Photo Stephen Jen © Eurizon
Par Stephen Jen, CEO d’Eurizon SLJ Capital
Avec 27 %, le poids de la Chine dans l’indice MSCI EM est nettement inférieur à sa capitalisation boursière (60 % du total des pays émergents) ou à son PIB (40 %) en pourcentage du total des pays émergents[1].
D’un point de vue théorique, la Chine n’est donc pas représentée à part entière dans l’indice des actions des pays émergents, mais dans la pratique, pour un investisseur en Europe ou aux États-Unis, étant donné les contraintes opérationnelles et de conformité pour investir dans des actions chinoises, la pondération actuelle de l’indice peut être trop élevée.
Une pondération élevée de l’indice sur un marché auquel les investisseurs n’ont pas accès pose le problème évident des erreurs de suivi. Il n’y a pas de solution claire à ce problème, jusqu’à ce que MSCI ajuste à la baisse la pondération de la Chine. Ce dilemme est particulièrement difficile à gérer lorsque les actions chinoises montent en flèche suite aux mesures de relance annoncées par le gouvernement, dont le calendrier est impossible à anticiper.
En ce qui nous concerne, nous pensons que Pékin a signalé très clairement fin 2024 que son seuil de tolérance à la faiblesse de l’économie et des prix des actions avait été dépassé et qu’il ferait ce qu’il faut pour éviter un scénario défavorable. Cela devrait rester pareil cette année, ce qui signifie plus de relance budgétaire et de nouvelles hausses ponctuelles des prix des actions chinoises en réponse à ces mesures attendues, comme en 2024. Le ratio cours/bénéfice en Chine est suffisamment bas et la croissance des bénéfices a été très faible l’année dernière. Il existe donc un potentiel de hausse des actions chinoises en 2025.
Comme mentionné précédemment, pour les fonds indiciels, il n’existe pas de moyen simple d’éviter les risques de marché lorsque l’indice est décalé par rapport aux contraintes pratiques. Pour les fonds non contraignants, il est bien sûr possible de désinvestir de la Chine et de surpondérer les autres grands marchés. Les investisseurs doivent comprendre qu’il s’agit d’une erreur de suivi opérationnel par rapport à un indice qui ne peut plus remplir sa fonction initiale.
Il existe des stratégies actives/non contraignantes qui sont libres de sortir la Chine de leur pondération. Concernant les obligations, on peut aussi privilégier les obligations en dollars émises par les pays émergents, afin d’éviter tout risque de change. Compte tenu du niveau élevé des taux d’intérêt dans les marchés développés, le coût d’opportunité serait relativement modeste. Une stratégie obligataire dans les pays émergents pourrait améliorer le rendement de 200 points de base par rapport à un portefeuille d’obligations souveraines européennes sans risque.
Cela dit, on ne pourra jamais éliminer totalement le « risque chinois », car tous les pays émergents et développés sont très exposés à l’économie chinoise, par le biais du commerce et de la demande chinoise en matières premières, etc. Comme les États-Unis, la Chine est tout simplement trop grande pour que les investisseurs puissent l’éviter complètement, que ce soit directement ou indirectement.
Les marchés émergents ne sont pas seulement une région du monde à croissance rapide (en 2025, nous prévoyons une croissance réelle de 4 % pour les pays émergents, mais seulement de 2 % pour les pays développés), ils sont aussi beaucoup moins endettés que les pays développés : 55 % du PIB de dette publique contre près de 110 %. L’endettement public devenant un risque pour les obligations, il est en réalité plus dangereux d’être exposé aux marchés développés qu’aux marchés émergents. Les récents épisodes du Royaume-Uni, de la France et des États-Unis nous rappellent les conséquences potentielles d’un endettement excessif.
En ce qui concerne les actions des pays émergents, la sélection des titres reste primordiale. La plupart des gens connaissent la surperformance des « Magnificent Seven » aux États-Unis, mais beaucoup ne savent peut-être pas que le premier quintile des actions des pays émergents, en termes de performance, a suivi le premier quintile des actions américaines. L’essentiel est de sélectionner les bonnes actions dans les pays émergents.
Le moteur clé des actions en général reste la croissance des bénéfices : plus la croissance des bénéfices est élevée, plus les profits futurs sont importants et plus la valeur actualisée nette de l’action est élevée. La croissance des bénéfices des pays émergents est supérieure à celle des actions européennes. Même si le ratio cours/bénéfices est identique à celui des actions européennes, les actions des pays émergents devraient être plus performantes en raison de la croissance des bénéfices.
Tout d’abord, les deux facteurs les plus importants pour les marchés émergents sont en général : la Fed et l’économie chinoise. La meilleure configuration pour les marchés émergents est une Fed accommodante (avec des taux d’intérêt américains bas) et une Chine forte. La pire configuration pour les marchés émergents est l’inverse : une banque centrale restrictive et une Chine faible, ce qui est précisément le cas aujourd’hui. Toutefois, nous ne nous attendons pas à ce que cette configuration persiste trop longtemps. Plus précisément, nous anticipons une poursuite du ralentissement de l’inflation aux États-Unis et un atterrissage de l’économie en douceur (enfin) au cours des prochains trimestres. Cela permettrait à la Fed de reprendre ses baisses de taux.
En parallèle, Pékin prendra probablement des mesures supplémentaires pour soutenir l’économie, ce qui devrait favoriser une reprise chinoise. En résumé, nous nous attendons à une amélioration des conditions externes pour les marchés émergents dans le courant de l’année.
Enfin, les politiques mises en place, notamment sous un mandat de Donald Trump 2.0, seront déterminantes. En ce qui concerne la politique budgétaire, il sera important d’assainir les finances publiques, comme l’a déclaré la Maison Blanche, mais le Congrès s’y opposera probablement. Un déficit budgétaire moins important pourrait conduire à une Fed accommodante et à une baisse des taux d’intérêt et de l’inflation : autant de bonnes nouvelles pour les marchés émergents.
L’autre politique clé concerne le commerce. Il n’est pas nécessaire de s’étendre sur ce point. Selon l’ampleur des mesures protectionnistes prises par l’administration Trump, nous pourrions ajuster nos positions sur les actions des marchés émergents (droits de douane faibles) par rapport aux obligations des marchés émergents (droits de douane élevés).
[1] Source : données Datastream
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