Crash de l’auto dans un monde en clash

9 octobre 2024

Crash de l’auto dans un monde en clash

Par Olivier de Berranger, CEO et co-CIO, La Financière de l’Echiquier

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Olivier de Berranger © LFDE

Stellantis – une galaxie de 14 marques comprenant Peugeot, Alfa Romeo, Chrysler ou Maserati – décroche en Bourse de 40% (au 3.10) depuis le début de l’année ! BMW, -19% ; Volkswagen, -12%. Hélas, ce ne sont pas des cas isolés : le secteur automobile européen dans son ensemble dévisse de 8%. Dans le même temps, l’indice généraliste MSCI Europe progresse de plus de 10%.

Quelque chose ne tourne donc pas rond dans l’auto européenne. Une chose ? A vrai dire, une myriade. En premier lieu, les ventes de voitures purement électriques déçoivent. Au lieu de progresser, elles régressent. Selon l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), les nouvelles immatriculations de ce type de véhicule en Europe ont décru fin août de 18% par rapport à l’an dernier. A cette date, les ventes d’automobiles totalement électriques ne représentaient en effet que 14,4% des ventes totales sur l’année, en nette baisse par rapport aux 21% sur la même période l’année passée. Il est vrai qu’à l’inverse, la part des hybrides non rechargeables progressaient. Mais leur empreinte carbone étant bien plus élevée, elles ne représentent pas a priori l’avenir de l’automobile. Force est donc de constater que pour le moment, les consommateurs renâclent à transitionner vers le tout-électrique. Les raisons sont nombreuses, qui freinent structurellement la marche à l’électrification : techniques (usure des batteries, réparabilité), financières (décote sur le marché secondaire, faiblesse des incitations fiscales) ou pratiques par exemple (facilité de la recharge).

En second lieu, les constructeurs automobiles ont été confrontés à une avalanche de difficultés qui sont autant de cas particuliers. Par exemple, la difficile gestion des stocks excédentaires américains pour Stellantis, ou le rappel d’1,5 million de véhicules pour des problèmes de freinage chez BMW, qui va peser sur les marges sur la fin de 2024. Ce type de problème n’est pas nécessairement dramatique s’il reste rare. Mais il peut conduire à s’interroger sur la qualité du management.

Troisièmement, la haute exigence des normes européennes d’émissions de CO2 fixées pour 2025 – sans même mentionner l’horizon tout-électrique fixé pour 2035 – crée la panique chez certains constructeurs, jusqu’à provoquer des duels fratricides. On a ainsi vu l’ACEA, présidée par le directeur général de Renault, défendre le report de ces normes à titre exceptionnel, au motif qu’elles seraient inapplicables à court terme, avant que C. Tavarès, patron de Stellantis, ne qualifie immédiatement cet appel de « surréaliste ». Dans ce climat sans visibilité, comment les entreprises peuvent-elles adopter des plans de production crédibles ? Comment les consommateurs, incertains sur l’application des normes, et donc sur la valeur future de leur véhicule, pourraient-ils avoir envie d’acheter ?

Enfin, le secteur se trouve être la victime de la lutte du régime chinois pour raviver sa croissance et son emprise industrielle mondiale. Confrontée à une croissance interne atone, mais produisant des voitures électriques rencontrant de beaux succès commerciaux, la machine industrielle chinoise a tout fait pour capturer des parts de marché européennes, aux dépens des constructeurs locaux. L’Europe vient de riposter en se donnant la possibilité d’imposer jusqu’à 45% de taxes à l’importation certains constructeurs considérés comme excessivement subventionnés par les Etats. Si la Chine est principalement visée, Tesla ne serait pas épargné. La défense s’organise ainsi mais elle joue une partie délicate puisque, comme le clame l’Allemagne, Pékin peut répondre par l’imposition de taxes sur les productions européennes, jouant à qui perd gagne.

Dans ce monde ultra compétitif qu’est l’automobile mondiale, l’avenir du secteur européen apparaît donc brouillé. La bonne nouvelle est que l’enjeu est désormais clairement identifié. C’est le premier pas vers une indispensable réinvention dont le secteur a fait maintes fois la preuve. Il y a tout donc lieu de croire qu’il le prouvera à nouveau. Le marché pourrait alors le récompenser. Mais le nécessaire bond en avant ne se fera pas en roue libre

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