Il est fréquent que les entreprises s’adjoignent les services de personnes non payées dans un contexte particulier. On pense par exemple aux biens connus « stages d’été » ou, encore, pratiques / de formation, usuels dans le milieu médical. Cela ne va pas sans poser d’importantes et intéressantes questions sur le plan juridique.
Le Monde économique : Une activité bénévole peut-elle être soumise au droit du contrat de travail ?
Me Philippe Eigenheer : L’existence d’un contrat de travail est présumée lorsque l’employeur accepte pour un temps donné l’exécution d’un travail qui, d’après les circonstances, ne doit être fourni que contre un salaire. Néanmoins, les parties peuvent valablement convenir, de manière expresse ou tacite, que l’activité est ou sera fournie gratuitement, avec cette conséquence que leur relation n’est pas soumise aux règles du contrat de travail. A titre d’exemple, le Tribunal fédéral a jugé récemment que compte tenu du contexte dans lequel un médecin a intégré un service parmi d’autres médecins non rémunérés et aussi longtemps qu’il ne mettait pas un terme à sa collaboration, les organes de l’établissement pouvaient admettre de bonne foi que cette personne acceptait de travailler bénévolement en considération des connaissances professionnelles et du savoir-faire qu’elle pouvait développer de cette manière.
Le Monde économique : Quel en est la conséquence principale ?
Me Eigenheer : Dans ce contexte, le collaborateur – non employé au sens juridique du terme – ne bénéfice d’aucune des prérogatives prévues par le droit du travail (cf. notamment, protections variées et diverses, assurances, etc), étant souligné que ledit droit ne s’applique pas à l’employeur non plus.
Le Monde économique : L’employé, respectivement l’employeur, sont-ils dès lors, dans ce genre de situation, dénués de tout droits et obligations l’un envers l’autre ?
Me Eigenheer : Non, évidemment. Il conviendra, au cas par cas, de qualifier les rapports juridiques entre les parties et d’en tirer les conséquences qui s’imposent. S’agissant d’une activité bénévole, la question principale qu’il conviendra de trancher est celle de savoir si les parties se trouvent dans un rapport, par exemple, de mandat gratuit ou de service gratuit (acte de complaisance).
Le Monde économique : Comment faire la différence ?
Me Eigenheer : La relation de service gratuit échappe au contrat lorsque les parties n’ont pas l’intention de créer des droits et obligations. Cette absence d’intention peut être déduite des circonstances concrètes, en particulier de l’attitude des parties, de la nature du service rendu et des intérêts, notamment économiques en jeu. A l’aide de ces critères, il faut examiner si le destinataire du service pouvait de bonne foi admettre que l’autre partie avait la volonté de se lier.
Le Monde économique : On voit bien qu’il y a pas mal de subtilités juridiques. En définitive, en quoi ces subtilités sont-elles importantes ?
Me Eigenheer : Elles sont très importantes, notamment sous l’angle de la responsabilité. En effet, le co-contractant qui est lié par un mandat gratuit engage sa responsabilité en cas d’inexécution. En revanche, la personne qui exécute un acte de complaisance n’engage pas sa responsabilité contractuelle, mais seulement délictuelle. Or et notamment, les conditions de ce type de responsabilité sont nettement plus restrictives.
Conclusion
On ne le dira jamais assez, prendre le temps de discuter avec un collaborateur les tenants et aboutissants d’une relation de collaboration afin de déterminer clairement ce que chacun souhaite, permet d’éviter la majorité des problèmes en amont.
Me Philippe Eigenheer
Avocat, associé
DGE Avocats