Par Gaël Rochat *
La dernière réforme de l’AVS soumise au peuple le 25 septembre 2022 entrera en vigueur le 1er janvier 2024. Cette dernière prévoit notamment l’augmentation du taux ordinaire de cotisation de la TVA de 0,4 point de pourcentage et l’augmentation de l’âge ordinaire de la retraite à 65 ans chez les femmes.
Cette réforme avait été acceptée de justesse en 2022, à l’instar du paquet prévoyance 2020 refusé par le peuple le 24 septembre 2017. Il est intéressant de remarquer que plus un paquet de réformes comporte de mesures, moins il a de chances de passer la rampe aux urnes. L’émotionnel et le jeu politique entrent en action. En effet, la probabilité qu’une seule des solutions déplaise et fasse capoter toute la réforme est grande. C’est vraisemblablement ce qui s’est passé en automne 2017 où la droite a pris en grippe un des points, soit l’augmentation de 70.- CHF de la rente AVS, une solution « arrosoir » selon le PLR et l’UDC. Ce constat ne fait pas avancer les dossiers.
Cette année, une fois de plus, les chambres fédérales se sont prononcées sur un nouveau paquet de réformes, dont la réforme LPP21 qu’ils ont approuvée le 17 mars 2023. Elle sera prochainement soumise au vote populaire.
Après 13 réformes sur l’AVS, LPP21 sera la 2ème réforme de la LPP qui verrait le jour si le peuple Suisse l’approuve en 2024, une LPP qui fêtera pourtant ses 40 bougies en 2025.
Il faut être clair, moins le système est mis à jour régulièrement, plus la marche à franchir sera haute pour maintenir le cap. De ce fait, il sera plus compliqué de faire accepter une nouvelle réforme. Le temps joue donc contre nous, une constatation qui s’est déjà confirmée lors de la dernière tentative de révision soumise au peuple qui fut rejetée en 2017.
Cette révision qui prévoit 5 adaptations majeures du système actuel est absolument nécessaire, en raison entre autres de l’augmentation de l’espérance de vie (en moyenne une année de plus tous les quatre ans), et de la proportion des salariés à temps partiel qui a fait un bond à 37 % en 2022 (25,4 % en 1991). On parle même de 57,9 % de femmes exerçant une activité à temps partiel en 2022.
Les changements proposés coulent de source mais ne sont probablement pas assez ambitieux. Ils n’amélioreront que marginalement les retraites, résoudront le problème que partiellement et surtout que provisoirement. Il faudrait donc voir cette réforme comme le début d’un processus constant de révisions et d’adaptations. Par exemple, les taux de cotisations progressifs (7 %/10 %/15 %/18 %) étaient clairement provisoires lors de l’entrée en vigueur de la loi en 1985 et n’ont plus de sens aujourd’hui. Cette situation, qui se voulait temporaire avec un taux de cotisation élevé pour les personnes n’ayant encore jamais cotisé et s’approchant de la retraite dure maintenant depuis 38 ans et il est difficile de voir une réelle volonté politique de redistribuer totalement les cartes.
La proposition de deux taux de cotisations (9 % de 25 à 44 ans et 14 % de 45 à 65 ans) ne suffira pas à combler les besoins à la retraite, même si cette proposition est déjà une avancée significative en direction d’un système plus équitable. Nos élus, souvent au bénéfice de conditions LPP sur-obligatoires, ne sont eux-mêmes pour la plupart pas concernés par ces problématiques et peinent à comprendre les réels enjeux qui touchent pourtant la plus grande partie de la population en Suisse.
La réforme permet une amélioration notable des prestations pour les revenus modestes et exerçant une ou plusieurs activités à temps partiel. Avec un capital retraite qui triplerait et permettrait un vrai maintien du niveau de vie pour ces personnes, on devrait se réjouir des conséquences de cette réforme.
Bien au contraire, la question de la diminution du salaire net en raison de l’augmentation des cotisations d’épargne LPP est au cœur des débats. Le salaire net diminuerait certes de quelques dizaines de francs par mois mais le pouvoir d’achat ne devrait cependant pas subir de baisse pour ces personnes, tenant compte des aides sociales et subsides qui seraient adaptés. Un petit sondage nous a permis de recueillir des réactions fort intéressantes. Une majorité accepterait une petite réduction du revenu net si en contrepartie elles pouvaient bénéficier d’un capital plus important à la retraite.
D’autres voies peuvent encore être étudiées pour compenser cette baisse de revenu, mais remettre en question toute la réforme LPP21 sans rechercher d’autres solutions serait un signal vraiment négatif de la part de nos responsables politiques !
On nous a répété à maintes reprises que nous avons le système de retraite le plus performant du monde et que les Etats-Unis comme bon nombre d’autres pays industrialisés, ont tenté de nous recopier. « Ça, c’était il y a 20 ans » expliquait l’économiste et spécialiste de la prévoyance OCDE Wouter De Tavernier au forum sur la prévoyance organisée par Le temps le 31 août dernier à l’IMD. La plupart des pays de l’OCDE (notamment les pays du nord) ont su prendre des tournants majeurs ces dernières années pour faire face aux changements sociétaux avec notamment des mécanismes d’ajustements automatiques actionnés en fonction de l’évolution de certains indicateurs.
Selon moi, les modifications proposées dans le cadre de cette réforme reflètent une réflexion approfondie et ouvrent la perspective d’améliorations significatives pour une grande majorité des travailleurs actif
Partie de zéro lors de son introduction en 1985, la mise en place du 2e pilier représentait à l’époque un sacrifice immense aussi bien du côté des employés que des employeurs et cela, sans mesures provisoires.
Aujourd’hui, l’état d’esprit a changé, une majorité de personnes ne sont plus prêtes à faire des concessions dans le but de rendre le système pérenne.
Nous nous sommes probablement reposés sur un « système ingénieux qui marchait ». C’est du moins ce qu’on a toujours entendu dire, sans vraiment comprendre dans le fond de quoi il s’agit et pourquoi il ne pourra plus fonctionner très longtemps sans être reformé. C’est peut-être le désavantage de la démocratie directe lorsque le peuple doit décider de lui-même de l’avenir des retraites ou du prochain avion de combat à acheter alors qu’il n’est nullement outillé pour faire ce genre de choix.
Ce sujet nécessiterait une véritable Task Force ou de l’usage d’un droit de nécessité du conseil fédéral, comme ce fut le cas pour gérer la pandémie de Covid19, pour sauver Crédit Suisse en ce début d’année, ou au début des années 1990 pour limiter les coûts et les primes des caisses maladie. Lorsqu’on sait que la prime moyenne en Suisse était de 128.- CHF en 1996 et qu’elle se situera à 359.50 par mois en 2024, de telles interventions directes plus fréquentes au plus haut niveau permettraient une prise de décision radicale pour résoudre un problème exigeant une action rapide.
Selon moi, les modifications proposées dans le cadre de cette réforme reflètent une réflexion approfondie et ouvrent la perspective d’améliorations significatives pour une grande majorité des travailleurs actifs.
Les résultats des prochaines votations populaires décideront du sort de cette réforme, mais une chose est indéniable : l’importance de la prévoyance personnelle individuelle ne doit pas être sous-estimée dans ce contexte en constante évolution et c’est vous qui en êtes le principal acteur.
Une planification professionnelle de sa retraite permet de s’assurer un futur financier stable le moment venu. Je suis disponible pour répondre à toutes vos questions financières au bureau de conseil de Morges, (re)faire un point de situation en matière de prévoyance, l’ajuster ou la compléter. Cela me permet de vous accompagner vers un avenir serein, en vous assurant une protection optimale pour votre famille et la réalisation de vos objectifs de retraite.
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* à propos de l’auteur
Gaël Rochat, Manager d’équipe pour FCG,
Cabinet de conseils – Morges