Gérer les changements dans l’entreprise. Par Susanne Zimmermann

29 avril 2012

Gérer les changements dans l’entreprise. Par Susanne Zimmermann

Dans mon précédent article, il m’avait semblé important de rappeler qu’une communication privilégiant les valeurs pouvait libérer un potentiel insoupçonné chez les collaborateurs. Et ce sont précisément ces « ressources »-là dont nous avons besoin sur le marché actuel, si volatile. Ces dernières années, on a abondamment écrit sur le management du changement. Je préfère donc vous parler ici d’une expérience vécue et vous raconter comment un processus de changement apparemment impossible à réaliser a pu être mené à bien.

En 2005, j’ai eu l’occasion d’assister une entreprise familiale suisse-allemande tout au long de son intégration au sein d’un groupe actif au niveau international basé en France. Cela entraînait pour ce leader du marché suisse (à l’époque) une transformation radicale sur tous les plans. Les éléments à prendre en considération étaient nombreux : une direction centralisée en France, des changements considérables au niveau de l’organisation, des processus et de la structure, et une appréhension très différente des valeurs et de la culture d’entreprise.

En ce qui me concerne, j’étais chargée de la mise en place d’une nouvelle stratégie de vente. Les collaborateurs du service externe passèrent du statut de « conseillers » à celui de « vendeurs », les aires de vente furent réduites et l’effectif des collaborateurs fut renforcé. Le plus grand défi fut de retirer aux collaborateurs du service externe ce qui était à leurs yeux leur instrument de travail le plus précieux : leur PC, et de leur faire admettre qu’ils recevraient désormais chaque mois chez eux, à la maison (!), un carton plein de papiers avec les données clients … Arrivés à ce point de l’histoire, vous vous dites certainement : « ça, c’est impossible à faire passer ! »

Il est vrai que, sur le moment, cela nous était également apparu, à nous autres cadres, comme « mission impossible ». Mais nous savions aussi que les conditions, fixées d’avance, étaient contraignantes et que nous ne pouvions pas les modifier. Nous avons donc concentré notre énergie commune sur le « comment » du changement.

Les procédures mises en place à l’époque

– Organisation ciblée de « workshops » avec des thèmes centrés sur le changement : le rapport aux changements sur le plan pratique et relationnel, la prise de conscience et l’implication personnelle, la dissolution des émotions négatives, l’aménagement d’un « espace » suffisant pour la réflexion et l’analyse.

– Une communication claire et loyale, exposant honnêtement les intérêts du changement et ses conséquences.

– Accorder toute son importance au « sens des choses » lorsqu’on transmet l’histoire de la firme et la culture d’entreprise de la nouvelle propriétaire aux collaborateurs. Ces derniers sont ainsi passés du statut de personnes « concernées » à celui de collaborateurs « impliqués ».

– Participation active des collaborateurs à la mise en œuvre des changements, ce qui permet de surmonter les résistances et les peurs.

– Présence affirmée et implication permanente des cadres pendant toute la période de changement.

– Introduction des nouveautés par étapes, en prévoyant à chaque fois un temps d’assimilation.

Et le résultat ?

Eh bien, ce fut une « success story » ! Nous parvînmes à conserver les postes de la plupart des collaborateurs du service de vente. Pour certains autres, des possibilités se présentèrent dans le cadre des nouvelles structures. Et le plus important : les clients conservèrent leur confiance à l’entreprise et lui demeurèrent fidèles.

Ce qui a été particulièrement « payant », c’est le fait que la direction se soit investie pendant des dizaines d’années dans le but d’édifier de solides relations avec les clients. Ces derniers ont été les partenaires privilégiés à tous les stades du développement de l’entreprise. Un autre facteur de succès a été constitué par l’histoire de l’entreprise familiale et son attachement à ses valeurs, qui étaient fortement ancrées au sein de l’entreprise. Le client avec ses besoins a toujours été au centre des préoccupations, de même qu’une volonté affirmée de promouvoir les innovations, tant au niveau des produits que des services.

Après cette phase d’intégration, la nouvelle entreprise a connu une croissance continue et elle poursuit ses activités avec succès. L’équipe de direction et les cadres ont joué et jouent encore un rôle-clé dans cette « success story ». Nous avons appris que dans un système de direction centralisé, la tâche de la direction au quotidien était certes exigeante, mais que, s’agissant de nouvelles conditions de direction, elle pouvait également être passionnante et stimulante.

Cela vaut la peine de jeter des ponts entre les différentes langues et cultures ! Il faut aussi avoir le courage de dire « non » et se créer ainsi des marges de manœuvre. Il aurait été plus facile de se retrancher derrière les conditions imposées : « C’est la France qui veut ça ». Mais une telle attitude ne constitue pas une solution à moyen et à long terme, et mine la crédibilité de la direction en place. Le refus des solutions de facilité fait que les valeurs profondément ancrées dans l’entreprise peuvent continuer à être mises en pratique et vécues de façon authentique. L’être humain garde sa place au cœur du processus et les participants ont toujours un véritable rôle à jouer.

Thème de réflexion : Qui veut ériger de hautes tours doit consacrer du temps aux fondations.

Je vous souhaite d’avoir des fondations solides, la capacité de résistance nécessaire et une magnifique vue panoramique depuis votre impressionnante tour personnelle ! Le prochain article traitera de la problématique qui fait suite à celle-ci : « La gestion des changements personnels »

Susanne Zimmermann, Consultante chez Le Monde Economique et Directrice du cabinet CTC

 

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