La prestigieuse galerie Artvera’s, située dans la vielle ville de Genève nous ouvre ses portes sur sa nouvelle exposition Swiss Photo. Spécialisée dans l’art européen et russe de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, elle se tourne progressivement vers l’art contemporain. Un pari hautement réussi. Pour cette superbe exposition la galerie ne s’offre pas moins que les quatre photographes incontournables suisses contemporains : Iseult Labote, Cedric Bregnard, Vincent Calmel et Patrick Weidmann.Une trentaine d’œuvres sont proposées au public du 9 mai au 9 juin 2014.
La photographie capture l’instant, par essence fugitif. Le présent devient passé. Le temps est figé à jamais, immortalisé par le boîtier noir et son objectif qui est garant d’ « objectivité ». Une objectivité, certes, chargée cependant de la subjectivité du créateur qui oriente un choix, dévoilant un nouveau point de vue, une nouvelle ouverture au sujet regardant. La réalité visible sous un angle précis, un cadrage particulier, une lumière distincte, une thématique personnelle, une mise en scène étonnante nous fait découvrir « … le monde avec de tout autre yeux.» (Moholy-Nagy). En dépit de ce que le médium photographique, aux dires de Roland Barthes, n’invente pas (La chambre claire. Notes sur la photographie, 1980), son esthétisation l’accrédite explicitement comme « art ». En outre, les formats s’amplifient, s’adaptant aux dimensions de tableaux. L’inattendu, l’effet de surprise font appel à la séduction, invitent l’émotion.
«Toutes ces surprises obéissent à un principe de défi […]: le photographe, tel un acrobate, doit défier les lois du probable ou même du possible; à l’extrême, il doit défier celles de l’intéressant: la photo devient «surprenante» dès lors qu’on ne sait pas pourquoi elle a été prise…» (Roland Barthes, La chambre claire. Notes sur la photographie, 1980). Du clic surgissent des univers qui sont le fruit de regards subtils portant les signatures de ses créateurs.
Iseult Labote nous plonge dans l’esthétique du monde industriel contemporain. L’objet détourné, distrait en apparence de sa fonction utilitaire se révèle abstrait. Des métaphores de formes et de couleurs simulent la matière première en d’harmonieuses compositions. Ne se contraignant à aucune retouche ni mise en scène, son point de vue «objectif» cherche à fixer le parfait instant dans les chantiers, usines, entrepôts et lieux variés. Son approche sensuelle de la matière sublime la banalité des matériaux. Les néons « radieuse » et «elle me rend marteau » rendent aussi hommage à l’esthétique industrielle. Iseult Labote explore les limites du réalisme.
Cedric Bregnard explore la profondeur de la nature. Les graines, les fleurs sont au cœur de ses compositions. En apesanteur, par une lumière sans ombre, elles sont isolées de leurs contextes naturels. Le dépouillement et l’agrandissement à l’extrême sensibilisent la faculté sensorielle de l’observation à se concentrer sur les moindres détails dévoilantla richesse des textures, des formes et des couleurs. Les forêts de cèdres millénaires, immobiles un instant, nous plongent dans l’intemporalité. Ses conceptions artistiques se tournent vers l’éloge et le respect de la nature, l’interrogation anthropologique du devenir et du mourir, le mystère de la vie. La démarche artistique de Cedric Bregnard s’inspire de différentes pensées philosophiques avec comme objectif d’intégrer le lien de l’humain à la nature et rendre compte de son essence.
Vincent Calmel « Il est du principe de l’œuvre d’art d’avoir toujours été reproductible » articulera Walter Benjamin dans L’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée. Vincent Calmelremémore ainsi à sa manière les grands classiques. La photographie se fait peinture par ses références mutatis mutandis à Jacques Louis David, Jean Auguste Dominique Ingres, John Everett Millais, l’Ecole de Fontainebleau ou encore Sandro Botticelli. De sorte que l’authentique et innovante mise en scène cristallise paradoxalement l’illusion d’un passé révolu par le sujet général, et d’un présent par le cadre ambiant contemporain. La sophistication imprimée aux détails et à l’éclairage concourent à créer un univers hors norme et parfois cinématographique.
Patrick Weidmann nous donne une vision totalisante et totalitaire de la société. La culture populaire de figurines mangas, des pages froissées de magazines X, des objets de l’ère industrielle nous plongent dans un univers mercantile, baroque et libertin. Sujets et objets, tels des vanités fétichisées, deviennent une argutie artistique proche de la fiction. Par le choix d’un angle, il privilégie le punctum barthien, c’est à dire le détail, le point de vue partiel du clinquant, du superflu d’un nouvel ethos. La réalité est mise en image sans retouche. Les fragments sont quelque fois identifiables, d’autres fois abstraits, proches de l’illusion. En dépit du subterfuge, son œuvre est palpable, réelle, ancrée dans le temps et reflétant une vue panoramique de la société de consommation.
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Lundi à vendredi de 9h30 à 12h30 et de 14h00 à 19h00
Samedi de 11h00 à 17h00