Les sociétés humaines invitent depuis très longtemps leurs membres à s’investir dans des valeurs et à les transmettre. Elles sont un élément essentiel de la culture et permettent de développer une identité commune. Elles sont également indispensables à la construction psychique de la personne, ainsi qu’a l’image que celle-ci veut donner d’elle dans la relation.

Les entreprises n’échappent pas à cette règle. Elles payent souvent à prix d’or des experts en communication et en lobbying pour véhiculer au travers de slogans les valeurs qu’elles voudraient que leurs prospects et leurs clients leur attribuent. Le but ici étant de se construire une image pertinente pour satisfaire leur enjeu principal, leur chiffre d’affaires. Elles s’offrent également les services de consultant pour façonner un « esprit d’équipe » dont le premier travail se fait en général sur ces fameuses valeurs, autour desquelles chacun pourra se reconnaitre et développer son sentiment d’appartenance.

Les valeurs s’énoncent sous la forme d’un mot. Mon étude réalisée auprès de dirigeants d’entreprises en fait ressortir un nombre important. Toutefois, certaines sont très présentes. Respect, Honnêteté, Humanité, Tradition, Loyauté, Travail.

Au premier abord, tout semble donc aller pour le mieux. Pour autant, des décalages importants apparaissent très rapidement. Et ses décalages sont la source de difficultés dans la relation, pour la personne, voir pour l’entreprise.

En premier lieu, même un œil non averti sera en mesure de constater que le mot peu avoir des significations finalement très différentes d’un individu, d’une société et d’une culture à l’autre.

Ensuite, lorsque l’on étudie plus en détail l’influence des valeurs sur l’organisation de la structure et les relations interpersonnelles dans l’entreprise, se cache souvent derrière un même discours des écarts de représentation important. Prenons par exemple la valeur travail et mettons là au regard d’un dirigeant, d’un cadre et d’un ouvrier. Posons-leur la question de savoir à quoi voit-on qu’elle est honorée. Il y a de fortes chances que les réponses divergent assez rapidement.

Enfin, et sans doute avez-vous pu le vérifier par vous-même, une dichotomie voit souvent le jour entre l’intension proclamée et les comportements mise en œuvre.

D’autre part, force est de constater que peu de personne ont conscience que leurs valeurs sont questionnées quotidiennement et que dans la plupart des cas, ce sont leurs enjeux qui emportent leur décision. Les exemples sont multiples pour qui sait observer. Pour illustration, il est aujourd’hui très fréquent de croiser des personnes proclamant respect et humanisme, et qui choisissent de ne donner aucune réponse, par peur de dire non, ou avec l’excuse du manque de temps, ou pire encore, qui font répondre par un robot. Or, se positionner dans une relation pour permettre à l’autre de le faire est un élément factuel de respect et de reconnaissance.

Car s’il est aisé, lorsque valeur et enjeux vont dans le même sens, d’honorer les slogans proclamés, c’est une toute autre paire de manche que de donner priorité à ses valeurs lorsqu’elles vont à l’encontre de ses intérêts. Respecter un client, ce n’est pas mettre en œuvre une valeur respect, c’est avant tout se donner toutes les chances d’obtenir sa propre satisfaction et de nourrir ses enjeux

La plupart du temps, les valeurs affichées sont auto proclamées et leur application rarement examinée à la lumière des comportements quotidiens. Même lorsqu’ un travail est réalisé dans l’entreprise à ce sujet, il l’est par une approche souvent très abstraite. Pour être pertinent, il est utile de partir du comportement pour voir qu’elle valeur est respectée ou pas, et le faire évoluer le cas échéant. Dans un 360, inutile de demander à vos fournisseurs comment ils perçoivent votre entreprise. Demandez leurs plutôt quelles incidences ont vos comportements de donneur d’ordre sur leur propre fonctionnement. Idem pour vos collaborateurs. Les leçons à tirer seront beaucoup plus utiles à qui veut travailler sur ses valeurs.