rien ne prédestinait la jeune directrice générale d’Aprotec, qui s’est longtemps adonnée au sport de haut niveau, ski et tennis, à reprendre les rênes de l’entreprise familiale. Elle étudie bien sûr, et obtient un bachelor en sciences économiques et sociales à l’Université de Genève. Mais c’est surtout le monde de la mode qui l’attire, une appétence qui la conduit à aller étudier à l’université de Milan, La Bocconi, où elle décroche un master « in fashion, experience and design management ». Nous sommes en 2011, et tout naturellement, elle engage une carrière dans ce milieu-là, d’abord dans le monde du luxe au sein du Groupe Richemont, puis chez Clarins, valeur sûre dans l’univers des cosmétiques. Ce monde lui plait, elle s’y sent bien et les défis n’y manquent pas.
Pourtant, lorsqu’un jour son père la « convoque » pour lui proposer de reprendre la direction d’Aprotec, elle n’hésite pas un instant. L’homme, méthodique et organisé comme à l’accoutumée, pense l’âge aidant, à organiser sa succession. « Cette proposition m’a honorée bien sûr, mais surtout surprise car je n’étais ni ingénieur, ni technicienne, et ne connaissais rien à ce monde-là. Mais comme mon caractère est de saisir les opportunités et de monter dans les wagons qui passent, je n’ai pas hésité, d’autant plus qu’il s’agissait de reprendre l’entreprise familiale, ce qui est autant un privilège qu’une responsabilité ».
Monter dans le wagon, mais pas n’importe comment. Alors durant deux ans, la future directrice s’adonne à une véritable « parcours découverte » au sein de l’entreprise dans le but de s’y familiariser avec tous les métiers. « Ces deux années ont beaucoup contribué à forger ma légitimité explique-t-elle. Elles m’ont permis d’aller à la rencontre des gens, découvrir et apprendre le métier ainsi que travailler pour faire ses preuves. »
La bascule a lieu en 2019-2020. La pandémie de covid se répand dans toute la planète et la survie de nombre d’entreprises se joue littéralement à ce-moment-là. Personne à risques comme toutes les personnes d’un certain âge, son père prend, au sens propre et au sens figuré, de la distance et la laisse seule aux commandes. « C’est là que j’ai senti que j’avais acquis toute ma place et ma légitimité, lance cette maman de deux jeunes enfants. Cela étant, covid ou pas, mon père toujours organisé, se serait retiré de toutes manières. Je pense d’ailleurs que c’est là que réside le succès de toute succession : que la génération d’avant sache laisser la place à la suivante ».
Et d’ajouter, soudain pensive : « C’est une grande preuve d’intelligence, et il faudra que je sois attentive à ne pas l’oublier quand j’y serai moi-même ».
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