Photo © Indigita
Par Achille Deodato, CEO of Indigita SA
Il ne se passe pas un jour sans que les médias ne fassent état de nouvelles sanctions imposées à certains pays, organisations ou individus. Il peut s’avérer difficile pour les intermédiaires financiers de naviguer dans ce contexte en changement perpétuel. En effet, les types de sanctions diffèrent, de même que leur impact juridique et les conséquences en cas de violation.
Les sanctions économiques sont depuis longtemps utilisées comme un outil politique et diplomatique dans les relations internationales, impliquant des restrictions commerciales, des limitations des transactions financières et d’autres mesures visant des pays, des personnes juridiques ou des individus. Lorsque des sanctions sont imposées, les institutions financières opérant dans la juridiction du pays émetteur, ainsi que celles qui utilisent sa monnaie, sont légalement tenues de s’y conformer. Le récent conflit en Ukraine a une fois de plus mis la question des sanctions sur le devant de la scène, avec les États-Unis et leurs alliés qui ont imposé des sanctions à la Russie et aux personnes proches du gouvernement russe. Compte tenu de l’ampleur, de la rapidité et de la complexité des transactions dans le paysage financier actuel, les intermédiaires financiers s’appuient de plus en plus sur des contrôles automatisés et des systèmes numériques pour s’assurer qu’ils n’enfreindront aucune règle.
Différentes autorités, telles que l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) aux États-Unis, le Conseil européen dans l’Union européenne et le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) en Suisse, publient régulièrement des listes de personnes et d’entités sanctionnées. L’impact de ces listes va souvent bien au-delà de la juridiction où elles sont émanées. Par exemple, les sanctions de l’OFAC peuvent, dans un premier temps, sembler avoir un impact uniquement sur les banques américaines. Or, toute banque ayant une exposition directe ou indirecte aux États-Unis doit de facto se conformer aux réglementations de l’OFAC. Ce dernier peut en effet prendre des mesures à l’encontre des banques en ce qui concerne leur possibilité d’utiliser le dollar américain, d’investir dans des titres cotés sur les bourses aux Etats-Unis, de maintenir des succursales ou de filiales aux Etats-Unis. Tout citoyen américain est par ailleurs soumis, à titre individuel, à des obligations de déclaration auprès de l’OFAC en cas d’identification d’une violation des sanctions, indépendamment d’où la personne se trouve dans le monde et de son employeur.
Ainsi, si une banque, quelle que soit sa localisation, effectue une transaction en USD avec une personne ou une organisation sanctionnée par l’OFAC, elle enfreint automatiquement la législation américaine et peut être ajoutée à la liste des entités sanctionnées. Les répercussions peuvent être graves : interdiction d’effectuer des transactions en USD, perte d’accès aux actifs en USD et aux actifs détenus aux États-Unis, tels que les actions ou les obligations, et restrictions concernant le transfert d’actifs en USD appartenant à des clients.
Pour se conformer à toutes les sanctions applicables, les banques doivent prendre des mesures spécifiques. Tout d’abord, elles doivent respecter les sanctions imposées par leurs autorités nationales. Ensuite, elles doivent identifier les sanctions supplémentaires auxquelles elles doivent ou veulent se conformer en fonction de leur exposition internationale, en tenant compte de facteurs tels que les obligations de déclaration aux autorités réglementaires étrangères (en raison de la présence de succursales ou de filiales), les investissements financiers, l’utilisation des devises et le domicile des clients. Il s’agit d’un effort permanent, car les listes de sanctions doivent être mises à jour quotidiennement. Une fois qu’une banque a déterminé la liste des sanctions nationales et internationales qu’elle doit respecter, il est essentiel de mettre en place des systèmes de contrôle interne qui englobent principalement trois niveaux : les comptes, les transactions et les produits financiers.
Au niveau des comptes courants et de dépôt, une banque est tenue de mettre en œuvre deux types de contrôles. En premier lieu, lors de l’ouverture d’un nouveau compte, elle doit vérifier si le titulaire du compte ou toute partie associée figure sur l’une des listes de sanctions qu’elle est tenue ou a choisi de respecter. Ce processus de contrôle peut être étendu, en particulier dans le cas des comptes de sociétés, car tout actionnaire ou administrateur pourrait être sanctionné. Par conséquent, la banque doit mettre en place des processus solides de KYC (« Know Your Client »), afin d’obtenir des informations détaillées sur les actionnaires et les organes de direction des personnes morales. De même, pour les comptes individuels, la banque doit faire preuve de la diligence nécessaire pour déterminer si une personne peut avoir des liens avec un individu ou une société sanctionnés.
En deuxième lieu, la banque doit effectuer régulièrement des contrôles sur sa base de clientèle afin de vérifier si des clients existants ont récemment fait l’objet de sanctions. Si un client est identifié comme étant sous sanction, la banque est tenue de prendre les mesures nécessaires. Il peut s’agir de signaler le compte si le client est sanctionné par les autorités nationales ou de mettre fin à la relation d’affaires si le client a été sanctionné par une autorité étrangère.
Au niveau des transactions, les banques doivent veiller à ce que les fonds entrants ou sortants ne soient pas liés à des entités ou individus sanctionnés. Pour ce faire, elles doivent garder une visibilité sur la source et l’origine des fonds déposés sur les comptes des clients existants et identifier les destinataires des paiements sortants.
La mise en œuvre de mesures concernant les investissements financiers implique peut-être le niveau de contrôle le plus complexe à mettre ne place. Chaque fois qu’une banque effectue ou détient un investissement dans des actions, des obligations, des fonds ou d’autres produits financiers, elle doit impérativement vérifier s’il existe des liens entre l’actif financier et des entités sanctionnées. Par exemple, un client peut demander à investir dans un fonds qui, à son tour, investit dans un autre fond qui détient des actions d’une entité sanctionnée. Comme on peut le constater, le niveau de détail requis pour ces contrôles est extrêmement élevé. Ces contrôles doivent être appliqués non seulement aux nouveaux investissements, mais aussi aux portefeuilles existants.
Les sanctions constituent un instrument puissant permettant aux États d’exercer une influence diplomatique ou politique. Toutefois, l’efficacité des sanctions dépend en grande partie de la capacité du système financier à les appliquer efficacement. Compte tenu de la rapidité, du volume et de la complexité des transactions bancaires quotidiennes, les outils et systèmes numériques apparaissent comme la seule solution viable pour établir un cadre de contrôle solide. Seule l’automatisation des contrôles au niveau des investissements financiers permet par exemple d’atteindre la granularité nécessaire permettant d’identifier des actifs financiers liés à des sanctions. Pour mettre en œuvre les contrôles automatisés nécessaires pour rester en conformité dans l’environnement actuel, les banques doivent s’appuyer plus que jamais sur des sources de données des fournisseurs de solutions numériques fiables.
Retrouvez l’ensemble de nos articles Décryptage