Photo Stepan C. Aepli © REYL
Par Stephan C. Aepli, Responsable des gérants de fortunes indépendants
Evoluant depuis 2023 sous le régime d’autorisation FINMA suite à l’entrée en force de LEFin et LSFin, les gérants de fortune indépendants (GFI) suisses bénéficient aujourd’hui de la reconnaissance législative qui était attendue depuis de nombreuses années. Cette nouvelle réalité offre de belles perspectives au métier de gérant de fortune indépendant.
Selon les plus récentes statistiques fournies par FINMA, la plupart des gestionnaires de fortune et trustees autorisés à ce jour sont des microentreprises constituées en sociétés anonymes employant moins de trois postes à plein temps. Le montant total de la fortune gérée par les 1’187 établissements autorisés au 31 décembre 2023 s’élevait à environ 216 milliards de francs. Un solde de près de 600 demandes d’autorisation restait à traiter à fin 2023, dont un certain nombre concernant des EAM de taille importante.
Du fait de nouvelles réglementations toujours plus exigeantes, les GFI ont vu leurs coûts fortement progresser en dix ans. Il en va de même du temps consacré aux tâches administratives Il en va de même du temps consacré aux tâches administratives.
De surcroît, plus d’un tiers des acteurs verront la nécessité de renouveler leurs propriétaires et cadres dirigeants dans les dix ans à venir. Cette chasse aux talents promet d’être féroce, sachant que les candidats sont courtisés à la fois par les structures de gestion de fortune indépendante et les acteurs bancaires.
Peu de GFI -et de banques- sont actuellement en mesure de saisir et de répondre pleinement aux attentes de la nouvelle génération de clients. Développer et tenir à jour une offre dédiée à cette nouvelle clientèle donnera du grain à moudre aux GFI, les poussant sans cesse à innover.
Enfin, il est une prochaine étape déterminante à franchir pour l’ensemble des GFI licenciés : le premier audit prudentiel FINMA. Selon les dispositions légales, la fréquence de cet audit est déterminée par le profil de risque assigné à chaque structure. Alors que cet obstacle sera franchi sans encombre par la grande majorité des GFI, il n’est pas impossible que les exigences de la FINMA, qui sont et resteront assurément élevées, incitent un certain nombre de GFI à questionner leur indépendance.
L’établissement d’une collaboration durable entre plusieurs GFI pourrait conduire à la mutualisation des fonctions de support (recherche financière, back-office, gestion des risques, compliance, gestion administrative des RH et salaires, outil informatique, IA et processus digitaux) par le biais de la création d’une société de services commune. Ceci permettrait un partage des charges et donc une optimisation des coûts pour chaque GFI actionnaire ou client de la structure.
La fusion avec un autre acteur peut constituer le moyen d’assurer la survie -moyennant renonciation à un certain degré d’autonomie- d’une société en mal de croissance ou peinant à faire face aux défis actuels. Une fusion doit permettre d’accéder à des compétences additionnelles, une organisation robuste, une offre de services complémentaires ainsi que des clientèles / marchés nouveaux.
Sachant que toute fusion reste éminemment complexe car avant tout fondée sur les relations humaines entre les nouveaux partenaires, le sang neuf apporté par le processus doit idéalement engendrer une culture nouvelle où les valeurs de chacun et les générations se mélangent. Pour une société comptant des gestionnaires plus âgés, l’arrivée de collègues plus jeunes permet de questionner le statu quo et normalement de favoriser l’innovation.
Les rapprochements entre GFI seront susceptibles d’accélérer la consolidation du secteur, qui reste à ce jour peu dynamique. Il n’est peut-être pas une question de mois, mais plutôt d’années avant de voir cette tendance se matérialiser. Les exigences toujours croissantes de la FINMA ne manqueront pas de pousser à la réflexion un certain nombre d’acteurs du métier. Cette évolution devrait concerner les GFI de toutes tailles puisque la problématique de la taille critique dans ce secteur demeure très difficile à quantifier, tant les modèles d’affaires sont variés.
En conclusion, le nouveau cadre réglementaire assied encore davantage le secteur de la gestion de fortune indépendante comme acteur incontournable de la place financière suisse. Il recèle en effet un potentiel de croissance appréciable de par la qualité de ses intervenants et la diversité de son offre basée sur une architecture véritablement ouverte.
Je crois fermement que les structures GFI continueront de se développer aux côtés de leurs partenaires bancaires, car leur modèle d’affaires est attractif et de nombreux acteurs font preuve d’une véritable capacité d’innovation.
Même si les défis à relever restent nombreux, les prochaines années devraient se montrer profitables pour les gérants de fortune indépendants suisses.
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