Des pièges de la communication

25 septembre 2012

Des pièges de la communication

Si la communication est le ciment de nos sociétés, aujourd’hui démultipliée à l’infini grâce aux nouvelles technologies, elle est aussi le terreau de toutes les mécompréhensions, dissensions et conflits. Autrement dit, bien communiquer au sein d’une entreprise revêt un enjeu de première importance. Bien que beaucoup de choses ont été dites sur les meilleurs moyens de communiquer (colloque, information personnelle, messagerie, panneau d’affichage…), il est utile de se rappeler ici les mécanismes à l’œuvre[1].

Prenons une situation simple : Telle cheffe d’équipe entre dans le bureau de son collaborateur et lui dit : « Il me faut ce dossier dans le plus brefs délais. ». Nous avons ici une personne qui émet un ordre ; en l’occurrence, de part sa fonction, elle sera vraisemblablement identifiée par son collaborateur comme ayant le droit de le donner. Sa présence physique dans le bureau va permettre à ce dernier d’estimer aux intonations et à la physionomie de sa cheffe, le degré d’urgence de sa demande. Il va pouvoir réagir en fonction de sa perception de la situation en demandant des précisions; précisions que sa supérieure pourra lui donner, et, après négociation, ils parviendront à une compréhension commune de ce qui doit être fait pour que le dossier lui soit transmis dans les plus brefs délais.

Cette situation nous rappelle que la communication concerne deux personnes qui interagissent dans un cadre donné à partir de leur contexte respectif avec un langage qui leur est propre. Message, contexte et contact sont donc trois facteurs essentiels sur lesquels peuvent venir se greffer bien des malentendus.

Le message se doit d’être le plus clair possible. Il le sera s’il est formulé dans un langage compréhensible à celui qui le reçoit (attention aux jargons, termes techniques ou liés à la culture d’entreprise) et s’il contient tous les éléments factuels nécessaires à sa compréhension : quoi, quand, qui, où, comment… Moins le message est précis, plus il exigera d’échanges pour éclaircir les zones d’ombre. Ainsi l’information « dans les plus brefs délais » transmise dans le cas ci-dessus nécessitera au moins deux précisions : quelle est la notion de plus bref délais de la supérieure et dans quels délais ce dossier peut-il être réalistement transmis.

Le contexte à partir duquel la supérieure émet son message lui est de toute évidence connu : elle sait de quel dossier elle a besoin, pourquoi elle en a besoin et pourquoi elle s’adresse pour cela à ce collaborateur en particulier. Les choses ne sont à priori pas si simples pour le collaborateur en question qui reçoit le message dans un contexte qui est le sien, fait des multiples tâches qu’il a en cours et de ses propres priorités. S’il travaille en étroite collaboration avec sa supérieure, il comprendra rapidement de quoi parle celle-ci, pourquoi elle lui en parle et pourra se mettre au diapason ; si telle n’est pas le cas, il se sentira peut-être agacé par cette intrusion et non respecté face à la quantité de travail qu’il gère déjà. Il est de toute évidence utile pour celui qui transmet le message, s’il désire que celui qui le reçoit comprenne son importance, de spécifier son contexte en lui donnant un sens.

Le contact s’appuie sur des aspects émotionnels et de rôle. Il est nécessaire tout d’abord que l’émetteur du message soit perçu comme légitime : si l’ordre était donné par un collègue, une grande partie de la discussion qui s’en suivrait ne porterait pas sur le travail à effectuer mais sur le rôle de l’un et de l’autre dans la transaction qui est en cours (« De quel droit me donnes-tu des ordres ? »). L’émotion quant à elle est toujours présente dans une interaction, même lorsqu’elle transite par la messagerie électronique. Elle est présente chez celle qui émet le message : « Je suis stressée parce qu’on me harcèle par rapport à ce dossier » ; elle est présente chez celui qui reçoit le message : « Je me sens agressé quand vous entrez ainsi dans mon bureau sans même me dire bonjour ». En l’occurrence, il n’est pas inutile que la supérieure précise son humeur permettant ainsi à son collaborateur de se sentir moins agressé ; comme il ne sera pas inutile que le collaborateur précise son ressenti permettant à son tour à sa supérieure de commencer à l’avenir par le saluer.

Pour résumer, éviter les pièges de la communication nécessite de la clarté dans le message, une bonne définition du contexte qui justifie le message et des rôles qui le légitime et une attention particulière portée aux émotions qui accompagnent le message et qu’il peut susciter. Il s’agit donc d’exprimer aussi ce qui nous paraît évident, et cela quelle que soit le moyen utilisé.

Consultante pour le cabinet conseil cbva SA, Claudia Schweizer collabore avec Le Monde Economique en qualité d’experte


[1] Principes volontairement simplifiés ; mes excuses aux théoriciens de la communication.

 

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