On peut voir l’immigration comme l’expression de l’attractivité inégale des territoires et la mobilité d’individus portés par leurs aspirations…à moins que ce ne soit le revers de la médaille d’une mondialisation subie, héritière meurtrie des décolonisations ? Elle désigne en tout cas une réalité aux contours multiples et un fort enjeu pour tous les pays d’accueil. En effet, les flux migratoires placent un grand nombre d’enfants dans les bras de systèmes scolaires qui n’ont pas été bâtis pour eux, mais qui doivent leur offrir les moyens de réussir leur intégration.
Dans les médias régulièrement, la question du niveau scolaire des enfants issus de l’immigration est regardée avec attention. Chercheurs, observateurs, grand public, chacun y va de son constat chiffré et implacable, mais surtout de son explication, parfois empirique. Le sujet est pourtant complexe à appréhender mais la subjectivité et la démagogie entravent trop souvent la compréhension de ce qui est un indice marquant des failles de nos systèmes scolaires. Sur fond de montée des sentiments communautaires et de défiance, la réussite de cette jeunesse « d’origines » est à bâtir avec le plus grand soin en termes de politiques nationales, urbaines, sociales et scolaires pour accéder à un équilibre apaisé basé sur l’égalité des chances.
On lit, on entend parfois que les causes de l’échec scolaire des enfants d’immigrés sont à chercher du côté du choc des cultures (incompatibilité de faits culturels avec les valeurs de l’école républicaine, défiance face aux contenus et à la langue du pays d’accueil, sentiment de discrimination, …). Ce discours, présent dans les médias, reflète une vision simpliste qui épouse sans doute l’expression de l’animosité envers les populations immigrées. Pour autant, s’il peut expliquer certaines situations particulières, il ne permet pas d’analyser la variabilité du phénomène tel qu’elle apparaît dans les différentes enquêtes statistiques depuis des années.
L’objectivité du travail d’étude statistique et sociologique amène de nombreux chercheurs, comme Mathieu Ichou (Institut national d’études démographiques), à mettre plutôt en avant le contexte socio-économique des familles et le niveau de formation des parents comme facteurs ayant le plus d’impact sur les trajectoires scolaires des enfants d’immigrés.
Il s’appuie pour cela sur des modélisations comparatives permettant de jauger du poids respectif de différentes variables dans leurs performances scolaires et celles d’enfants de « natifs », sur des enquêtes nationales voire internationales, ainsi que des entretiens auprès de familles d’origines diverses.
Il en tire la conclusion que les réussites et les échecs sont plutôt liés aux contextes socio-économiques et aux héritages familiaux : niveau de formation des parents, leur rapport au savoir, l’ambition pour leurs enfants, le statut social avant de migrer, etc.
Il invite également à ne pas considérer les immigrés comme un groupe homogène. On observe par exemple des parcours scolaires plutôt favorables pour les populations venues d’Asie du Sud-Est, moins pour celles des pays du Sahel, encore moins pour la population d’origine turque.
Le phénomène migratoire modifie, parfois localement de manière importante, la composition des effectifs scolaires. Cette diversité sociale, culturelle et linguistique grandissante demande aux sociétés d’évaluer leur capacité à préserver et à promouvoir la cohésion sociale. Elle leur impose de réfléchir à des politiques éducatives et sociales efficaces pour réussir l’intégration des enfants issus de l’immigration et pour tirer parti des effets positifs que peut offrir ce phénomène. La pertinence des systèmes éducatifs doit permettre aux enfants d’immigrés d’être formés et adaptés au marché du travail de leur pays d’accueil, de leur donner le sentiment d’être membres à part entière de la société, sans discrimination, et de les encourager à prendre part à la vie citoyenne.
Cependant, il est très difficile de garantir aux élèves issus de l’immigration des résultats positifs. Ils doivent souvent surmonter les difficultés liées au déracinement, à une situation socio-économique défavorisée et au processus de construction identitaire, lesquelles surviennent toutes en même temps. En parallèle, les Etats peinent à former les enseignants, à repenser l’accompagnement et à déconstruire une ségrégation dans des établissements scolaires qui concentrent jeunesse populaire et immigrée sans perspective de réussite. Les exemples de parcours scolaires brillants chez les enfants d’immigrés existent et sont encore trop peu nombreux, comme c’est le cas pour les publics d’origine populaire d’ailleurs.
Certaines portes s’ouvrent par des volontés publiques audacieuses mais les réussites sont toujours le fait d’individus à l’optimisme, à la détermination et à l’ambition de toute façon supérieurs à la moyenne, peu importe leur origine !
Retrouvez l’ensemble de nos articles Décryptage