Pierre-Yves Maillard, Président du Conseil d’Etat vaudois. Homme dynamique, convaincu et convainquant. Il est même surnommé par certaines élites politiques, par jalousie ou par agacement, « der König ». Ses convictions et son énergie le portent souvent à gagner ses combats. Souvent mais pas toujours. Il lui en reste un à gagner qui pourrait bien être son apogée ou le combat qui le fera vaciller. N’hésitant pas à fustiger le système d’assurance-maladie et ses acteurs à chaque occasion, Pierre-Yves Maillard, der König, est en campagne permanente depuis plusieurs années pour une caisse-maladie publique.
Que dis-je campagne, le terme croisade est de rigueur ! Cependant, le sujet est délicat. En effet, les citoyens suisses s’expriment régulièrement dans des sondages ou par le biais de votations. Le dernier sondage présente des chiffres impressionnants en faveur des assureurs. Pas moins de 63 % de la population se dit très satisfaite du système actuel. De plus, la votation sur le Managed-Care laisse penser que le peuple ne souhaite pas de réforme drastique.
Dans notre système, la qualité des soins atteint un très haut niveau sur le plan mondial, les prestations sont quasiment inégalées, le service des assureurs est très bon et le contrôle des factures permet d’économiser environ 2 milliards de CHF par année. Seul bémol, les hausses programmées et récurrentes des primes. Il convient donc de trouver des solutions à ce problème précis.
Pour mieux comprendre ce phénomène, il convient d’analyser simultanément la hausse des coûts de la santé, la fluctuation du taux de réserve et de confronter ces chiffres aux augmentations de primes. La réalité est que, depuis des années, les primes encaissées sont inférieures aux dépenses. Il en résulte que les assureurs puisent dans leurs réserves qui sont aujourd’hui aux environs de 15% – presque le minimum pour assurer la solvabilité du système. En simplifiant ou omettant de considérer ce qui fonctionne correctement, le Mouvement des Familles et une Gauche combattante ont lancé à plusieurs reprises dans l’arène politique, le thème délicat d’une caisse maladie publique. Ce combat dogmatique pour solutionner la question de l’assurance-maladie et instaurer une solution « simple et équitable » remet tout le système en question et ne traite pas du vrai problème : l’augmentation des coûts de la santé ! Pire encore, pourquoi les initiants demandent le changement d’un marché concurrentiel vers un marché monopolistique. Cela n’est pas nécessaire et péjorera le système.
Avec tout le respect que je dois à Monsieur le Président du Conseil d’Etat vaudois, Pierre-Yves Maillard, je me permets aujourd’hui de lui demander pourquoi l’Etat, si efficace et efficient, n’a pas créé sa propre caisse-maladie ? Selon les dires, elle permettrait aux assurés de profiter d’une caisse-maladie moins chère et surtout d’une caisse qui ne vole pas l’argent des assurés. Pourquoi n’existe-t-elle pas encore ? Il est clair que faire fonctionner une entreprise dans un marché monopolistique paraît évidemment plus facile. La concurrence fait-elle peur ? La taille du marché est-elle trop petite ? L’Etat ne peut-il simplement pas concurrencer le secteur privé? L’Etat n’arrivera-t-il pas à avoir des frais administratifs aussi bas que celui des assureurs (5-6%) ? Est-ce ici des éléments de réponses ? J’espère que non.
En lieu et place d’arguer que le système serait bien mieux géré, plus équitable et meilleur marché avec une caisse unique, il serait bienvenu de lâcher quelque peu les dogmes et espérer que certaines mesures présentées au Parlement pour renforcer la surveillance des caisses seront acceptées. Permettre une régulation légère mais efficace représente l’unique solution crédible pour améliorer le fonctionnement de l’assurance-maladie. Tout comme la réduction du catalogue de prestations, davantage de responsabilité individuelle et une amélioration de la coordination des soins sont les seuls moyens de réduire les coûts de la santé.
Stoppons le populisme malsain et ouvrons donc des caisses cantonales dans le système actuel de concurrence. Nous comprendrons rapidement ou se situent les limites de l’Etat…
Arnaud Schaller collabore avec le magazine Le Monde Economique en qualité de chroniqueur et expert sur les thématiques liées à la politique de santé.