Avec certitude, assurément non. Parce qu’il s’agit de sentiments humains et non d’une science exacte, et parce qu’il y aura toujours une distorsion entre la perception et la réalité. Néanmoins, on peut s’en approcher, et là, tout dépendra de la façon de s’y prendre. Deux moyens, qui devraient se compléter, permettent en effet de connaître la température régnant dans l’entreprise. Le premier est scientifique : le sondage. Le second, relève directement du management : le climat de confiance établi ou non, l’intensité des relations entre la hiérarchie et les collaborateurs. Bref, d’une façon générale, tout ce qui peut encourager ces derniers à s’exprimer librement.
Le sondage offre l’avantage de tout moyen scientifique. La précision des questions, les analyses que l’on peut en tirer, ainsi que le suivi de l’évolution par la répétition de l’exercice. Ses inconvénients résident dans le fait que les sondages manquent de spontanéité. Ils arrivent souvent à un moment où le sondé n’est pas forcément inspiré. En outre, la tournure du questionnaire ne permet pas toujours de nuancer les avis comme on le souhaiterait et, surtout, un doute sur la question de l’anonymat retient non seulement les sondés d’exprimer complètement ce qu’ils pensent, mais il peut même carrément en retenir certains de participer.
Ceci revient à évoquer le degré de confiance des collaborateurs envers leur hiérarchie et nous amène directement au second moyen de sonder l’ambiance, étroitement lié au style de management, la règle de base étant simple : plus la confiance dans la hiérarchie est grande, plus les collaborateurs expriment librement et spontanément leur avis, et plus le management pourra se fier à ce qu’il perçoit.
Mais comment bâtir cette confiance ? Il s’agit d’un travail inlassable, qui fait appel aux aptitudes humaines du management : aisance dans les contacts, haute fréquence de ceux-ci, empathie, implication des subordonnés dans les projets et décisions, cohérence et honnêteté et, élément vital, mise en valeur des critiques et propositions spontanées.
Inutile de dire que si les managers regroupant ces qualités existent, il y en a une certaine proportion qui peine à toutes les réunir. Un conseil simple aux conseils d’administration serait de ne choisir que des chefs réunissant ces critères, ce qui n’est pas toujours possible, la perle rare se faisant parfois attendre, en raison également d’aptitudes techniques attendues pour exercer certaines fonctions à responsabilité.
Il convient alors de permettre à l’intéressé de combler certaines lacunes par un travail spécifique et, en particulier, de lui apprendre à bien manier un élément clé pour la construction de la confiance au sein de l’entreprise : l’acceptation de la critique comme un élément positif et la mise en valeur des propositions spontanées.
En effet, lorsqu’ un collaborateur émet une critique, il donne clairement un signe d’implication dans la marche de l’entreprise. Il se sent concerné, ce qui est positif. Rien n’est pire que des collaborateurs détachés de tout, le présentéisme étant un fléau au moins aussi grave que l’absentéisme. Lui permettre d’exprimer ses opinions apporte non seulement un plus en terme de reconnaissance, mais il agit également comme moyen de lâcher la pression et, surtout, il peut précisément donner une précieuse indication sur l’atmosphère qui règne.
Le deuxième élément, qui, dans certains cas, succède directement à la critique, est la mise en valeur des propositions spontanées. Qui n’a pas vécu ce sentiment désagréable de constater qu’une ou plusieurs suggestions émises se sont tout simplement évanouies dans les méandres de la hiérarchie ?
Mette en valeur ne voulant pas dire forcément mettre en vigueur, il est important de montrer beaucoup de reconnaissance pour l’acte spontané, donner rapidement des nouvelles sur la suite qui va être donnée et, même si l’idée ne peut pas être retenue, communiquer avec franchise les raisons à l’origine de la décision.
Acceptation des critiques et mise en valeur des propositions sont la base pour créer un climat de confiance, indispensable pour avoir une perception aussi proche de la réalité de l’état d’esprit ambiant. Alors, le sondage oui, mais utile et relativement fiable seulement si la première condition, celle d’une atmosphère saine, est remplie. Tout est donc affaire de management.
Bernard Stoessel, Consultant pour le magazine Le Monde Economique et Associé Fondateur de BS MANAGEMENT