Business as usual ? Trois « systèmes d’éthique » originaux dans le secteur bancaire suisse

24 mai 2017

Business as usual ? Trois « systèmes d’éthique » originaux dans le secteur bancaire suisse

Depuis la crise de 2007, de nombreuses banques ont connu de grandes difficultés, soit du fait du ralentissement de l’activité économique, soit à cause de leurs propres comportements risqués. Concernant ce second point, certaines banques ont été critiquées pour avoir menacé non seulement leur propre existence, mais aussi l’économie et la société dans leur ensemble, nécessitant l’intervention des autorités publiques. Ce fut le cas en Suisse en 2008 vis-à-vis d’UBS, une banque « too big to fail ». Le Conseil fédéral dut recapitaliser la banque à hauteur de 6 millions de dollars, et la Banque Nationale Suisse décida de créer un fonds spécial (« StabFund ») dédié au rachat des actifs toxiques de la banque.

Cet exemple illustre la nature fondamentalement éthique de l’activité bancaire : les banques étant au cœur de la production d’une économie, leurs activités ne concernent pas uniquement le périmètre de leur clientèle ni celui de leur compte propre. Elles exercent au contraire des externalités sur leur environnement. Le problème est que la crise récente a révélé le traitement asymétrique de leur situation : leurs profits sont privatisés, mais leurs pertes sont socialisées.

A partir de ce constat, il est important de reconsidérer la nature ontologique des banques, ce que nous avons entrepris de réaliser avec mon collègue Virgile Chassagnon qui a théorisé les firmes comme des « biens communs privés ». Les banques font partie de ces « biens communs privés », au sens où leurs activités impactent leur environnement. Cette considération modifie les droits et les obligations des banques à l’égard de la loi, et permet de mettre en avant la dimension éthique de l’activité bancaire.

En conséquence, s’il est difficile voire impossible de définir une éthique universelle, il est néanmoins possible et utile de réfléchir à un « système d’éthique » pour les banques. Ce système d’éthique doit reposer sur des critères de conduite, des principes, des attitudes et des évaluations de ces attitudes.

Dans le secteur bancaire suisse, trois banques concrétisent explicitement, chacune à leur échelle, ce « système d’éthique » : la banque WIR, la banque Raiffeisein, et la Banque Alternative Suisse. La première se concentre surtout sur le développement d’un business social auprès des petites et moyennes entreprises suisses, la seconde se focalise sur le soutien au « local » (pour les ménages comme pour les entreprises) et la dernière promeut la croissance d’une économie « verte » selon des critères très stricts.

Au-delà de leurs différences, ces banques se rejoignent dans leur volonté d’asseoir leur « système d’éthique » sur les piliers du partage, de la confiance, et de la transparence. Pour donner un exemple, ces banques mettent en avant un management très « sain » du risque, en étant au-dessus des normes internationales :

En %

Ratio de fonds propres de base

Ratio de fonds propres durs

Ratio global

2014

2015

2014

2015

2014

2015

Norme minimale

6

6

4,5

(7 avec un coussin minimal de sécurité)

4,5

(7 avec un coussin minimal de sécurité)

8

(10,5 avec un coussin minimal de sécurité)

8

(10,5 avec un coussin minimal de sécurité)

WIR

12,89

12,02

12,89

12,02

15,6

14,66

Raiffeisen

14,7

15,9

14

14,6

15,3

16,4

BAS

12,18

12,24

11,94

12,02

13,46

13,96

En somme, si ces banques représentent une part de marché relativement faible (13 % environ), leur « business éthique » doit être préservé et encouragé car il permet l’existence d’un écosystème bancaire diversifié en Suisse. Or, comme tout écosystème, plus il est diversifié, plus il est efficient et résilient.

 

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