CES PETITS PAYS QUI PRESIDENT A L’AGENDA POLITIQUE ET ECONOMIQUE DE L’EUROPE

26 février 2018

CES PETITS PAYS QUI PRESIDENT A L’AGENDA POLITIQUE ET ECONOMIQUE DE L’EUROPE

La Bulgarie, « présidente » de l’Union Européenne pour la première moitié de 2018.

Le principe de la présidence tournante que l’Union Européenne applique depuis 1958 est l’un des principes qui fondent la parité et l’égalité de traitement de ses Etats- membres. Chaque pays de l’UE, aussi petit et « périphérique » qu’il puisse être, peut accéder à la gouvernance suprême, une fois que son tour soit arrivé selon l’ordre de rotation effectuée à une période de six mois. Mais plus qu’un principe de parité, c’est presque un principe biblique qui s’est mis en pratique (sans qu’on l’ait expressément cherché) dès le 1 janvier de la Nouvelle 2018 : avec l’ascension de la Bulgarie à la tête de l’Union Européenne, c’est vraiment les derniers qui sont devenus les premiers !

En effet, l’une des dernières à intégrer l’UE (son adhésion remonte seulement à 2007), la Bulgarie, actuelle « présidente » de l’Europe, est aussi le pays le plus pauvre de tous les vingt-huit Etats- membres. Sans faire partie de la zone euro (pas plus que de l’espace Schengen), avec une économie plus que fragile et essentiellement agricole, le pays balkanique ex- communiste est désormais censé décider d’un agenda européen aux impératifs économiques bien prononcés et qui incluent ni plus ni moins la réforme de la gouvernance de l’euro, le budget pluriannuel de l’UE, la gestion financière du Brexit, les réformes bancaires, le problème des travailleurs détachés.

Quand les anciens « mauvais » deviennent « bons » et vice versa.

On est en effet en présence d’un paradoxe de taille : plus de vingt-cinq ans après la chute du Mur de Berlin et les premières demandes et pré-demandes d’adhésion, les « bons élèves » d’antan, comme la Pologne et la Hongrie, se sont mués en enfants terribles et en ados rebelles. En même temps, les anciens « mauvais» (économiquement parlant), tels la Bulgarie et la Roumanie, font aujourd’hui figure de chouchous des maîtres. Comment cela s’est-il fait, alors que l’économie des deux pays balkaniques continue d’être à la traîne ils peinent à sortir du cercle vicieux de la corruption ?

C’est qu’entre temps, dans le grand intervalle allant de 1990 à 2017, l’Union Européenne a imperceptiblement changé de vocation et d’orientation générales. Cette communauté de pays qui pendant des décennies a poursuivi une intégration à but essentiellement économique (l’ancienne Communauté économique européenne) s’est plus tard, avec son élargissement à l’Est, transformée en une vaste union d’impulsion avant tout politique. Par conséquent, ce sont les critères politiques qui ont pris le dessus dans l’évaluation du « comportement » d’un pays- membre. Nous utilisons le mot « comportement » car il va plutôt bien avec les termes scolastico- pédagogiques dont le jargon officiel se sert en parlant de l’Union européenne élargie et de ses « bons » et « mauvais » élèves. La situation avec les « élèves » s’est donc passablement inversée : ceux qui étaient « bons » sont aujourd’hui devenus « mauvais » puisque, s’étant effectivement mués en une sorte d’ados contestataires, ils refusent de suivre point par point la ligne politique tracée par Bruxelles, et surtout sa politique migratoire. Quant aux autres, les anciens « mauvais », devenus aujourd’hui élèves appliqués et diligents – et dont l’assiduité dans l’accomplissement des tâches institutionnelles est censée compenser les faibles résultats économiques – ils se sont gagnés les faveurs de Bruxelles et sont maintenant vus, à quelques réserves près, comme les « bons » et les « gentils » de l’Union.

Ces pays petits, pauvres et « ex » qui tendent à réussir leur présidence et traitent sans complexe des dossiers importants.

Ceci dit, l’expérience montre que les petits pays ayant jusqu’alors assumé la présidence de l’UE, et même ceux aux performances économiques médiocres, se sont plutôt honorablement acquittés de cette mission suprême. Le dernier en date exemple est celui de l’Estonie, pays ex-communiste et ex-soviétique qui, présidente du Conseil de l’UE dans les deux derniers trimestres de 2017, a été saluée d’avoir accompli sa tâche en faisant preuve d’autorité, d’énergie et d’esprit d’initiative. Donnant impulsion à de nouveaux projets, l’Estonie a en même temps activement contribué à la finalisation d’autres dossiers importants liés le plus souvent au numérique – ce numérique dont le petit pays balte est d’ailleurs assez friand.

Ce petit pays a également insisté pour un renforcement de la cybersécurité et pour une position plus ferme de l’Union Européenne sur le problème de la fiscalité des GAFA. C’est, d’autre part, sous la présidence estonienne et avec la voix du président français E. Macron qu’a été plus sérieusement soulevée la question des travailleurs détachés en Europe.

De la Baltique aux Balkans, de l’Estonie à la Bulgarie, la présidence mouvante de l’UE sera marquée par une certaine continuité : on retrouve le thème « estonien » de l’économie numérique parmi les quatre thèmes majeurs de la présidence bulgare, les trois autres étant le futur du travail en Europe, la possible intégration des Balkans occidentaux (le territoire de l’ex- Yougoslavie) et la sécurité en Europe.

 

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