Comment convaincre la génération Z de travailler dans un hôtel ou un restaurant ?

29 septembre 2021

Comment convaincre la génération Z de travailler dans un hôtel ou un restaurant ?

Par Claire Jollain

Il y a quelques jours, j’ai eu l’opportunité d’écouter un discours de Sébastien Bazin, CEO du Groupe Accor, dans le cadre de la conférence de l’investissement hôtelier en Afrique et aux Émirats à Dubaï (AHIC). Il expliquait de manière assez transparente, que le métier d’hôtelier ou de restaurateur ne faisait plus forcément rêver les jeunes générations. Il répétait : « Nous avons été aveugles ». Aveugles face au changement climatique et à l’impact que les hôtels ont sur les villes dans lesquelles ils s’implantent, tant au niveau environnemental, qu’au niveau sociétal. Aveugles face au désir des Millenials d’avoir un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Aveugles face au besoin de reconnaissance de la génération Z.

J’étais entourée d’une quinzaine d’étudiants internationaux, venus participer à un challenge sur l’hospitalité du futur. Je n’ai pas la prétention de résoudre le problème de manque de main d’œuvre dans le tourisme, mais je peux partager avec vous et Monsieur Bazin, ce que j’ai appris en tant qu’enseignante dans des écoles hôtelières en Suisse.  

Aveugle ou déconnecté ?

Alors que mes pairs saluaient le courage de Mr Bazin de reconnaître « ses torts » en public (et ceux des autres groupes hôteliers par voie de conséquence), la plupart des étudiants n’ont pas relevé en particulier cette figure de style : « Nous avons été aveugles », répétée à plusieurs reprises. Au contraire, ils se sont focalisés sur le fait que le CEO d’Accor s’adressait à eux, les féliciter pour être en finale de la compétition et qu’il invitait l’équipe victorieuse dans ses bureaux à Paris. Je crois que la génération Z est bien plus indulgente que les autres générations : ils savent que personne n’est parfait, même un CEO ! Ils n’ont pas besoin que leurs managers démontrent une exemplarité à tout épreuve et un contrôle de soi permanent. Ce qu’ils veulent, c’est avoir la chance de parler, d’essayer, d’expérimenter, de comprendre et d’être accompagnés. La génération Z n’accuse personne. Ces jeunes sont avides d’échange : ils valorisent l’expérience de leurs ainés. Ils veulent juste ne pas être écrasés par la hiérarchie. Ils ne pensent pas que Mr Bazin et ses homologues ont été aveugles. Ils pensent qu’ils ont été déconnectés d’une certaine réalité. La génération Z ne prétend pas tout savoir, ne donne pas de leçons, mais est avide de reconnaissance.

Reconnaître le savoir-être.

C’est cette reconnaissance qui fera venir ou revenir les employés dans les hôtels et les restaurants. Il n’y a pas de plus beaux métiers que celui de faire sourire les autres, de leur permettre de passer un bon moment. Si l’on réduit le travail du réceptionniste à une suite de taches basiques, effectuées dans un temps millimétré, il est évident que dans moins de 10 ans, des automates auront remplacé les individus, à l’entrée des hôtels. Si au contraire, on explique aux réceptionnistes qu’ils font partie des personnes les plus stratégiques pour l’hôtel, car ils sont le premier et le dernier contact entre l’hôtel et le client, on valorise non pas le métier et ses taches rébarbatives mais bel et bien, la personnalité des réceptionnistes, leur savoir-faire et leur savoir-être. Dire aux gens qu’ils sont essentiels est bien plus efficace que de leur donner une to-do list.

Le plaisir de travailler

L’hospitalité, c’est procurer du plaisir. Travailler dans l’hospitalité doit être un plaisir, car vous ne pouvez pas faire sourire les gens, si vous ne souriez pas vous-même. On ne travaille pas dans le tourisme pour l’argent. Il est évident que les salaires à l’embauche devraient être revalorisés dans ce secteur. Mais si les jeunes diplômés ont choisi l’hospitalité, ce n’est pas pour devenir riches ! Augmenter les salaires, améliorer les conditions de travail sont une nécessité mais absolument pas une finalité. Le plaisir au travail passe par une myriade de petites choses :

  • Permettre à chacun d’exprimer sa personnalité, en évitant le carcan des uniformes d’une autre époque. Offrir l’opportunité de personnaliser sa tenue, permet à chacun d’être soi et donc de connecter avec les autres, plus facilement.
  • Être dans le flow, cet état second où vous êtes captivés par une nouvelle activité, ravie de sortir un tout petit peu de votre zone de confort : organiser une rotation de postes permet à chaque employé de ne pas s’ennuyer, de continuer à apprendre et de respecter le travail de chacun.
  • Mettre en place une culture de l’échec : celui qui n’a pas essayé, ne peut pas se tromper. Si on félicite Mr Bazin qui parle d’une forme d’échec, pourrait-on être plus indulgent avec la nouvelle génération ? 
  • Recréer l’ascenseur social qu’a été l’hôtellerie en offrant des perspectives de carrières à tous, en passant par la formation continue mais aussi d’autres méthodes plus collaboratives.
  • Faire descendre dans l’arène plus souvent les grands patrons, que ce soit dans leurs hôtels mais aussi dans les écoles hôtelières : la formation passe aussi par eux.

L’humain et l’intelligence émotionnelle.

Au final, il s’agit de remettre l’humain au centre de chaque hôtel, restaurant, centre de loisirs, avions, musées, écoles … et la génération Z est la meilleure pour cela. Ces jeunes sont dotés naturellement d’une intelligence émotionnelle supérieure à celle de leurs ainés. Monsieur Bazin peut se rassurer, il a face à lui un potentiel exceptionnel.

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