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Edito du mois rédigé par Alexis Bienvenu, Fund Manager, LFDE et Olivier de Berranger, CIO, LFDE
Fin février, à l’orée du vote d’un troisième plan de soutien américain d’une ampleur inédite, les taux américains à 10 ans ont retrouvé leur niveau précédent la crise du Covid, autour de 1,5%. Bonne nouvelle ? Pas pour les actions, qui fléchissent à cette nouvelle, en particulier le Nasdaq.
Pourtant, les marchés ne devraient-ils pas se réjouir de cette normalisation ? Enfin des taux qui rémunèrent le prêteur et non le débiteur ! Enfin une incitation à consommer plutôt qu’à épargner encore davantage !
Certes, la transmission de la hausse de taux longs à l’économie réelle conduit à un durcissement des conditions financières. Mais la phase actuelle du cycle est au redémarrage. En l’absence de nouveaux confinements, la dynamique de rebond est telle qu’elle devrait pouvoir s’accommoder d’une remontée modérée des taux. Et ce d’autant qu’une légère remontée de l’inflation – une reflation – est anticipée, notamment aux Etats-Unis grâce au nouveau plan de relance. Une reflation contenue permettrait aux taux réels, c’est-à-dire aux taux nominaux corrigés de l’inflation, de rester minimes, voire négatifs. La situation serait alors financièrement idéale : des taux nominaux positifs accompagnés de taux réels minimes, favorables à l’activité économique.
Il est vrai que la frontière est ténue entre une reflation favorable et une inflation destructrice, ce qui pourrait expliquer le stress du marché. Mais depuis dix ans l’inflation des pays riches, notamment au Japon et en Europe, est trop basse. Par quel mécanisme pourrait-elle tout à coup exploser, alors que rien n’a fondamentalement changé dans le système économique ?
La fébrilité du marché doit donc s’expliquer autrement. En particulier par la crainte que les taux nominaux s’emballent, surtout dans un environnement où les gouvernements inondent le marché de dette pour absorber leurs déficits. Mais les banques centrales l’ont prouvé à de nombreuses reprises, elles contrôlent fermement les taux. Nul doute qu’elles absorberaient l’excès d’offre obligataire en cas de besoin, « whatever it takes », comme disait le « sauveur de l’euro », nouveau maître de Rome.
La dernière explication serait une crainte spécifique sur l’avenir des valeurs les plus chères de la cote, en particulier les sociétés d’innovation digitale ou énergétique. Leur prix actuel ne se justifie que par des hypothèses optimistes à long terme. Une augmentation structurelle du coût du capital impacterait fortement leur valorisation et les fragiliserait. Leur retournement serait alors violent. TESLA par exemple a perdu 20% sur le mois de février, dans un mouvement exactement inverse aux taux américains à 10 ans. Mais ce risque, sans être anecdotique, reste localisé. Des gérants avisés sauront trier le bon grain de l’ivraie. En contrepartie, les bénéfices pour le reste du système économique sont considérables.
La balance est donc vite faite : que les taux montent ! (Sorry Elon Musk !) Le marché actions dans son ensemble, en pleine phase de reprise économique, devrait pouvoir faire face. Et à terme, le marché obligataire pourrait même retrouver de l’intérêt. Peut-on souhaiter une meilleure nouvelle boursière ?
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