Si 50% des managers des entreprises du SMI sont de nationalité suisse, on observe une forte internationalisation du management qui a atteint 10% en 2006 (source: UNIFR). Ce qui pose la question de la culture de communication. Un copier-coller des campagnes européennes est-il vraiment approprié au public suisse ?
Ne touche pas à ma diversité
Personne ne le contredira, les cultures linguistiques et références historiques helvétiques dépassent largement nos frontières, offrant leur lot de similitudes avec nos voisins. Nous faisons partie de l’Europe, bien sûr, tout débat politique mis de côté. Si les messages publicitaires généraux peuvent répondre aux valeurs et bases culturelles outre-frontière, p.ex. dans les produits de grande consommation, certains sujets s’avèrent délicats lorsque l’on touche des notions identitaires profondément ancrées.
Pays plurilingue, la Suisse compte quatre zones linguistiques où une seule langue officielle a cours. Si la Constitution helvétique a établi l’égalité des langues, le Röstigraben, écart culturel et linguistique entre les francophones et germanophones existe depuis un millénaire. Malgré la forte influence historique européenne et la culture du compromis en territoire neutre, le pays reste multiculturel à coeur. Le tessinois pure souche ne se considérera pas plus italien qu’un romand (dzodzet ou autre) ne se sentira français. Le Suisse alémanique revendiquera d’ailleurs son appartenance à une sous-culture locale en employant un dialecte particulier. Vous êtes largués? la suite vous plaira.
Dialectes et helvétismes
Esprit de clocher oblige, les dialectes et parlers locaux mènent la vie dure aux langues souches qui se targuent de leur pureté immaculée. Cela dit, les derniers dictionnaires parus début juin intégrant de nouveaux mots, témoins de l’émergence de la société mondiale du troisième millénaire et du besoin naturel de racines.
Si l’Europe reste principale usagère de la langue française avec 39.47% des locuteurs, elle est talonnée par l’Afrique subsaharienne et océan indien avec 36.03% (chiffres 2010 de l’OIF). Garder la part belle à la francophonie passe à mon sens par la descente de ce piédestal colonialiste caduc. L’acceptation des africanismes, belgismes, québequismes et autres helvétismes permettra en effet d’atteindre notre objectif de communicateur: parler au public cible avec un message impactant, qui colle à sa culture. Avec ses propres mots.
Dans un contexte de communication internationale comme nationale, cela passe par la localisation. Selon une enquête personnelle faite sur LinkedIn auprès de 120 dirigeants d’entreprises et responsables marketing communication, il ressort que 56,25% des responsables sont conscients que leurs supports ne sont pas en adéquation culturelle. Si 68,65%, d’entre eux fait relire en interne, cela n’empêche pas les Romands d’être frustrés devant nombre de campagnes traduites de manière incompréhensibles, car presque un tiers des répondants de l’enquête zappe purement et simplement la relecture. Pour quel impact, quelle notoriété ? En clair, les communiqués français seront helvétisés et la structure des communiqués allemands sera adaptée aux habitudes de la presse locale. Cela permettra à vos textes de passer la rampe, les médias à captiver n’étant pas nombreux. Le principe s’étend bien sûr à l’ensemble des supports de communication si votre produit ou service se diffuse sur tout le territoire. Le risque est le prix de cette localisation qui demande des savoirs locaux, des coûts pas toujours budgétés.
Et pourquoi pas en Anglais?
En effet, la solution de facilité proposée par Fathi Derder, conseiller national PLR VD est tentante de « rajouter l’anglais comme langue officielle en Suisse ». Conséquence de la globalisation, l’utilisation d’un vocabulaire standardisé est en passe de tuer l’identité suisse (ouf, il reste quelques Romanches!). En 2000, le canton de Zurich a suivi Appenzell Rhodes-intérieures en décidant d’introduire l’Anglais comme première langue vivante étudiée, au détriment du Français, ce qu’avait même soulevé un questionnement de Xavier de Villepin au Sénat.
L’Anglais comme langue de secours, apparemment plus accessible que celles de Goethe et de Molière, n’en est pas moins utile et pratique au quotidien. Dans la pratique, des solutions linguistiques hybrides – parfois très originales – sont imaginées pour limiter les coûts. Toutefois, n’oublions pas que c’est le client qui aura le dernier mot. Selon son degré d’identification à votre produit, il décidera s’il achètera… ou pas.
Pamela Chiuppi, Expert pour le magazine Le Monde Economique et fondatrice de etrevu–marketing&communication