Investissements étrangers en Suisse : sommes-nous prêts pour attirer les chinois ?

20 février 2018

Investissements étrangers en Suisse : sommes-nous prêts pour attirer les chinois ?

Des milliers de sociétés chinoises rêvent de devenir des leaders mondiaux dans leur domaine et l’intérêt de ces grands groupes pour la Suisse ne cesse de croître. En témoigne, l’augmentation ces dernières années des investissements chinois dans notre pays. Il est toutefois important de relevé que les acquisitions et les implantations chinoises qui sont rapportées par les medias ne sont en fait que la pointe de l’iceberg et cela pour au moins deux raisons.

D’une part, la grande majorité des acquisitions se réalisent dans une grande discrétion à tel point que les cadres et les employés ne sont souvent même pas informés que leur nouveau propriétaire est chinois ; cela est d’ailleurs tout à fait légal et le but de ce modus operandi est de ne pas déstabiliser les employés et les clients. D’autre part, la grande majorité des nouvelles filiales créées par des groupes chinois n’ont pas recours aux services gratuits des promotions économiques étatiques ; par conséquent, ces implantations chinoises ne sont pas incluses dans les statistiques officielles.

Si les investissements chinois en Suisse sont déjà assez importants, je suis persuadé qu’ils vont encore croître considérablement. Ma conviction est basée sur le fait que je reçois en moyenne une sollicitation par semaine d’un investisseur chinois désireux d’investir en Suisse ; toutefois, dans la grande majorité des cas, je me rends rapidement compte que les chances de réussite sont trop basses pour rentrer en matière. Très souvent, le « coupable », c’est le fossé culturel immense qui sépare la Chine et la Suisse.

En outre, les patrons chinois sont souvent très en amont dans leurs réflexions quant à un investissement en Suisse et ils hésitent fondamentalement entre une myriade d’options : cela représente à la fois un défi et une opportunité. Mais étant donné que de plus en plus de jeunes Chinois étudient en Occident, ce sera relativement facile pour eux d’investir avec succès en Europe et en Suisse et c’est notamment pour cette raison que je suis convaincu que les investissements chinois en Suisse sont appelés à croître d’une manière significative.

Pour attirer des investisseurs chinois et s’assurer qu’ils renouent avec le succès en Suisse, deux éléments clés sont la confiance et le respect mutuel et, naturellement, cela se bâtit sur la durée. A mon sens, un autre facteur clé de réussite est d’aimer sincèrement la Chine et les Chinois. En outre, il est bien sûr essentiel de très bien comprendre l’industrie des investisseurs, d’avoir une connaissance intime du monde des affaires en Suisse et de pouvoir compter sur un vaste réseau personnel.

Parmi les investissements chinois en Suisse, il y a bien sûr eu certains échecs dus en partie à des incompréhensions culturelles. Je pense notamment au départ de Bank of China et à celui d’Addax Petroleum (Groupe Sinopec). Par contre, il y a aussi eu un bon nombre de cas beaucoup plus reluisants. Je me réfère par exemple au neuchâtelois Miniclip, acquis en majorité par le géant technologique Tencent. Dans le cas de la méga-acquisition de Syngenta par ChemChina et sur la base de nombreuses rencontres avec les cadres supérieurs impliqués dans cette transaction, j’ai un bon feeling. Un autre exemple heureux que je connais bien depuis l’intérieur est celui de la société WayRay SA où je suis actionnaire et administrateur ; en janvier 2016, dans la cadre du Forum économique mondial à Davos, j’ai eu l’opportunité de rencontrer Jack Ma, le fondateur et Président exécutif d’Alibaba. Une année plus tard, ce dernier a réalisé un premier investissement de 15 millions de dollars dans WayRay. Avec Alibaba, non seulement, nous avons une compréhension et un respect mutuel profond mais, en outre, ce géant technologique chinois nous ont ouvert beaucoup de portes en Chine et surtout dans le reste du monde.

Philippe D. Monnier

A propos de l’auteur

Ancien consultant McKinsey à Zurich, Philippe D. Monnier a dirigé plusieurs organisations dont, le Greater Geneva Bern area (GGBa). Actuellement, parmi plusieurs activités, Monnier accompagne de nombreux investisseurs étrangers en Suisse et il siège au conseil d’administration de plusieurs organisations internationales.

 

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