Par Jeremy Vaccher*
L’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP) le 1er janvier 1985 marqua une étape décisive dans l’histoire de la prévoyance en Suisse. Le 2ème pilier visait à garantir, conjointement avec les prestations de l’Assurance Vieillesse et Survivants (AVS) et l’Assurance Invalidité (AI), un maintien adéquat du niveau de vie pour les retraités, les survivants et les invalides. Les revenus provenant des rentes de retraites devaient garantir le maintien d’environ 80% de son dernier salaire et un niveau adéquat de couvertures en cas d’invalidité ou suite à un décès.
La task force qui a travaillé et élaboré les rouages de la LPP à l’époque a effectué un travail remarquable. L’entrée en vigueur de la LPP était une réelle révolution, le fruit d’un travail de visionnaires qui a permis une nette amélioration des prestations pour les personnes assurées dès son introduction.
Vingt ans après son entrée en vigueur, la LPP a vécu en 2005 sa première et unique révision substantielle. Malgré cette révision, de nombreux paramètres fondamentaux de la prévoyance professionnelle restèrent inchangés jusqu’au jourd’hui. Une tentative visant à réduire le taux de conversion minimal légal fut rejetée par un vote populaire en 2010. Le projet ambitieux intitulé « Prévoyance vieillesse 2020 » qui envisageait une réforme globale du 1er et 2e pilier a également été refusé en votation populaire en septembre 2017.
La LPP ne répond plus aux objectifs fixés lors de son entrée en vigueur, à savoir le maintien du niveau de vie à la retraite, en cas d’invalidité ou à la suite d’un décès. En clair, à l’époque de nombreux scénarios avaient été pris en considération, mais on n’avait probablement pas prévu :
• La baisse des rendements des obligations sur le moyen et long terme
• Les taux négatifs de ces dernières années
• L’effondrement du franc suisse en 2011 jusqu’à ce jour
• Les corrections boursières des années 2000 et suiantes
• Les réserves additionnelles requises pour financer les rentiers qui vivent plus longtemps
• L’évolution démographique et l’immigration de ces dernières années (9 millions d’habitants à ce jour en Suisse)
• Le besoin en assainissement de certaines caisses de pensions
• L’évolution importante des coûts liés au logement, de l’électricité et des biens de consommation
Prévoir de fusionner deux réformes majeures en une seule proposition était certes ambitieux, mais cela s’est rapidement avéré être totalement irréalisable. Le Conseil fédéral a donc opté cette fois pour une approche segmentée, abordant séparément les défis démographiques et économiques qui pèsent sur les deux principaux piliers de la prévoyance vieillesse.
Cette réforme qui se veut claire et qui aborde des sujets essentiels sans se noyer dans des détails, devrait en tout cas permettre à notre belle “LPP“ de reprendre les flots en suivant un nouveau cap plus social, tenant compte d’une période transitoire bien réfléchie et ouvrant la porte à des possibilités de révisions plus rapprochées, probablement plus faciles à mettre en place.
Le projet vise à stabiliser le 2e pilier en se concentrant sur 5 éléments principaux :
La réduction du taux de conversion minimal obligatoire passe de 6,8 à 6,0 % en une seule fois. Ceci permet de faire face à l’augmentation de l’espérance de vie et de garantir le versement des rentes de retraite pendant un nombre plus important d’années.
La nouvelle déduction de coordination correspond à 20% du salaire AVS. Cette mesure contribue à l’amélioration du niveau des prestations LPP pour les revenus faibles à moyens, ainsi que pour les personnes travaillant à temps partiel.
Deux nivellements dans le futur (4 actuels). Les bonifications de vieillesse s’élèveront à 9% du salaire assuré pour la classe d’âge 25 – 44 ans et à 14% pour celle de 45 – 65 ans.
Un supplément de rentes est versé pendant une période transitoire dans les premières années suivant l’entrée en vigueur de la réforme, aux nouveaux retraités en fonction de leur année de naissance et de leur avoir de prévoyance.
L’abaissement du salaire annuel minimal assuré obligatoire à 19 845 francs (contre 22 050 francs aujourd’hui) permet d’assurer un plus grand nombre de personnes, en particulier les revenus plus faibles à temps partiel.
N’ayant subi qu’une unique adaptation significative depuis sa création en 1985, le système actuel de la LPP est largement dépassé. L’évolution rapide du paysage socio-économique exige maintenant des adaptations conséquentes, permettant de garantir la pérennité du versement des rentes de retraite de la LPP sur le long terme. À l’époque, nos dirigeants avaient fait preuve d’une vision audacieuse pour assurer un avenir serein aux retraités. Cependant, face aux défis actuels, la nouvelle réforme proposée reste timide, clairement insuffisante, surtout lorsqu’on la compare à des projets plus ambitieux présentés dans le passé comme « Prévoyance 2020 ». Néanmoins, cette première révision est nécessaire !
Après les déceptions des années précédentes et la recherche d’un consensus, il est évident que la Suisse, jadis à la pointe en matière de prévoyance, a perdu de sa superbe. Alors que dans les années 1980, des mesures drastiques ont été prises pour garantir le bien-être des retraités, aujourd’hui, le débat semble davantage centré sur de simples ajustements plutôt que sur une refonte en profondeur du système, de peur probablement d’un autre refus du peuple lors de cette prochaine votation.
La proposition législative ne prend que très peu en considération les nouvelles dynamiques familiales et sociétales, comme en témoigne le manque de prestations pour les couples mariés sans enfants en cas d’invalidité ou suite à un décès, il en va de même pour les personnes vivant ensemble hors mariage et sans enfants communs !
En tant que professionnel confronté tous les jours aux réactions de clients lorsque je leur présente leur analyse de prévoyance personnalisée, les lacunes en matière de retraite, d’invalidité (par maladie essentiellement) ou à la suite d’un décès, je suis convaincu qu’il faut agir maintenant.
Même si cette révision me semble insuffisante, elle représente une première étape cruciale dans l’adressage d’un sujet aussi vital. Il est d’ailleurs fort probable que cette approche progressive relève d’une stratégie permettant l’acceptation de cette révision de la LPP dans un premier temps et ensuite de permettre dans le futur, l’adoption de changements plus radicaux pour assurer sereinement l’avenir de la LPP.
Face à ces constats, il est impératif d’adopter une approche holistique et visionnaire, de repenser profondément le système, en tenant compte des réalités actuelles et futures, et de se montrer audacieux dans les solutions pour garantir un avenir serein aux générations futures.
Je reste volontiers à votre disposition si vous désirez échanger sur le sujet ou réaliser un bilan complet de votre situation financière afin de bénéficier de mes précieux conseils. Vous avez également la possibilité de nous rendre visite à notre bureau de Conseil à Châtel St-Denis. De plus, nous sommes prêts à nous déplacer dans toute la région de Fribourg et de la Riviera vaudoise pour vous offrir nos services de conseil.
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*à propos de l’auteur :
Jeremy Vaccher, Manager d’équipe pour FCG Cabinet de conseils – Châtel St-Denis