Interview de Patricia Lemattre Stoeckel: « la demande pour des produits plus naturels, durables et éthiques ne cesse de croître »

29 avril 2025

Interview de Patricia Lemattre Stoeckel: « la demande pour des produits plus naturels, durables et éthiques ne cesse de croître »

Photo © PerfectHair

Patricia Lemattre Stoeckel, à la tête de PerfectHair.ch : une vision inspirante pour réinventer la beauté en ligne

Fille d’entrepreneur, femme accomplie et passionnée par le digital, l’e-commerce et la transformation technologique, Patricia Lemattre incarne le renouveau d’un secteur en pleine mutation. À 50 ans, elle prend la direction de PerfectHair.ch avec une ambition claire : révolutionner l’expérience de la beauté en ligne. Visionnaire, bâtisseuse et résolument tournée vers l’avenir, elle fédère les équipes autour d’une mission forte : faire de l’innovation et de l’inclusivité les moteurs d’un changement durable. « Le secteur de la beauté a toujours été une évidence pour moi, car il va bien au-delà de l’apparence : il touche à la confiance en soi, au bien-être et à l’innovation », confie-t-elle. Forte d’un parcours riche et ancré dans la transformation des organisations, elle voit dans cette nouvelle aventure l’opportunité de conjuguer expertise, vision stratégique et passion pour un univers en constante évolution.

Dans cet entretien, Patricia Lemattre Stoeckel nous livre sa lecture du marché, sa vision du futur de la beauté, et les leviers pour faire de PerfectHair.ch un acteur incontournable du secteur.

Monde Économique : Comment analysez-vous l’état actuel du marché de la beauté en ligne en Suisse, et quelles sont les dynamiques clés qui le façonnent ?

Patricia Lemattre : La Suisse incarne un paradoxe captivant dans le paysage du commerce en ligne. Alors que l’e-commerce global y progresse lentement (+3,5 %, soit 15 milliards de francs en 2024), le secteur de la beauté, lui, connaît une croissance effervescente de +7 %, révélatrice d’un bouleversement stratégique bien plus profond que la simple logistique ou la guerre des prix. Ce contraste témoigne de la montée en puissance de trois ruptures majeures que les acteurs du marché ne peuvent ignorer. De nouvelles attentes de nos clients ainsi que les avancées technologiques sont les piliers de ces évolutions. D’abord, la demande pour des produits plus naturels, durables et éthiques ne cesse de croître. Les consommateurs veulent des formulations respectueuses de leur peau et de l’environnement et le marché de la beauté entre dans une nouvelle ère : plus technique, plus transparente, plus exigeante. Ensuite, la digitalisation transforme profondément l’expérience client. L’essor du e-commerce, de l’intelligence artificielle et des outils de personnalisation mais aussi les réseaux sociaux  permettent de créer des expériences sur mesure Le consommateur devient schizophrène : attiré par la facilité des grandes plateformes comme Galaxus ou Zalando, il exige en parallèle dans le secteur de la beauté une expertise pointue et personnalisée. L’essor de TikTok Shop à l’échelle européenne – malgré son absence en Suisse – démontre que l’acte d’achat se déplace vers des espaces hybrides, où divertissement et consommation fusionnent. Enfin, l’inclusivité est un enjeu central. Les marques doivent répondre à une diversité croissante de besoins en proposant des gammes adaptées à toutes les carnations, tous les âges et tous les types de peau. La beauté n’a pas d’âge ni de genre.

Face à ce défi, chez PerfectHair.ch, nous avons opté pour une stratégie autour de l’excellence et de l’innovation pour développer et cultiver une expérience client personnalisée, proposant une gamme de produits et une expertise différenciante, mais aussi une stratégie multicanale avec, en support à notre site de vente en ligne perfecthair.ch, nos cinq salons et leurs équipes hautement professionnelles et une présence sur les principales marketplaces pour la visibilité et l’acquisition.

Monde Économique : Ces transformations créent-elles une segmentation entre jeunes consommateurs et clients plus traditionnels ?

Patricia Lemattre : Absolument. Nous assistons en effet à une polarisation profonde des comportements consommateurs qui reflète une fracture générationnelle bien plus complexe qu’une simple question d’âge. La Gen Z redéfinit les codes de la beauté, elle ne se contente pas de privilégier la découverte – elle exige une expérience d’achat immersive où le produit devient accessoire d’une narration sociale, comme en témoigne l’explosion des live-shopping sur TikTok. À l’inverse, les 50+ ne recherchent pas simplement de la stabilité, mais une véritable philosophie de consommation que nous avons baptisée le « slow beauty », où chaque produit incarne des valeurs de durabilité et de transparence : on change de regard sur le vieillissement et la véritable beauté se trouve ddans l’acceptation et le soin durable plutôt que seulement dans la correction Cette dichotomie apparente cache en réalité une opportunité stratégique majeure : chez PerfectHair.ch, nous avons compris que ces deux segments partagent une attente commune – l’authenticité. Pour les jeunes, elle se manifeste par des collaborations avec des influenceurs micro-nichés qui incarnent des valeurs réelles. Pour les plus âgés, elle passe par des formulations scientifiquement prouvées et une traçabilité irréprochable. Les produits dermatologiques sont d’ailleurs en plein essor car ils allient expertise et sécurité, ils séduisent un nouveau public en quête de confiance. Mais entre storytelling émotionnel et formulation scientifique, l’équilibre devient subtil.

Notre force chez PerfectHair réside dans cette capacité à parler un double langage : celui de l’instantanéité virale pour les uns, de la permanence qualitative pour les autres, tout en maintenant un fil rouge éthique et esthétique qui transcende les générations.

Monde Économique : Face aux géants comme Amazon ou Sephora, quelle est la stratégie de différenciation de PerfectHair.ch?

Patricia Lemattre : PerfectHair.ch n’est pas une simple plateforme de vente de produits de beauté : c’est un écosystème hybride et stratégique, où se croisent profondeur d’offre, expertise humaine et intelligence technologique. Avec 50 000 produits issus de 1 000 marques, nous ne nous contentons pas de répondre à la demande : nous la devançons, en cultivant une curation exigeante et évolutive. Nos cinq salons en Suisse, animés par une équipe de 100+ collaborateurs, incarnent cette volonté de lier digital et physique, algorithme et conseil humain. Dans un contexte de marché tendu, où les règles du jeu sont en perpétuelle redéfinition, notre croissance à deux chiffres nrelève d’un choix stratégique : celui de bâtir un modèle fluide, agile et centré sur la valeur relationnelle. PerfectHair.ch n’est donc pas un acteur parmi d’autres, mais un catalyseur de transformation dans l’univers de la beauté en Suisse.

Monde Économique : Amazon vient d’ouvrir un concept store beauté en Italie, combinant IA et physique. Comment anticipez-vous cette concurrence en Suisse ?

Patricia Lemattre : L’arrivée d’Amazon sur le terrain européen de la beauté physique représente en effet un tournant stratégique qui confirme ce que nous anticipons depuis plusieurs années : la convergence entre retail digital et expérience sensorielle. Cependant, cette menace apparente révèle surtout la vulnérabilité des modèles intermédiaires – ceux qui ne maîtrisent ni l’hyper-personnalisation technologique des géants, ni l’authenticité relationnelle des spécialistes locaux.

Notre réponse s’articule autour d’un repositionnement radical de la valeur client. Là où Amazon mise sur l’efficacité algorithmique de ses Dermabars, nous cultivons ce que j’appelle « l’expertise incarnée » : nos conseillers beauté, formés dans nos salons flagships, opèrent une synthèse unique entre savoir-faire artisanal et outils technologiques. Cette hybridation humaine permet d’offrir ce qu’aucune machine ne peut reproduire : une compréhension intuitive des attentes non formulées du client. PerfectHair.ch ne cherche pas à rivaliser sur le terrain de l’innovation pure, mais à redéfinir les règles du jeu en positionnant l’expertise humaine augmentée comme le nouveau standard de luxe accessible. C’est cette vision, bien plus que des tactiques défensives, qui constitue notre meilleure assurance contre la domination des plateformes globales.

Monde Économique : L’IA est aujourd’hui partout. Comment vous assurez-vous qu’elle reste un levier d’humanité plutôt qu’un outil de standardisation froide ?


Patricia Lemattre : C’est précisément là que se joue la différence. Nous ne croyons pas en une IA qui remplace, mais en une IA qui révèle. Les GAFA s’en servent pour industrialiser la relation client. Nous, nous l’utilisons pour l’individualiser. Nos algorithmes ne se contentent pas de recommander des produits : ils s’inspirent de nos interactions en salon pour enrichir la connaissance client et recréer une chaleur, une intuition, une pertinence que l’automatisation brute est incapable d’atteindre. Nous parlons de « technologie sensible » – une technologie qui comprend sans devancer, qui suggère sans imposer, qui assiste sans effacer l’humain. Ce positionnement est notre meilleure réponse face à des initiatives comme les Dermabars automatisés d’Amazon en Italie.

Monde Économique : Votre mouvement « Beauté sans limites » remet en question les standards traditionnels et invite à une redéfinition inclusive de la beauté. En quoi cette démarche dépasse-t-elle la communication de marque pour devenir un véritable levier d’engagement sociétal et de fidélisation ?

Patricia Lemattre : Le mouvement « Beauté sans limites » incarne bien plus qu’une campagne marketing – c’est le manifeste philosophique de notre raison d’être. Ces chiffres alarmants (seulement 2 à 5% des Suisses se sentent beaux) révèlent une fracture bien plus profonde qu’un simple manque de confiance en soi : ils témoignent de l’échec collectif d’une industrie beauté obsédée par des standards inatteignables.

Avec « Beauté sans limites », nous appelons à plus de confiance en soi et d’amour-propre, à être fier de chacune de ses caractéristiques extérieures, car ce sont précisément elles qui rendent une personne intéressante. Notre objectif ultime est une transformation intérieure, une libération des carcans mentaux qui limitent notre perception de la beauté. Dans cette optique, la richesse de notre offre de produits professionnels et notre expertise ne sont pas des outils pour conformer à des normes, mais des leviers d’émancipation. Ils visent à accompagner chaque individu dans la découverte et la valorisation de sa propre esthétique, à lui offrir les moyens de se sentir bien et confiant dans l’expression unique de sa beauté. Si notre vaste sélection et nos conseils contribuent à ce que chacun se reconnaisse et s’apprécie tel qu’il est, alors notre mission « Beauté sans limites » aura véritablement porté ses fruits. Plus que jamais, les mots de Stendhal résonnent : « la beauté est une promesse de bonheur ».

Monde Économique : Quelles perspectives voyez-vous pour PerfectHair.ch dans les prochaines années ?

Patricia Lemattre : Nous n’envisageons pas l’avenir en termes de domination, mais d’évolution continue. Le vrai luxe, aujourd’hui, c’est l’adaptabilité sans perte de sens. Nous voulons être là où se créent les nouvelles attentes, sans jamais perdre de vue notre boussole : créer des contextes de transformation pour nos clients. Cela passe par une vision holistique, où l’excellence de l’expérience client, l’intelligence émotionnelle et la fluidité technologique se répondent. Nous n’avons pas l’ambition de devenir une multinationale impersonnelle. Notre ambition, c’est de devenir la référence d’une beauté inspirante, accessible, incarnée, durable. Et ça, c’est un projet qui ne se mesure pas seulement en chiffres, mais en confiance. Et nous partageons cette ambition avec l’ensemble de nos collaborateurs et clients.

Retrouvez l’ensemble de nos Interviews

 

Recommandé pour vous