Souvent, les entrepreneurs semblent mal à l’aise lorsqu’il s’agit pour eux d’établir un prix de vente, un peu comme s’ils avaient le sentiment que leur prix n’est pas justifié. Et, ce qui n’arrange pas les choses, c’est que nous vivons dans un monde où prolifèrent des offres alléchantes étiquetées « low cost », prix écrasés, prix promos, prix de gros…, tous éléments qui amplifient ce sentiment d’inconfort au moment de fixer le prix de vente. Mais si le prix est juste, ce sentiment n’a pas lieu d’être. Alors, comment définir ce prix « juste » ?
Tout d’abord, il faut comprendre que le prix n’est pas une affaire de sentiments, mais qu’il doit être basé sur des analyses. Il est notamment nécessaire de bien connaître sa clientèle, ses concurrents et ses coûts.
Trois approches doivent donc être examinées :
— l’analyse de la demande,
— le calcul du prix de revient,
— l’analyse de la concurrence.
Détermination du prix par l’analyse de la demande ou méthode du prix psychologique
Il faut tout d’abord s’assurer que le produit ou le service est vendable. Il est important de déterminer le profil de son client cible et de bien connaître sa « psychologie d’achat » afin de lui proposer LE produit recherché qui correspond à ses besoins et à ses attentes — ET au prix qu’il est disposé à payer.
Cette connaissance du client est nécessaire dès la mise en place du projet de création d’entreprise ou de lancement d’un nouveau produit, et devra être entretenue tout au long de la vie de l’entreprise. Chaque porteur de projet devrait faire une étude de marché et la répéter périodiquement, soit par l’envoi de questionnaires soit par des entretiens avec des clients cibles. Il faut donc être à l’écoute des clients et les interroger sur leurs besoins et sur leurs attentes en matière de prix. Ce « prix psychologique » correspond au prix commercialement acceptable par le plus grand nombre des clients potentiels de l’entreprise.
Cette enquête doit permettre de répondre à trois questions :
– Est-ce que mon produit répond à un besoin ? (surtout s’il s’agit d’une nouveauté)
– Au-dessous de quel prix le produit ou service serait-il perçu comme de trop mauvaise qualité ?
– Au-dessus de quel prix serait-il trop cher ?
L’analyse des résultats permettra de fixer le prix psychologique.
Aujourd’hui, le consommateur est de mieux en mieux informé et de plus en plus exigeant, si bien que sa décision d’achat ne sera plus seulement déterminée par le prix courant (qui reste un élément sensible, surtout en période de faible pouvoir d’achat). Il tiendra aussi compte d’une série d’autres éléments tels que la qualité des conseils fournis, la garantie offerte, le service après-vente, l’installation par un professionnel ou l’absence d’un tel service, les possibilités d’échange ou la formule « satisfait ou remboursé ». Il faut donc être prêt à mettre ces éléments dans la balance, et à les utiliser comme arguments de négociation plutôt que de casser les prix.
Fixation du prix de vente par l’analyse des coûts (prix de revient)
Le principe est simple : pour gagner de l’argent, il faut vendre son produit (ou son service) plus cher qu’au prix où on l’a acheté ou produit. Il est donc primordial de connaître précisément le prix de revient, car, dans le cas contraire, l’entreprise risque de vendre « à perte » ou en tout cas, à une marge trop faible.
Le prix de revient correspond à la somme des coûts que supporte l’entreprise pour mettre sur le marché le bien ou le service considéré, et ceci à tous les niveaux : de la fabrication jusqu’à la distribution et la promotion. Il faut donc prendre en compte TOUS les coûts, à savoir :
– les coûts directs, comme l’achat de marchandises et/ou de matières premières, les coûts salariaux, le recours à des sous-traitants, l’amortissement des outils de production, etc., mais aussi
– les coûts indirects induits, par exemple, par l’étude de marché, la publicité, les frais généraux et financiers (loyer, électricité, assurances…), les frais de recherche et de développement, etc.
Ce prix de revient exact ne pourra être calculé qu’après avoir établi les prévisions financières, et doit être surveillé en permanence.
La marge à ajouter par la suite doit pouvoir assurer la survie de l’entreprise. Pour la déterminer, il est important de penser à pouvoir couvrir les besoins de l’entreprise pendant le cycle de vente (donc le temps nécessaire pour acquérir un nouveau client) et également pendant les moments creux (car les coûts fixes continueront de s’accumuler pendant cette période).
Modulation du prix de vente en fonction de la concurrence
Vous venez de calculer votre prix de vente en fonction de votre coût de revient. Toutefois, vous n’êtes sans doute pas seul sur le marché. Il faut donc comparer ce prix avec les prix pratiqués par la concurrence, en faisant, par exemple, un relevé de prix sur le terrain.
Si votre prix de vente est supérieur à celui des concurrents, vous aurez de fortes chances d’être boudé par les clients. Dans ce cas, il faudra proposer au client un « plus concurrentiel », c’est-à-dire un service ou un avantage perceptible pour la clientèle, qui « justifie » la différence de prix.
Dans ce contexte, le caractère innovant de votre proposition jouera un rôle primordial pour vous distinguer de la concurrence. Soit vous pouvez faire valoir que le produit que vous proposez est une véritable innovation, que vous êtes seul à proposer, soit que l’innovation réside dans la façon dont vous le vendez – par d’autres canaux ou accompagné de services qui ne sont pas offerts par la concurrence —, soit qu’il s’agit d’un produit « sur mesure » adapté aux besoins du client.
Donc, en résumé, il faut examiner ces 3 aspects du prix de vente et trouver le « feu vert » pour chacun d’entre eux. Il faut d’abord s’assurer que l’offre correspond à quelque chose dont le client a besoin, et qu’il soit prêt à en payer le prix. Puis, il faut se demander à quel prix l’entreprise peut le fournir en restant rentable. Enfin, il faut surveiller la concurrence dans le segment concerné soit pour rester dans la même fourchette de prix, soit pour offrir un produit ou un service qui se distingue suffisamment des autres pour affaiblir la pression sur les prix. Se lancer dans une guerre des prix, où on casse le prix avec le seul but de gagner des parts de marché par rapport à la concurrence, détruira la profitabilité, non seulement de l’entreprise qui s’y engage, mais de tout ce segment de marché si les concurrents décident de suivre la même voie. Optez plutôt pour un prix qui soit « juste » pour tout le m
onde : le client ne se sentira pas dupé, vous serez rentable, et respecté par vos concurrents.
Kathleen De Baets Druart, Consultante pour le magazine Le Monde Economique et Directrice-Fondatrice de Enfin Consulting