Sur le papier, la promesse est grande. Des collaborateurs qui s’organisent et se responsabilisent spontanément, une entreprise qui vogue de résultats en résultats vers ses objectifset ce, de manière quasi autonome et sans contrôle. Fantastique non ?
Pourquoi libérer l’entreprise ? Quels sont les prérequis pour se lancer dans une telle démarche ? Quel chemin prendre ? Avec le recul de quelques années sur cette route, je vous propose d’enpartager quelques clés.
La promesse
Par le mot « libéré », on entend communément, libéré du système hiérarchique et de son contrôle. L’entreprise libérée « libère la hiérarchie » d’un ensemble de décisions et libère les collaborateurs du poids de la hiérarchie. Ils co-décident de l’organisation, des objectifs et des moyens de vérifications. On substitue « contrôle » à « vérifications », le manager devient servant.
Le principe clé est que si la raison d’être de l’entreprise ainsi que ses objectifs sont profondément ancrés, il suffit que l’on insuffle une véritable confiance aux employés (en leur attribuant la responsabilité du résultat de leur travail en leur donnant la capacité de s’organiser librement), pour que la performance augmente ! Elle augmente grâce à une meilleure satisfaction générale et une plus grande intelligence collective pour répondre aux demandes du marché, doper sa capacité à s’améliorer et son agilité.
Cela fait sens et c’est complètement dans l’air du temps, raison pour laquelle de plus en plus de dirigeants sont séduits. Nous l’avons expérimenté ici, en Suisse romande, partage d’expérience :
Trouver le bon chemin
Mais voilà, si beaucoup d’entrepreneurs et de managers rêvent de cet état de grâce si bien vanté, rares sont encore ceux à avoir obtenu le plein succès sur la durée.
Tous les témoignages convergent sur le fait que lors de la mise en place, l’organisation est très fortement chahutée. Des défiances apparaissent et certains collaborateurs vont jusqu’à quitter l’entreprise, souvent par perte de repères. Le pré requis fondamental, c’est que la direction soit absolument convaincue et soudée face à cette vision, ce rêve. La moindre ambiguïté de la part de la direction va brouiller les signaux et créer de la confusion. Les collaborateurs auront difficulté à se positionner et chacun réagira selon son penchant, allant pour certains jusqu’à « jouer » avec ou sur cet état de confusion.
Il y a deux façons d’aborder ce changement :
Le grand saut, d’un coup ! C’est par exemple la méthode préférée en holacratie. On immerge l’équipe en quelques jours dans la philosophie, on transforme les modes de faire et on ancre les rituels. Le système est amorcé, la mayonnaise prend. Suivant la culture en place, le changement peut être énorme et la direction doit absolument garder son cap malgré les pas en arrière de certains qui ne s’y retrouvent pas ou plus.
La mise en place progressive. La mise en place se fait par ilots bien délimités, bien choisis. On expérimente, on apprend, on joue. Les leçons sont apprises, la dynamique se met en place, les obstacles sont adressés progressivement. Les bonnes pratiques produisent leurs effets et attirent l’attention, la fertilisation démarre. Le déploiement peut alors s’effectuer avec une certaine sérénité car les corrections sont itératives. Mais là aussi, la direction doit garder le cap car le système est alors fragile, ne produit pas tous ses effets et doit cohabiter avec d’autres modes de faire. Il y a risque de déviation.
Conclusion
La direction dans son ensemble doit d’abord être à l’aise avec cette notion de « libération » et cela doit être inscrit dans les valeurs les plus profondes de l’entreprise.
Dans l’entreprise libérée c’est le « pourquoi » qui est fondamental, le sens ! On dit souvent que ce qui compte, c’est l’objectif et non la façon d’y arriver. J’y mettrais un bémol. Il est à mon sens impératif de s’appuyer sur des mécanismes ayant fait leurs preuves. Il y a plusieurs approches possibles et différents systèmes plus ou moins intégristes. Cela va de la méthode agile à l’holacratie en passant par différents modes de gestion autonomisée.
C’est bien en fonction de l’ADN de l’entreprise, de la vision et de la conviction de sa direction en matière de libération, qu’il faut choisir le bon système d’organisation et son mode de mise en œuvre.
La décision d’adopter une transition plus ou moins rapide, ambitieuse, ou « brutale « doit être guidée par un élément clé : Ne laisser personne sur le bord de la route. Il y aura des départs certes, mais volontaires et non forcés.
La libération des entreprises correspond à une réelle attente sociétale. Elle séduit les managers séniors et fait vraiment sens auprès des jeunes générations. C’est en tout cas une voie saine pour pérenniser une croissance en développant des organisations intrinsèquement agiles.