Photo © 3S Facility SA
Frank Blanpain – CEO & Administrateur du Groupe 3S Facility SA
À la tête du groupe 3S Facility SA, qui comprend des entreprises comme ProNet Services, La Romande d’Entretien et le Groupe Leatech, et qui emploie près de 1 000 collaborateurs répartis sur 6 succursales en Suisse romande, Frank Blanpain nous livre dans cette interview une analyse approfondie du marché du Facility Management (FM) en Suisse. Son expertise et sa vision stratégique nous éclairent sur les dynamiques régionales, les tendances de consolidation et les innovations technologiques qui transforment le paysage du FM. Rencontre.
Monde Economique: Pourriez-vous nous donner une vision globale du marché du Facility Management (FM) en Suisse, en particulier en ce qui concerne les différences entre la Suisse alémanique et la Suisse romande ?
Frank Blanpain : Le marché du Facility Management (FM) en Suisse présente des dynamiques distinctes selon les régions. Elles résident dans les facteurs démographiques, économiques, géographiques et culturels. En Suisse romande, les pressions démographiques et une économie plus centrale sur les services internationaux peuvent stimuler certains secteurs. Ces dernières années nous observons une croissance plus soutenue sur la Suisse Romande pour le marché du Facility Management que nous estimons à 5 % par an. Cette croissance est portée par de nouvelles constructions et des projets qui émergent en masse. Cependant, au-delà de ces opportunités organiques, nous observons aussi que de nombreux clients envisagent d’externaliser leurs services, principalement pour des raisons budgétaires. L’objectif étant de réduire leurs charges fixes en externalisant la gestion de leurs infrastructures à des experts. C’est là que nous intervenons avec notre groupe 3S Facility, qui dispose de marques fortes en Suisse romande depuis plus de 20 ans, capables de gérer des infrastructures dans divers secteurs comme le retail, la pharma, l’agroalimentaire, l’immobilier de bureaux, les immeubles d’habitation ou encore l’industrie.
Monde Economique: Quelles sont les grandes tendances actuelles dans le secteur du FM ? Assistons-nous à une consolidation du marché ou à des rachats ?
Frank Blanpain : La tendance est clairement à la consolidation. De nombreux acteurs locaux, souvent de petite taille, sont actuellement à vendre, car ils peinent à atteindre la taille critique nécessaire pour rester compétitifs. Dans un marché où les volumes sont essentiels pour assurer la rentabilité et offrir une expertise complète, les petites structures ont du mal à « survivre ». Elles ne peuvent pas couvrir l’ensemble des prestations demandées par les clients, ce qui les oblige à sous-traiter une partie de leurs services. Cette situation favorise les groupes, comme 3S Facility, qui disposent des ressources et des volumes nécessaires pour internaliser ces prestations et offrir des solutions globales.
Parallèlement à cette consolidation, le secteur du FM évolue vers une plus grande intégration des technologies et de la gestion des données. Les bâtiments connectés et la maintenance prédictive deviennent des axes majeurs de développement. Les grands acteurs investissent massivement dans des outils technologiques sophistiqués, comme des plateformes qui permettent aux clients de suivre les prestations techniques d’inspection et de maintenance en temps réel et obtenir une traçabilité complète des interventions. Ces innovations, qui nécessitent des investissements importants et une expertise pointue, sont difficilement accessibles aux petites structures. Ainsi, la consolidation du marché permet à de nouveaux acteurs de combiner proximité et innovation technologique. Une combinaison qui répond aux exigences croissantes des clients en matière d’efficacité, de transparence et de durabilité.
Monde Economique: Dans un marché aussi localisé, est-il pertinent d’avoir de grands acteurs ? Comment conciliez-vous la nécessité d’une structure importante avec la proximité requise par les clients ?
Frank Blanpain : Il est essentiel d’avoir des structures solides tout en maintenant une proximité avec les clients. Nos équipes opérationnelles sont locales, ce qui garantit une connaissance fine des besoins spécifiques de chaque région.
Ces implantations locales nous permettent de rester réactifs et de répondre rapidement aux demandes des clients, tout en cultivant une relation de confiance, élément clé dans un marché aussi personnalisé que celui de la Suisse. Cependant, la force d’un groupe comme le nôtre réside également dans notre capacité à investir dans des outils technologiques sophistiqués. Ainsi, nous combinons la puissance d’une grande structure avec la réactivité et la flexibilité d’une entreprise locale. Cette combinaison de force et de flexibilité nous positionne comme un acteur de référence dans le secteur du Facility Management en Suisse romande, capable de s’adapter aux besoins changeants du marché tout en restant proche de nos clients.
Monde Economique: Quels sont les principaux défis auxquels le secteur du FM est confronté aujourd’hui ?
Frank Blanpain : L’un des principaux défis auxquels le secteur du Facility Management (FM) est confronté aujourd’hui est selon moi, l’intégration d’un FM provider en amont des projets de construction. L’exploitation d’un bâtiment représente un coût important. Ces coûts sont fréquemment sous-estimés par les maîtres d’œuvre et les architectes lors de la conception. Cela peut mettre en difficulté les propriétaires une fois le bâtiment livré, car les budgets prévus ne correspondent pas toujours aux réalités opérationnelles.
Pour remédier à cela, nous militons pour une intégration plus en amont dans les projets, dès les phases d’études et de conception. L’expérience montre que lorsque nous sommes impliqués dès le début, nous pouvons optimiser l’efficacité des bâtiments et fournir des estimations précises des coûts d’exploitation.
Un autre défi majeur est l’adaptation aux nouvelles attentes des clients, notamment en matière de durabilité et de technologies innovantes. Les clients sont de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux et attendent des solutions qui réduisent l’impact carbone de leurs bâtiments. Par exemple, nous devons constamment arbitrer entre le remplacement ou la maintenance des installations techniques, en tenant compte à la fois des coûts financiers et de l’impact environnemental. De plus, l’intégration des bâtiments connectés et la collecte de données en temps réel pour la maintenance prédictive représentent une opportunité, mais aussi un défi technique et organisationnel. Pour y répondre, nous collaborons avec des startups et investissons dans des technologies de pointe. Ces innovations nous permettent d’anticiper les problèmes et d’optimiser les coûts, tout en répondant aux exigences croissantes de nos clients en matière de transparence et d’efficacité.
Monde Economique: La maintenance prédictive est un terme de plus en plus utilisé. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste et quels en sont les avantages pour les clients ?
Frank Blanpain : La maintenance prédictive repose sur deux aspects principaux : financier et environnemental. Sur le plan financier, nous aidons nos clients à optimiser leurs coûts en prolongeant la durée de vie des installations techniques tout en maintenant leur productivité. Nous proposons des plans A et B pour chaque situation, en évaluant s’il est préférable de remplacer ou de maintenir une installation. Sur le plan environnemental, nous prenons en compte l’impact carbone de nos interventions. Nous menons des réflexions approfondies avec nos clients pour faire les choix les plus opportuns, en tenant compte de l’efficacité des installations, des contraintes budgétaires et des politiques RSE.
Monde Economique: Quelles sont les perspectives d’avenir pour le secteur du FM, et comment votre groupe se positionne-t-il pour y répondre ?
Frank Blanpain : Nous nous concentrons de plus en plus sur l’interprétation des données collectées. La maintenance prédictive est un domaine en pleine expansion, et nous travaillons à améliorer nos capacités dans ce domaine. Nous collaborons avec des startups pour développer des solutions innovantes, comme le traitement et la mesure de la consommation d’eau, ou l’analyse en 3D des problèmes thermiques et hydriques des bâtiments. Nous utilisons également des drones pour cartographier les bâtiments en 3D, ce qui nous permet de réaliser des prédictions plus précises tout en limitant les coûts.
En ce qui concerne notre groupe, nous avons deux axes de développement. D’une part, nous visons une croissance organique d’au moins 10 % par an en élargissant notre offre multi-services et multi techniques chez de nouveaux clients sans oublier nos clients existants. D’autre part et dans la continuité de ce qui a été fait ces 6 dernières années, nous cherchons à internaliser des prestations que nous sous-traitons actuellement, en acquérant des PME locales spécialisées et complémentaires. Cela nous permet de renforcer notre proximité avec les clients, une valeur essentielle en Suisse, notamment dans les cantons Romands.
Dans cette optique, nous tenons à souligner l’importance du rôle clé joué par nos actionnaires : Weinberg Capital Partners (principal actionnaire) et DECALIA Capital. Leurs expertises complémentaires, leur engagement et leur soutien financier constituent des facteurs déterminants pour l’aboutissement de nos projets. Grâce à leur accompagnement, nous disposons des moyens pour déployer notre stratégie avec confiance, assurer la croissance durable de notre entreprise et relever les défis de notre secteur.
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