Les mots « budget prévisionnel » font souvent peur aux entrepreneurs. La majorité des petites entreprises n’établit pas de budget prévisionnel ou n’en tire pas le maximum parce qu’elles ne s’en servent pas comme un outil de gestion. Et c’est dommage. L’élaboration du budget prévisionnel, clé de la réussite pour développer son entreprise, mérite qu’on y consacre du temps et de l’attention. L’entrepreneur peut en faire un excellent outil de gestion.

Comment ?

Les fluctuations de l’environnement économique, politique et fiscal sont aujourd’hui un fait. L’entreprise qui sait anticiper et s’adapter en conséquence a une longueur d’avance sur ses concurrents. Voilà pourquoi l’exercice d’un budget prévisionnel est essentiel. Cet exercice force les entrepreneurs à réfléchir à la question de savoir où ils veulent mener leur entreprise et dans quel laps de temps ils peuvent le faire. Autrement dit, à se fixer des objectifs réalistes. Ensuite, ils devront réfléchir aux façons d’atteindre ces objectifs, et de mettre en place des plans d’action. Les décisions auxquelles chaque entrepreneur doit faire face quotidiennement seront ainsi plus faciles à prendre. On pourra aussi plus facilement évaluer l’influence des événements extérieurs ou intérieurs à l’entreprise, savoir où ils vont impacter et comment on peut corriger cet impact. L’évaluation régulière des performances réalisées par rapport à celles budgétées permettra d’analyser les écarts, leurs causes, et surtout, de savoir réagir vite pour mettre en œuvre des actions correctives. L’entrepreneur apprend davantage sur le fonctionnement de son modèle d’affaires et sur ses processus grâce à cette analyse d’écart.

Mais cela ne suffit pas ! Un budget prévisionnel qui se limite à un exercice comptable laborieux qu’on fait une fois par an et qu’on range dans un tiroir pour le reste de l’année manque singulièrement d’efficacité. Or, la pratique la plus courante consiste à faire un budget prévisionnel à l’horizon de fin d’année, ce qui coïncide avec la clôture comptable et le budget annuel. L’inconvénient, c’est que cela réduit le champ de vision à mesure que l’année s’écoule. La meilleure pratique, dite de « rolling forecast », ou prévision glissante, prend toujours comme horizon temporel un nombre de mois fixe à compter du mois en cours. L’intérêt de la prévision glissante est de donner une visibilité de l’activité en continu, malgré la rupture liée à la clôture annuelle. Ainsi, revisiter et réévaluer régulièrement les hypothèses fait partie d’un exercice continu. Pour que la prévision puisse être efficace, elle doit répondre à certains principes :

– la prévision doit être orientée vers l’action

– la prévision doit être faite régulièrement

– la prévision doit être partagée et adaptée par toute l’organisation

L’action est la raison d’être du budget. Un contre-argument classique à l’exercice de la budgétisation consiste souvent à dire que le budget est déjà obsolète dès qu’il est imprimé. C’est vrai, le résultat financier final ne correspondra pas au budget d’origine. Après tout, le but n’est pas de prévoir au plus juste le résultat financier un an à l’avance. La prévision a surtout pour objectif de mettre en avant des actions qui permettront à l’entreprise d’atteindre au mieux ses objectifs.

La mise à jour régulière des hypothèses en tenant compte de la réalité donne plus de réactivité aux entreprises. La fréquence de l’exercice dépend de la variabilité des hypothèses, de l’importance de leur influence sur les résultats et de l’aptitude à y réagir. Pour certains éléments de la prévision, un cycle trimestriel suffit. Mais pour d’autres (comme le chiffre d’affaires ou le planning de personnel), une mise à jour plus fréquente sera peut-être nécessaire. Mais avant tout, il s’agit de comparer d’une façon très régulière les performances réalisées avec celles budgétées et d’agir sur les écarts et leurs causes.

La prévision touche chaque individu de l’organisation, puisqu’elle sera à l’origine d’un plan d’action qui impliquera chaque acteur. Pour bien exploiter un budget prévisionnel, il ne faut donc pas se contenter de le diffuser dans l’entreprise une fois l’exercice accompli. Il faut saisir l’occasion pour engager toute l’organisation par la construction en commun des hypothèses. Les objectifs auront ainsi plus de crédibilité et la motivation de toute l’équipe s’en verra accrue. La prévision pourra par la suite être traduite en objectifs individuels, qui constitueront un des éléments de l’évaluation et de la gratification des salariés.

Instaurer un processus de prévisions glissantes peut donc être à la base d’une meilleure gestion de l’entreprise. Plus encore que les exercices de prévisions budgétaires classiques, qui sont souvent considérés comme un « événement unique » dans l’année, les prévisions glissantes sont un élément intégré du suivi continu de l’entreprise. Elles sont un outil très efficace pour analyser les éléments qui sont déterminants pour la conduite optimale de l’entreprise. Elles faciliteront la mise en œuvre de changements pour améliorer les résultats et la rentabilité. Et elles seront un moyen efficace de planification et de gestion de l’organisation.

Kathleen De Baets Druart, Consultante pour le magazine Le Monde Economique et Directrice-Fondatrice de Enfin Consulting