Travail et mal-être

11 mars 2020

Travail et mal-être

Les problèmes de santé mentale se banalisent et touchent de plus en plus de salariés, selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui cible les 34 pays membres actuels.

Un rapport intéressant à plus d’un titre, puisqu’il met en lumière un sujet tabou dans la société : la coexistence des maladies mentales et du travail. Celles-ci semblent donc toucher un grand nombre de travailleurs (20% d’entre eux dans les pays de l’OCDE), tout en restant des phénomènes impalpables. La difficulté majeure tient à la compréhension de ces troubles, à leur classification. Les liens entre maladie mentale et travail sont ainsi parcellaires ou incomplets, admet le rapport.

Que démontre ce rapport ?

Tout d’abord, les maladies mentales graves sont relativement rares. Les cas les plus récurrents rencontrés sont la dépression et l’anxiété, dont il faut pourtant relever la gravité. Les troubles pouvant déjà exister chez un individu durant l’adolescence sont susceptibles de s’étendre avec les années, et les signes handicapant n’apparaître que plus tard, alors que l’individu exerce déjà une activité.

Le rapport prône ainsi la mise en place de politiques publiques destinées à prévenir ces symptômes, afin qu’ils ne deviennent pas trop nuisibles pour le travailleur et dans une moindre mesure pour son employeur, qui ne sait pas forcément comment réagir et dont le premier réflexe pourrait être le licenciement de son employé. L’OCDE déplore ainsi que de tels troubles ne puissent pas être détectés dès l’adolescence. Les maladies mentales peuvent en effet entraîner une incapacité à conserver durablement une activité, un abandon partiel de cette activité donc de l’absentéisme.

Néanmoins, dans la plupart des cas, le travailleur parvient à poursuivre son activité mais pour quel prix personnel, puisqu’il ne se sent pas épanoui et n’ose pas avouer sa difficulté. Il ne souhaite souvent pas s’éloigner de son environnement professionnel, ce qui est compréhensible, préfère ne pas utiliser son droit aux congés alors que son efficacité et son rendement chutent.

Des coûts pour la société

Pour une assemblée consultative comme l’OCDE, qui doit superviser et conseiller les Etats en matière de stratégies ou de plans économiques, la question n’est pas la maladie mentale en tant que telle – l’OCDE n’est pas encore un organisme de santé publique – mais la pression exercée par la maladie mentale sur la productivité économique. Le rapport déplore les conséquences occasionnées par les troubles mentaux sur l’effort de productivité des Etats les plus riches. Ces maladies représentent l’équivalent de 3 à 4% du PIB moyen d’un Etat au sein de l’Union européenne.

Quel rôle joue le mobbing ?

Seule donnée que l’OCDE semble à peine aborder, ou ne pas exploiter suffisamment, l’accentuation des problèmes mentaux dans le milieu du travail due à la pression exercée par l’employeur, et, dans une perspective beaucoup plus large, à un marché sous tension.

Dans un marché européen en crise, qui souffre d’immobilisme, il n’existe plus de marge à l’erreur. Il faut trouver un emploi coût que coûte, et il devient interdit de laisser tomber un emploi qui, dans d’autres circonstances, nous aurait déplu. De nombreux actifs exercent de petits emplois à contrecœur à défaut de trouver l’emploi de leur rêve. D’autres emplois plus valorisants, censés traduire une certaine réussite professionnelle, sont des sources de stress et de dépression. Les nombreux cas de suicides survenus au sein de multinationales ces dernières années (citons Renault ou France Télécom) nous alertent sur l’augmentation du mal-être au travail comme une caractéristique étrange de notre époque. Les pratiques de mobbing y sont pour quelque chose.

Une longue période d’inactivité peut considérablement détériorer le lien de l’individu avec la société. Isolé, rejeté d’un mouvement économique qui semble se dérouler sans lui et dont il a le sentiment de ne plus faire partie, le travail devient un facteur d’exclusion au lieu d’être, comme le prône pourtant l’OCDE, un facteur d’épanouissement.

 

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